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L'immunité de l'Etat, un principe révolu?

Par   •  18 Septembre 2018  •  2 766 Mots (12 Pages)  •  470 Vues

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d’un État associée à la nécessité d’utiliser la coercition rendent difficile une véritable remise en cause de ce principe.

Il a tout de même été restreint par l’adoption d’une distinction entre les biens affectés à l’exercice de l’activité gouvernementale et les biens se rattachant à des activités économiques, commerciales ou civiles de l’État, notamment pas le State Immunity Act de 1978 en droit anglais. La Cour de cassation française a suivi cet exemple dans son arrêt "République islamique d’Iran c. Sté Eurodif" le 14 mars 1984 .

La Haute juridiction a, par exemple, jugé le 25 janvier 2005, dans son arrêt "République démocratique du Congo", qu’un État ne pouvait opposer son immunité d’exécution à une créance relative au paiement de charges de copropriété d’un immeuble qui certes servait au logement du personnel diplomatique mais qui n’était pas affecté aux services de l’ambassade et qui ne servait pas de résidence pour l’ambassadeur.

Elle a également rejeté l’immunité d’exécution de l’Allemagne le 25 janvier 2005, dans une affaire où un particulier demandait la "réfection sous astreinte" d’un mur séparant sa propriété de celle de la République fédérale d’Allemagne, au motif que "l’acte donnant lieu au litige, consistant pour l’État allemand à ne pas faire démolir le mur mitoyen ni à le reconstruire n’était qu’un acte de gestion privée, et ce d’autant plus que l’immeuble était désaffecté".

Si l’immunité d’exécution venait cependant a être admise, la victime peut désormais se retourner contre l’état français en invoquant une rupture d’égalité devant les charges publiques (CE, 14 octobre 2011).

On constate, qu’après avoir eu une position très conservatrice des immunités, particulièrement concernant celle d’exécution, la jurisprudence récente tend à en redéfinir les contours de manière plus stricte.

Cette tendance va prendre un tournant radical avec l’adoption de la loi JASTA (Justice Against Sponsors of Terrorism Act) aux États-Unis.

b) La remise en cause de l’immunité de juridiction par l’impérialisme américain

Les États souverains ont généralement été à l’abri de poursuites devant les tribunaux aux États-Unis. En 1976, le Congrès a toutefois prévu quelques exceptions à cette immunité en adoptant le "Foreign Sovereign Immunities Act". Il instaure une possibilité de poursuivre un État étranger lorsque celui-ci s’empare de biens américains ou quand ses actions ont eu des conséquences directes sur le fonctionnement commercial des États-Unis. C’est en se fondant sur ce texte qu’une société américaine avait assigné le Venezuela devant la justice américaine. L’État vénézuélien avait alors invoqué le principe de l’immunité de l’État et avait paradoxalement reçu le soutien des États-Unis, inquiets d’être finalement les premières victimes d’une remise en cause de ce principe.

Mais, malgré l’opposition du Président Barack Obama à une évolution plus restrictive en la matière, les parlementaires ont choisi de permettre aux victimes des attentats du 11 septembre d’attaquer en justice l’Arabie saoudite, en adoptant la loi JASTA. Cette loi, définitivement adoptée le 28 Septembre 2016, permet donc de poursuivre devant le juge américain des États accusés de terrorisme.

Les répercussions diplomatiques ne se sont pas fait attendre. Cette loi a vivement été critiquée, notamment par la France. Le royaume saoudien ne décolère pas et a menacé de vendre tous les biens qu’il possède sur le territoire américain.

Si des réponses symétriques des nombreux États lésés par les États-Unis au fil du temps devaient avoir lieu, cette loi pourrait avoir de graves conséquences politiques.

Anne Lagerwall, professeur de droit à l’ULB et spécialiste des immunités, estime que "le problème avec cette loi est qu’elle établit des règles qui risquent de donner lieu à une pratique judiciaire qui n’est pas conforme au droit international [...] les États-Unis se rendent responsables d’une violation du droit international".

Reste à savoir comment les juges appliqueront celle loi alors que l’immunité de juridiction des États est une norme de droit coutumier international. Mais la justice américaine a toujours refusé toute application directe du droit international et toute soumission à une juridiction internationale ce qui rend l’application de cette loi par les juges plus probable.

Si les États-Unis ont fait un pas vers la fin de l’immunité des États en violant le droit international, l’Europe, quant à elle avance à contre courant notamment à travers la peur de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (ci-après "CEDH") d’empiéter dans le domaine du droit international qu’elle tient à respecter.

II Le maintien d’une ligne plus conservatrice au principe d’immunité des États

Malgré une tendance évidente à la restriction des immunités, le droit international en conserve une conception beaucoup plus traditionnelle en matière de droits de l’homme. La CEDH, bien qu’institution censée les protéger, se borne à suivre cette approche du droit international (a). Un recul en la matière peut également être constaté en droit interne avec le durcissement des conditions de renonciation à l’immunité d’exécution des États, notamment en Belgique et en France (b).

a) L’alignement du juge européen sur l’interprétation classique du droit international des immunités en matière de droits de l’Homme

Si l’avancée des droits de l’Homme aurait pu sonné le glas du principe d’immunité des États, la CEDH a étonnamment opté pour une position traditionnelle en la matière.

Les principes de souveraineté et d’égalité des États sont les fondements classiques des immunités en droit international, néanmoins ils n’impliquent pas que celles-ci soient accordées en toutes circonstances, et les différents instruments de droit international auxquels se réfère la Cour vont en ce sens.

La CEDH reconnaît pour la première fois le principe d’immunité le 21 novembre 2001 avec les arrêts "Al Adsani c. Royaume-Uni", "Forgaty c. Royaume-Uni" et "Mc Elhinney c. Irlande", dans lesquels elle considère que celui-ci "ne fait qu’observer le droit international afin de favoriser la courtoisie et les bonnes relations entre États grâce au respect de la souveraineté d’un autre État".

La

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