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Le Conseil Constitutionnel et le "gouvernement des juges"

Par   •  2 Septembre 2018  •  2 483 Mots (10 Pages)  •  892 Vues

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1.Légalité ou légitimité ?

⇒ Dans les méthodes du droit constitutionnel s’opposent les théories légalistes (Kelsen) pour lesquelles le critère de la “bonne règle” est sa conformité à la règle hiérarchiquement supérieure (subsomption) et des théories qui font la place à des considérations à la légitimité (ou à l’arbitraire) du pouvoir qui a édicté cette règle.

→ Le gouvernement légitime correspond à la conception du pouvoir juste qui est la démocratie, inscrite dans la constitution.

→ Les légalistes étudient les règles de droit sans les juger, et transforme le texte en normes (méthode positive).

⇒ Les interprétations non positivistes posent d’abord des principes impératifs, et critiquent ou valorisent les règles de droit positif selon qu’ils sont conformes à ces principes. Le Conseil Constitutionnel use d’une méthode qui n’est pas orthodoxe puisqu’elle mêle les deux interprétations. Il porte effectivement un jugement qui mêle interprétation littérale, acte de connaissance, avec acte de conformité aux principes, acte de volonté, jugement de valeur. Il déplace donc l’exercice du pouvoir des assemblées vers les juges, mais n’oublie ni le texte, ni les impératifs démocratiques.

2.Juridique ou politique ?

⇒ Cette méthode de conciliation entre positivisme et conformité aux principes n’est pas propre au juge constitutionnel, tous les juges (public, pénal) l’appliquent. Mais l’enjeu au CC est politique : préserver la suprématie de la constitution.

⇒ La décision juridique dépend de cet enjeu. Or les principes ne s’imposent pas au juge, il en est le maître (Pierre Brunet). Quelle que soit la décision du Conseil Constitutionnel, elle est donc politique.

→ Exemple de la vérification de la validité des comptes de campagne du candidat Sarkozy en 2012. Simple vérification lue et approuvée de la décision d’une commission ad hoc. Scandale. 11 millions d’euros à rembourser mais surtout condamnation d’un membre du Conseil Constitutionnel, même s’il n’y siège pas. Manifestation insupportable ou bien louable d’indépendance. Une décision contraire aurait suscité les mêmes réactions. Jugement de valeur pas admis, même dans le cadre limité de “juge électoral”.

3.Juridisme ou sociologie ?

Le CC semble envisager la règle juridique comme un élément de société, un élément du contexte social, un élément du contexte sociopolitique dans laquelle elle est insérée.

⇒ Les juges constitutionnels sont des “sages”, et pas seulement parce qu’ils sont supposés ne pas (ne plus) être partisans. L’idéalisme juridique (jacobinisme/positivisme : la règle comme valeur en soi), le conformisme légaliste de la bourgeoisie (la bonne conduite selon l’ordre moral et la bonne société) ne guident pas les défenseurs du droit constitutionnel (ni ses juristes). En bout de ligne, le juge constitutionnel n’est pas encombré par les contraintes. Il peut même philosopher. Ne pas isoler le cas qu’il traite de son contexte contemporain, vie sociale publique et privée (moeurs), et idéal politique bien sûr. Repérer et comprendre, juger de la constitutionnalité de tous les phénomènes de pouvoir dans tous les groupes sociaux (avec QPS ou non). Ne pas mésestimer ce rôle surplombant du Conseil Constitutionnel : des historiens du nazisme (Olivier Jouanjan) montrent comment le droit peut être au service du pire, comment il peut transformer en devoir l’obéissance, la soumission à l’injustifiable. Pas de mise en cause du positivisme juridique (forme plus que contenu, nazisme de bureau) par les historiens, Hans Kelsen, philosophe autrichien, (1881-1973) a été obligé de fuir le Reich après l’Anschluss. Des historiens s’interrogent aussi sur “l’oeuvre législative de Vichy”. Peut-on émettre l’hypothèse que l’existence d’un Conseil Constitutionnel sous la République de Weimar ou bien avant-guerre en France aurait pu changer le cours de l’histoire (qui ne se (re)fait pas avec des “si”) ?

Gardien des valeurs constituantes de la démocratie, attentif aux évolutions de la société, le Conseil Constitutionnel ne semble pas devoir d’abord susciter la défiance. La défiance de qui ? Des politiques ? Des citoyens ? Des juges eux-mêmes ? Faut-il encore des garde-fous ?

II.Limiter le mandat ou/et définir la responsabilité du Conseil Constitutionnel ?

A.Représentabilité, représentation, responsabilité

1.Composition et désignation des juges constitutionnels

⇒ La composition du Conseil Constitutionnel témoigne de la représentabilité de ses membres. Pas seulement représentativité, respectabilité. Capacité supposée à mettre de côté les intérêts personnels, les plans de carrière, les complicités politiques. Expérience avérée de l’engagement dans la vie publique. Connaissance des institutions. Familiarité avec l’exercice du pouvoir.

→ 9 “sages” nommés pour 9 ans (renouvelables par 1/3 tous les 3 ans) par l’exécutif et le législatif.

→ Assistance d’un service juridique, administratif, d’une documentation, d’un service de relations extérieures. Capacité aussi à signifier le représenté, le peuple, les institutions, les organes politiques, les citoyens.

⇒ Mais pas de fonction de représentation : pas de mandat autre qu’implicite (contenu plutôt que forme), pas d’élection (ni mérite, ni confiance reconnues par un vote d’adhésion mais une désignation), donc pas de rappel électoral, pas de sanction. Un aréopage de personnalités sans légitimité démocratique, et les élus (représentants) en exercice sont exclus.

La représentation est une notion politique. La représentabilité, la représentativité non. Avec elles, la représentation (qui pourrait être politique) devient juridique.

2.Représentabilité et responsabilité

Tous les autres juges jugent ainsi et résolvent les conflits “au nom du peuple français” sans en être les représentants élus. Qui s’en plaint ? Qui veut créer une “cour suprême” avec des juges élus ?

→ La représentabilité donne au juge constitutionnel suffisamment d’autorité pour avoir la capacité d’engager le représenté, de le lier

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