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La Finance islamique, principes Fondamentaux et défis au système bancaire

Par   •  5 Juillet 2018  •  15 078 Mots (61 Pages)  •  628 Vues

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En effet, si l’objectif affiché par les créateurs de Tabung Haji et de Mit Ghamr était le même (mettre en place des circuits financiers qui permettent de réduire l’exclusion bancaire et favorisent le développement des populations défavorisées tout en respectant la philosophie de la loi coranique), les deux expériences revêtirent des formes très différentes. Le Tabung Haji, impulsé et financé par les autorités publiques Malaisiennes, était voué à investir les ressources collectées auprès d’un grand nombre de petits épargnants dans des grands projets industriels, agricoles ou de construction. Le développement de cette institution a été largement favorisé par la mise en œuvre d’une réglementation spécifique, même si elle a gardé une grande autonomie décisionnelle par rapport aux pouvoirs publics. À l’inverse, le Mit Ghamr, qui relevait d’une initiative entièrement privée, était composé de petites coopératives d’épargne/investissement qui opéraient dans les régions agricoles du nord de l’Égypte. L’objectif de leur fondateur, Ahmed al Najjar, était d’assurer l’intermédiation des ressources financières entre épargnants et petits investisseurs locaux. Ainsi, les premières institutions islamiques étaient caractérisées par une grande diversité d’origines (locales, nationales et, dans certains cas, internationales) et de structures, mais aussi par une convergence d’objectifs et de philosophie. Les résultats obtenus par ces premières banques islamiques ont été mitigés. Si certaines, comme le Tabung Haji ou l’IDB (Islamic Development Bank), créée en 1974, ont réussi à s’installer durablement, d’autres furent éphémères (les coopératives islamiques d’Égypte, qui ont toutes disparu en 1967, ou bien la BCCI, Bank of Credit and Commerce International, liquidée en 1991). En effet, ni les infrastructures existantes, ni la culture ne favorisaient, à ce stade, l’émergence d’une finance exclusivement basée sur le principe de « profit-and-loss-sharing ». De la fin des années 1970 à la fin des années 1990 : le renouveau de la finance islamique Malgré le succès tout relatif des premières expériences, la finance islamique a connu, au cours des deux décennies suivantes une poussée de croissance remarquable. Le renouveau religieux et les déboires des institutions financières « classiques » dans les années 1980 ont ressuscité l’intérêt pour cette forme de finance « éthique ». Certaines évolutions dans l’environnement économique ont également favorisé la prolifération de ces instruments financiers : - la structure des revenus des grands établissements de crédit s’est modifiée, le déclin des revenus d’intermédiation laissant une place de plus en plus grande aux commissions et autres types de revenus ; - le mouvement de libéralisation et de déréglementation a été accom pagné par une accélération de l’innovation financière. Les progrès réalisés dans le domaine de l’ingénierie financière ont facilité l’élaboration de produits financiers qui intègrent les exigences de la finance islamique. Plusieurs facteurs semblent ainsi favoriser non seulement le développement de la finance islamique mais aussi l’interpénétration de plus en plus poussée entre la finance traditionnelle et la finance islamique. Cette deuxième phase dans le développement de la finance islamique est marquée par des mutations profondes dans le fonctionnement et l’organisation de ces institutions financières : elles se développent de manière plus diversifiée et plus décentralisée, à l’image du monde musulman. Si la « jeunesse » de la finance islamique a été dominée par un petit nombre de pays (essentiellement l’Arabie Saoudite, l’Égypte et le Pakistan), au cours des années 1980-1990, de nouveaux centres de finance islamique apparaissent, notamment dans certains pays de l’Asie du Sud-Est, mais aussi au sein des communautés musulmanes dans certains pays occidentaux. La finance islamique repousse aussi ses frontières industrielles : après s’être développée exclusivement sur le métier bancaire, elle commence à pénétrer de nouveaux marchés comme l’assurance ou les fonds communs de placement. De même, si l’idée d’origine est conservée - la conformité aux principes de la charia - les objectifs de ces institutions financières évoluent progressivement. Elles ne sont plus considérées comme un simple outil de développement mais acquièrent le statut d’intermédiaires financiers à part entière (avec comme objectif de maximiser leur profit). Sous l’impulsion d’une demande de plus en plus sophistiquée et dynamique, la finance islamique devient plus pragmatique et ses pratiques convergentes progressivement avec celles de la finance traditionnelle. Parallèlement à cette convergence, les institutions financières revendiquent de plus en plus leur spécificité, en mettant en place, par exemple, des « sharia boards » qui servent à la fois de garants du caractère islamique des instruments financiers proposés et d’« arguments marketing » auprès des investisseurs musulmans.

LA FINANCE ISLAMIQUE APRÈS LE 11 SEPTEMBRE 2001 : LA CONSÉCRATION ? Un environnement financier qui change La date du 11 septembre 2001, qui a laissé une empreinte indélébile sur l’ensemble du monde musulman, a marqué également un tournant important dans le développement de la finance islamique. La croissance de celle-ci s’est fortement accélérée au cours des dernières années sous l’impulsion de deux phénomènes :

¤le rapatriement de certains capitaux des investisseurs musulmans après le 11 septembre 2001 ;

¤le gonflement de l’épargne des pays du Proche-Orient.

Ces deux facteurs expliquent, aujourd’hui, l’apparition de poches d’épargne considérables dans les pays musulmans. L’accroissement du taux d’épargne est un phénomène commun à un grand nombre de pays émergents. Si les taux d’épargne et d’investissement mondiaux ont fortement diminué au cours des trente dernières années, ces tendances mondiales masquent des évolutions très différentes de ces agrégats entre les pays industrialisés et les pays émergents

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Dans les pays industrialisés, l’épargne et l’investissement sont sur une trajectoire décroissante depuis les années 1970. L’évolution de l’endettement des États-Unis illustre parfaitement les conséquences de ces évolutions. Le creusement à la fois du déficit public et de l’endettement des ménages a entraîné une dégradation durable du compte courant américain. À l’inverse, pendant la même période, le taux d’épargne n’a cessé d’augmenter

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