Commentaire d'arrêt Green Yellow
Par Ninoka • 21 Novembre 2018 • 2 617 Mots (11 Pages) • 880 Vues
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doivent, selon elles, être régies par les dispositions précédemment applicables de l’arrêté du 10 juillet 2006 ». Ainsi, le Tribunal des Conflits rappelle que les demandes d’achat d’électricité ont été présentées avant la publication des arrêtés modifiant l’arrêté du 10 juillet 2006 et que ce dernier est donc applicable au litige opposant les sociétés Green Yellow à EDF. Par sa décision, le Tribunal des Conflits rappelle le principe de non rétroactivité des actes administratifs : ils ne disposent que pour l’avenir. Les dispositions d’un acte administratifs ne sont en principe pas applicables à des situations juridiquement constituées à une date antérieure à leur publication. En l’espèce, les arguments présentés par les sociétés Green Yellow sont recevables.
Le Tribunal des Conflits se place dans la continuité des décisions du Conseil d’Etat concernant la non rétroactivité des actes administratifs. Ce principe a été posé par le Conseil d’Etat le 25 juin 1948 dans son arrêt concernant la société du journal « L’Aurore ». Cet arrêt illustre le principe en vertu duquel un règlement ne peut comporter un effet rétroactif. Tout au long du XIXème siècle, le Conseil d’État avait déjà annulé les actes administratifs rétroactifs. L’arrêt Société du journal "L’Aurore" pose pour la première fois de façon explicite "le principe en vertu duquel les règlements ne disposent que pour l’avenir". En l’espèce, un arrêté en date du 30 décembre 1947 avait majoré le prix de l’électricité « à compter du premier relevé postérieur au 1er janvier 1948 ». Cet arrêté avait donc pour but la majoration des consommations antérieures au 30 décembre 1947. Cependant, le 30 décembre 1947 était également la date de son édiction. Cet arrêté comportait ainsi un effet rétroactif. La société du journal "L’Aurore" émis un recours devant le Conseil d’État qui annula l’arrêté au motif qu’il comportait un effet rétroactif illégal.
Le Tribunal des conflits, par sa décision, fait du principe de non-rétroactivité des actes administratif un principe général du droit. A travers sa décision, le Tribunal des Conflits déclare qu’une jurisprudence constante concernant un principe de droit fait de ce dernier un principe général du droit. Le principe de non rétroactivité des actes administratifs s’inscrit dans une jurisprudence constante. En effet de nombreuses décisions du Conseil d’Etat vont dans ce sens. Par exemple, Le Conseil d’Etat a annulé l’application d’un impôt nouveau à des exercices déjà clos (Ass. 16 mars 1956, G..., n°35663, p. 121), un règlement modifiant rétroactivement la situation statutaire de certains fonctionnaires (Ass., 11 juillet 1984, Union des groupements de cadres supérieurs de la fonction publique , p. 258) ou encore une nomination prenant effet dans le passé (Sect. 25 mars 1983, Conseil de la région parisienne des experts-comptables et comptables agréés , p. 137).
En répondant à la question de l’applicabilité de l’arrêté au litige, le Tribunal des Conflits a mis en lumière un autre aspect de la question. Cette décision se place comme une exception au principe de dualité des juridictions.
II. UNE DECISION CONTOURNANT LE PRINCIPE DE DUALITE DES JURIDICTIONS : DE LA GUERRE DES JUGES AU « DIALOGUE DES JUGES »
La décision du Tribunal des Conflits se confronte au droit positif puisqu’elle se place comme une exception à la distinction entre juridiction administrative et judiciaire (A). Cette exception marque le début d’une nouvelle vague de décisions marquant la consécration du « dialogue des juges » (B).
A. UNE EXCEPTION AU PRINCIPE DE DUALITE DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES ET JUDICIAIRES
Le Tribunal des conflits avait posé le principe selon lequel le juge administratif est seul compétent pour connaître de la légalité d’un acte administratif, même par voie d’exception dans sa décision du 16 juin 1923 : l’arrêt Septfonds et dans sa décision du 19 janvier 1998, opposant l’Union française de l’Express et autres à la Poste et autres. Le Tribunal des Conflits a cependant apporté d’importants infléchissements à cette jurisprudence par sa décision. En effet, il a énoncé que « si, en cas de contestation sérieuse portant sur la légalité d’un acte administratif, les tribunaux de l’ordre judiciaire statuant en matière civile doivent surseoir à statuer jusqu’à ce que la question préjudicielle de la légalité de cet acte soit tranchée par la juridiction administrative, il en va autrement lorsqu’il apparaît clairement, au vu notamment d’une jurisprudence établie, que la contestation peut être accueillie par le juge saisi au principal ».
Le Tribunal des conflits inscrit sa décision Green Yellow dans la continuité de l’arrêt Scea du Cheneau du 17 octobre 2011 : Cette décision distingue l’interprétation des actes réglementaires, qui est permise aux tribunaux judiciaires, de l’appréciation de leur légalité par voie d’exception, qui, en principe leur échappe. En vertu de cette jurisprudence, le juge judiciaire doit, dans cette dernière hypothèse, surseoir à statuer et saisir la juridiction administrative d’une question préjudicielle. L’arrêt commenté constitue une application de cette décision antérieure. En effet, le Tribunal relève que la contestation formulée par les sociétés Green Yellow revient à invoquer la violation du principe de non-rétroactivité des actes administratifs. A cet égard, une jurisprudence constante du Conseil d’Etat érige en principe général du droit le principe de la non-rétroactivité des actes administratifs selon lequel ils ne disposent que pour l’avenir et ne peuvent contenir des dispositions applicables à des situations juridiquement constituées à une date antérieure à celle de leur publication.
En considération de cette jurisprudence bien établie sur la portée du principe de non-rétroactivité ainsi dégagé et conformément à sa décision du 17 octobre 2011, le Tribunal des conflits énonce que la contestation soulevée peut être tranchée par la juridiction judiciaire. C’est dans cette optique que cette décision se confronte au droit positif. Cette confrontation se a donné lieu à une modification de la procédure de question préjudicielle en 2015 marquant l’arrivée d’un « dialogue des juges »
B. UNE NOUVELLE PROCEDURE DE QUESTIONS PREJUDICIELLES : LE « DIALOGUE DES JUGES »
Cette décision met en lumière une condition qui nécessaire à l’octroi de la compétence d’interprétation des actes par le juge de l’exception. En effet,
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