La légitimité du juge constitutionnel
Par Matt • 11 Mai 2018 • 2 946 Mots (12 Pages) • 580 Vues
...
quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui
par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». On peut donc estimer qu’il a fait évoluer le sens de
l’article 4 de la DDHC.
La large autonomie de l’interprète ne pose pas en lui-même problème ; le problème - si
il y a - est avant tout le fait de l’utilisation par lui de son pouvoir. Pour le dire autrement, les
difficultés commencent lorsqu’il sort de son rôle de juriste pour entrer avec éclat sur la scène
politique. Or les conditions de nomination des juges sont souvent de nature à faire naitre des
doutes sur leur réelle indépendance, et sur leur propension à faire primer le juridique sur ce
qui lui est étranger.
Afin de traiter à sa source le problème de la légitimité démocratique du juge
constitutionnel, la solution radicale pourrait être de le faire élire, de même que certains juges
ordinaires aux Etats-Unis peuvent l’être. Pourtant cette solution n’est pas exempte de critique.
Le risque principal serait en effet le « carriérisme politique », d’Hommes qui seraient
davantage enclin à juger en vue de leur réélection future, que dans le dessein de faire
triompher le droit. C’est sans doute la raison pour laquelle les juges de la cour suprême des
Etats-Unis, loin d’être élus, sont au contraire nommés par le pouvoir politique (nomination à
vie par le Président de la république, après approbation par le Sénat).
Si donc l’élection des juges ne semble pas être la panacée en ce qu’elle ne ferait que
déplacer le problème, il faut sans doute se placer du point de vue de l’indépendance des juges
constitutionnels pour appréhender leur distanciation par rapport au politique. Ici, différents
indices peuvent être pris en compte afin de garantir cette autonomie. Tout d’abord,
l’intervention de plusieurs autorités de nomination parait à même de la promouvoir en ce sens
qu’elle évite la dépendance de la juridiction à l’égard d’un seul homme. C’est pourquoi, de
nombreux Etats ont fait le choix - dont la France - d’accorder le pouvoir de nomination non
seulement au chef de l’exécutif, mais également aux présidents des deux assemblées. Pourtant
cet élément ne saurait être déterminant à lui seul, dans la mesure où ces trois autorités sont
souvent de la même couleur politique (tel est tout du moins le cas en France en période de fait
majoritaire).
La durée du mandat, et son caractère renouvelable ou non, parait jouer un office plus
important dans cette recherche de l’indépendance. En effet, plus la durée du mandat est
longue, plus le juge pourra s’émanciper de l’influence de l’autorité de nomination. De même,
le caractère non renouvelable de celui-ci évitera toute tentation de « clientélisme politique »
chez les membres de la juridiction, ces derniers ne pouvant en aucun cas espérer rester en
poste à l’issue de leurs x années de service. A cet égard, le cas français est tout à fait
protecteur de l’autonomie du Conseil constitutionnel, ses membres étant nommés par tiers,
pour neuf ans non renouvelable.
La situation n’est pourtant pas idyllique, et ce pour plusieurs raisons. D’une part,
l’histoire constitutionnelle montre qu’il n’est pas possible d’associer, dans une relation quasi
synonymique, les mots « indépendance » et « légitimité ». Assurer l’indépendance d’un juge
étant certes une condition nécessaire de sa légitimité, sans que celle-ci ne puisse être regardée
comme suffisante. Le juge demeurant en toute hypothèse livré à ses passions partisanes ;
celle-ci pouvant se réveiller à tout moment en fonction de l’importance politiquo-médiatique
de l’affaire. Pierre Lambert ne dénonçait-il pas il y a bientôt un siècle le « gouvernement des
juges », dont se rendait coupable la Cour suprême américaine... D’autre part, la présence de
« membres de droit » (personnes accédant au poste automatiquement à l’issue d’un mandat
politique de premier rang) jette le discrédit sur la juridiction ; dans la mesure où ceux-ci ne
sont par définition pas choisis en raison de leur expertise juridique. Il parait fortement
hypothétique qu’ils puissent constater l’inconstitutionnalité d’un acte dont ils ont fortement
contribué à l’édiction.
Dès lors, et malgré toutes les garanties juridiques dont on peut l’entourer,
l’indépendance d’une juridiction constitutionnelle ne permet pas de garantir sa légitimité,
celle-ci demeurant sujette à caution. Face à cette indépendance qui ne suffit pas, et en
présence d’un juge souvent (toujours ?) enclin à s’octroyer de nouveaux pouvoirs, à élargir le
sens de sa norme de référence, il est nécessaire de chercher des réponses à la problématique
de sa légitimité.
II - Des réponses globalement efficaces au problème de la légitimité du
...