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Faut-il supprimer le Sénat ?

Par   •  26 Septembre 2018  •  1 896 Mots (8 Pages)  •  569 Vues

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II – Une institution contrastée mais solidement ancrée dans la Vème République

Bien que le fonctionnement du Sénat suscite de nombreuses critiques tant dans son mode d’élection que dans ses attributions vacillantes, ces dernières restent suffisamment fortes pour faire de lui une pièce maîtresse du paysage institutionnel (A) qui se défend efficacement face aux volontés de réformes qu’il soulève (B).

A) Une institution aux assises solides

Si la question de la suppression du Sénat revient à intervalles réguliers dans le débat public, force est de constater que ses assises sont solides. Attaqué deux fois par référendum, en 1946 dans une proposition rejetée de Constitution prévoyant un Parlement monocaméral et en 1969 lorsque de Gaulle essaya de le réformer en profondeur, le Sénat sorti vainqueur, semblant ancrer durablement le bicamérisme en France sans pour autant atténuer les critiques en son encontre. Par ailleurs, malgré les dispositions prisent aux articles 45 et 49 de la Constitution, le Sénat est loin d’être une institution déconsidérée.

Entre autres, son président est constitutionnellement le deuxième personnage de l’Etat, il possède en outre le pouvoir de nomination pour trois membres du Conseil constitutionnel et est appelé à assurer la suppléance en cas de vacance présidentielle. Mais c’est probablement en matière de révision constitutionnelle que le Sénat peut s’illustrer comme une puissante chambre d’opposition. En effet, l’article 89 dispose que la loi constitutionnelle doit être « voté(e) par les deux assemblées en termes identiques », dès lors, la chambre haute peut à elle seule faire obstruction à tout projet de révision par voie parlementaire. En conséquence, le Sénat s’impose comme un obstacle insurmontable pour les Gouvernements de gauche. Si effectivement quelques lois constitutionnelles largement consenties ont pu être adoptées en période de cohabitation, en réalité la majorité des révisions constitutionnelles votées par le Congrès avaient pour impulsion un alignement à droite des majorités présidentielle, législative et sénatoriale - cette dernière étant, comme nous l’avons vu, par tradition quasi-perpétuellement acquise.

Ainsi, le Sénat, si ce n’est une « anomalie démocratique », présente au moins un paradoxe, celui de paraître au second plan tout en jouant un rôle central dans le jeu institutionnel français. Si la question de sa suppression ne semble pas encore faire trembler les fondements de cette vieille institution, les voix appelant à sa réforme se font, elles, de plus en plus audibles.

B) Un impératif de réformes confronté à la solidité sénatoriale

Au vu des difficultés aussi bien politique que juridique, supprimer le Sénat parait être une aventure périlleuse. Aussi, loin est l’époque où les esprits étaient marqués par la loi, fruit mythique de « l’expression de la volonté générale », elle apparait davantage aujourd’hui comme l’action d’un programme politique menée par une majorité qui nécessite certains dispositifs de canalisation.

En somme, en plus du contrôle constitutionnel et de l’atténuation des pouvoirs de la chambre basse que demande le parlementarisme rationnalisé, on peut légitimement espérer dans la présence d’une chambre haute un contrepoids efficace au sein du Parlement et la promesse de travaux législatifs mieux élaborés à force de navettes parlementaires. Mais pour lui reconnaître pleinement une aussi noble utilité, faut-il encore qu’elle se réforme pour corriger ses défaillances de représentativité et de légitimité régulièrement pointées du doigt.

Cependant, face aux difficultés de la gauche à imposer ses projets de révision constitutionnelles et la complaisance de la droite pour le Sénat, on ne peut faire le constat que de réformes tatillonnes en son encontre. De surcroît, l’article 46 de la Constitution va lui apporter une protection supplémentaire en prévoyant que les lois organiques le concernant doivent être, là aussi, « votées dans les mêmes termes par les deux assemblées » laissant ainsi les éventuelles réformes quant à son fonctionnement et son mode d’élection sous l’empire de son « bon-vouloir ».

Ainsi lors des réformes de 2003 et 2011 passant l’âge d’éligibilité pour la présidence et la députation à 18 ans, celui du Sénat régressait à 30 puis 24 ans. Bien qu’au regard du spectre sociologique de l’élite politique française ces mesures paraissent anodines, elles traduisent au moins symboliquement la même idée qui avait déjà motivé la création du Conseil des Anciens selon laquelle le Sénat doit être une chambre plus âgée et assurément plus conservatrice.

En somme, la question de la réforme profonde du Sénat se heurte manifestement à une impasse et nécessite de tout évidence une impulsion populaire qui pourrait provoquer un nouveau coup d’audace politique à travers l’article 11 de la Constitution. Et si cet appel ne se transforme pas en plébiscite comme tout le laisse à croire pour celui de 69, alors peut-être connaitrons-nous enfin la vraie réponse du peuple français concernant cette sempiternelle question !

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