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Ombre et Lumière dans Oedipe Roi de Sophocle et Oedipe Roi de Pasolini

Par   •  14 Octobre 2018  •  1 567 Mots (7 Pages)  •  602 Vues

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annoncent un

véritable retournement de situation et de ce fait, elles ne plairont guère à OEdipe. Le

roi de Thèbes s’emporte rapidement : « Quand donc as-tu été un devin véridique ? ».

Révolté par l’accusation de Tirésias, OEdipe s’engage dans un discours provocant.

Le rang social d’OEdipe dégénère en abus de pouvoir : il se moque de Tirésias.

De plus, il est persuadé d’avoir raison, alors qu’il a tort. Pasolini choisit d’attribuer à

OEdipe un geste très symbolique, qu’il ne cesse de répéter dans le film : se cacher les

yeux. En masquant son regard de sa main, OEdipe s’aveugle symboliquement. Ce

mouvement est répété par OEdipe depuis sa tendre enfance, pour la première fois dans

la scène où son père le regarde, quand il est dans le berceau. OEdipe le refait a

plusieurs reprises dans son errance à travers le désert. Cet acte traduit un désir de

laisser le hasard décider, mais finalement, en faisant cela, il laisse le destin le

contrôler. On distingue ici une polarité au sein du personnage d’OEdipe, à la fois roi

divin et bouc émissaire (pharmakos).

« L’aveuglement et l’errance sont pour OEdipe une alternative à la mort.

C’est le prix qu’il paie pour ce qu’il a vu. » ( Marc–André Cotton, La véritable

histoire d’OEdipe.)

III/ L’aveuglement comme purgation

On remarque une nette opposition entre OEdipe et Tirésias, qui se renforce

autour du thème de la vue et de l’aveuglement. « Tu ne vis, toi, que de ténèbres :

comment donc me pourrais-tu nuire, à moi, comme quiconque voit la clarté du

jour ? » Le « voit » employé par OEdipe équivaut au sens physiologique de la vision.

« Tu me reproches d’être aveugle ; mais toi, toi qui y vois, comment ne vois-tu pas à

quel point de misère tu te trouves à cette heure ? » Le « vois » employé par Tirésias

est au sens plus abstrait de percevoir une vérité avec son esprit, et non ses yeux.

Tirésias est un anti-OEdipe, puisqu’il ne voit pas, mais qu’il sait. L’oracle, celui qui

voit la vérité, est représenté par la cécité. L’homme, celui qui est enfermé dans

l’illusion, incarne l’être qui se contente de voir les faits de ses yeux. L’aveuglement est

ici perçu comme une forme de clairvoyance. On peut ici considérer l’aveuglement

comme une nécessité pour atteindre la vérité.

Tirésias présage finalement avant qu’OEdipe ne lui ordonne de quitter les lieux :

« Tu vois le jour : tu ne verras bientôt plus que la nuit ». Cette antithèse est d’ordre

prémonitoire mais elle ne sera pas décelée à temps par OEdipe, prisonnier de son

esprit trop terre à terre.

Dans le film de Pasolini, le crime du parricide, censuré par la lumière

aveuglante, et de l’inceste, révélé par la scène de pendaison de Jocaste, très sombre,

attestent bien de l’importance de l’éclairage dans la symbolique des scènes. Se ruant

dans le palais après avoir compris la nature de son amour et de son meurtre, OEdipe

découvre le corps sans vie de sa mère et épouse Jocaste. Il y a alors chez Pasolini,

dans la scène de l’aveuglement, une volonté de priver le spectateur lui-même de la

vue. En effet la scène est obscure, ce qui permet d’éprouver ce que le personnage

ressent (catharsis) et de donner plus d’ampleur aux paroles d’OEdipe. Celui-ci ne se

suicide pas, il se contente de s’aveugler, se plongeant alors dans les ténèbres pour

l’éternité.

« La lumière que les dieux ont projetée sur OEdipe est trop éclatante pour

qu’un oeil mortel puisse la fixer. Elle rejette OEdipe de ce monde-ci, fait pour la

clarté du soleil, le regard humain, le contact social. Elle le restitue au monde

solitaire de la nuit, où vit Tirésias, qui, lui aussi, a payé de ses yeux, avec le don

de double vue, l’accès à l’autre lumière, la lumière aveuglante et terrible du

divin. » ( Jean-Pierre Vernant, Mythe et tragédie en Grèce ancienne.)

Pour conclure, Sophocle, puis Pasolini, ont su exploiter ce contraste, cette

thématique duale de l’ombre et de la lumière dans la pièce comme dans le film, tant à

travers le fond que la forme.

L’ombre, initialement associée à l’ignorance, se verra changée au cours du récit

en connaissance, à condition qu’elle se manifeste sous forme de cécité. On a constaté

que dans OEdipe, tous les signes s’inversent. L’aveuglement permet de mieux « voir »

et c’est dans la pénombre la plus totale qu’on peut contempler la vérité. Pasolini va

exploiter visuellement ces notions de clair et d’obscur dans ses plans, en jouant avec

...

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