Le juge et l'aveu en matière civile
Par Orhan • 20 Novembre 2018 • 6 786 Mots (28 Pages) • 444 Vues
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La déclaration doit donc contenir l’admission du bienfondé des prétentions de l’adversaire ou en tout cas des allégations de fait de celui-ci. Ce qui conduit à ne pas qualifier d’aveux, les énonciations incluses dans des conditions subsidiaires alors que l’argumentation figurant dans les conclusions principales continue à nier le fait allégué par l’adversaire.
Jurisprudence :
La cour de cassation française a de ce fait jugé qu’un aveu n’était pas constitué par les conclusions additionnelles de l’épouse par lesquelles, après avoir nié toute faute de sa part, elle sollicite à titre subsidiaire le prononcé du divorce aux torts partagés au cas où la cour d’appel retiendrait des torts à son encontre. (Civ 2 ,11 février 1998 n0 96.19.106, BULL, civ. n0 48.)
B. - La déclaration doit être volontaire
Précisons d'abord que l'aveu est un acte volontaire unilatéral. Sa validité ne dépend pas de l'acceptation par l'autre partie. Certains auteurs et certaines décisions de justice avaient adopté la solution contraire à propos de l'irrévocabilité de l'aveu judiciaire, en proclamant que celle-ci n'était acquise que lorsqu'un tel aveu avait été accepté par celui à qui il bénéficiait.
Cette conception est aujourd'hui abandonnée ; le législateur marocain a précisé dans son article 409 du dahir des obligations et contrats que l’aveu doit être libre et éclairé, en mentionnant également que les causes qui vicient le consentement vicient l’aveu. La volonté de l'auteur de l'aveu doit réellement exister. L'aveu est donc nul s'il émane d'une personne démente, une décision de la cour de cassation française a annulé l'aveu judiciaire d'un époux qui, lors de la tentative de conciliation, souffrait de troubles mentaux graves.
C. - La déclaration doit porter sur un fait
Seul un fait peut être l'objet d'un aveu. Même favorables à son adversaire, les déclarations d'une partie portant sur des questions de droit ne constituent pas un aveu pour la raison évidente résultant de la règle jura novitcuria signifiant que la loi n'a pas à être prouvée. Elles ne sont que des opinions.
Exemple des déclarations portant sur le droit :
Pourtant, la déclaration d’un plaideur relative au contenu de la loi étrangère n’est pas considérée comme un aveu au motif qu’elle n’a pas pour objet un fait personnel au déclarant.
De même, il a été jugé que ne peut être constitutive d’un aveu une déclaration portant sur l’existence et la qualification d’un contrat.
Exemple des déclarations pourtant sur des faits :
La reconnaissance, par une propriétaire, de la ligne de séparation entre sa propriété et celle du voisin est une question de fait susceptible d'aveu.
Une déclaration extrajudiciaire par laquelle une partie a reconnu devoir encore une certaine somme, déterminée, à son créancier porte également sur des points de fait.
§2 : Les conditions de forme :
L’aveu peut résulter d’une déclaration expresse (A) ou tacite (B).
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Aveu exprès :
La plupart du temps, l'aveu est contenu dans une déclaration expresse, orale ou écrite, notamment dans les actes de procédure d'une partie. Pourvu qu'il soit l'expression d'une volonté libre, il peut être spontané ou provoqué.
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Aveu tacite :
L’aveu doit être exprès. Toutefois, dans certains cas spéciaux, il peut être tacite. Il en va ainsi, la non prestation du serment sans le différer à son adversaire. C’est dire que le refus du serment vaut reconnaissance des faits. De même, lorsqu’un défendeur à qui est allégué deux faits a nié un alors qu’il a gardé le silence sur l’autre, ce silence est réputé reconnaissance tacite de ce fait. Par ailleurs, la location d’un appartement est une reconnaissance tacite du locataire qu’il n’est pas propriétaire. En revanche, ce n’est pas un aveu tacite, la proposition d’une somme d’argent au demandeur, car il se peut qu’il ait voulu la conciliation et mettre fin à la procédure.
Section 2 : l’auteur de l’aveu :
La règle est que l'aveu doit émaner de la partie elle-même. Les déclarations faites par un tiers, même si elles ont pour objet le fait litigieux, ne pourraient être que des témoignages et ne sauraient constituer un aveu. Pour les mêmes raisons, les affirmations d'un intervenant au procès ne sont pas opposables aux parties. Enfin, l'aveu peut aussi résulter d'une déclaration d'un représentant d'une partie, si, du moins, celle-ci l'avait habilité à ce faire.
§ 1 - Aveu par soi-même
A. - Capacité d'avouer
L'aveu peut déterminer l'issue du procès: il fait perdre à son auteur la position procédurale de défendeur, confortable à certains égards. C'est donc un acte grave puisqu'il emporte renonciation par son auteur à l'objet du litige. C'est pourquoi l’article 409 du Dahir des obligations et contrats exige à celui qui avoue d’avoir la capacité.
Ajoutant également dans ce cadre que le législateur marocain à exiger la capacité de celui en faveur duquel l’aveu est fait. Cette condition qui n’est pas exigée par le législateur égyptien.
B – Incapacité d’avouer:
Ainsi, l'aveu d'un mineur ou d'un majeur en tutelle ne lui est pas opposable. Le majeur sous curatelle ne peut faire, sans l'assistance de son curateur, un aveu par lequel il renoncerait à un droit dont il ne peut pas disposer seul.
Afin d'éviter toute ambiguïté, il convient de préciser la signification de cette condition de capacité. Elle n'empêche pas un incapable d'avouer un fait, mais elle prive sa déclaration de la qualification d'aveu et, par conséquent, de la force probante que la loi attache à ce mode de preuve. Cela n'interdit pas forcément au juge d'y voir une présomption.
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