La place des anticipations dans le raisonnement économique
Par Ramy • 1 Octobre 2018 • 1 374 Mots (6 Pages) • 359 Vues
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La figure emblématique du monétarisme, Milton Friedman, s’avance en premier en émettant une théorie des anticipations adaptatives. Selon lui, les agents économiques sont victimes d’illusions monétaires à court terme. Les relances (budgétaires et/ou monétaires) vont avoir un « effet de surprise ». Par exemple, une création monétaire va s’accompagner d’une baisse des taux d’intérêts mais va dans un second temps d’accompagner d’inflation. Les agents (les ménages surtout selon Friedman) vont converger dans le sens de la politique mise en place, par manque de connaissances et d’expérience sur le sujet. Néanmoins, la politique de relance ne va avoir un effet qu’à court terme et on a un retour à la situation initiale à long terme: les agents se rendent compte de l’illusion monétaire et adaptent leurs comportements. Dès lors, selon Friedman, les agents vont engranger de l’expérience, ce qui va avoir pour effet d’accroître leurs connaissances monétaires et donc d’atténuer l’effet d’illusion monétaire dont ils sont victimes. Par conséquent, pour obtenir l’effet souhaité, les politiques de relances vont devoir prendre une ampleur toujours plus croissante afin de surprendre les agents, mais là encore, Friedman affirme que la surprise ne se fera qu’à court terme, donc que les politiques de relance ne sont qu’un outil conjoncturel, vouées à l’échec à long terme.
S’inspirant de la théorie anticipatrice de Friedman, la Nouvelle Economie Classique (Lucas, Barro, Sargent) apporte une analyse bien plus radicale : les anticipations rationnelles. Selon ces nouveaux classiques, les agents ont une connaissance parfaite du système économique vouant à l’échec les politiques de relance, même à court terme. Par exemple, une relance budgétaire ne s’accompagnera pas d’une hausse de la consommation mais bien de l’épargne, les agents anticipant la hausse d’impôts future pour compenser l’augmentation des dépenses. Cette illustration d’anticipation rationnelle est exposée par Barro et la nomme « théorème d’équivalence ricardienne”. Les agents ont un comportement prévisible et agissent comme le prédit la « théorie économique correcte » que prône la NEC. C’est-à-dire qu’ils agissent à l’encontre de l’effet escompté par les politiques de relance. Ils anticipent soit une hausse d’impôt (politique budgétaire), soit de l’inflation (politique monétaire), vouant à l’échec l’interventionnisme étatique, même à court terme (de ce fait, ils vont réduire les agissements de l’Etat au simple contrôle des marchés et rejeter toute intervention, ne pouvant être que nuisible).
Si la NEC se pose en alternative aux limites du modèle de Friedman (apporte à la simple adaptation des agents un côté plus rationnel), deux auteurs reprennent le travail de Barro et Lucas qu’ils complètent selon un autre point de vue. Il s’agit de Kydland et Prescott, qui se penchent sur la relation entre Etat et agents privés. Reprenant de la NEC la rationalité des anticipations chez les agents privés, ils en déduisent le comportement que doit adopter l’institution étatique. Cette dernière doit mettre fin à l’incohérence inter-temporelle (annoncer une politique en T et appliquer le contraire en T+1) en s’insérant dans un cadre institutionnel limitant sa marge de manœuvre discrétionnaire. Ceci dans le but de construire une crédibilité vis-à-vis des politiques économiques mises en place, afin d’être en cohérence avec les anticipations rationnelles des agents privés (la BCE est un exemple de construction institutionnelle dans le but de crédibiliser les politiques monétaires).
Les anticipations ont pris une ampleur considérable au fil du XXème siècle alors qu’elles avaient une approche limitée dans les théories des siècles précédents. On retrouve une bipolarisation entre keynésiens et néoclassiques sur ce sujet. Mais que ce soit dans l’un ou l’autre des courants, on observe une place primordiale consacrée aux anticipations dans leurs raisonnements économiques.
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