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Le personnage de Jocaste dans Œdipe Roi, Sophocle.

Par   •  25 Mai 2018  •  2 658 Mots (11 Pages)  •  600 Vues

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le crime effectué sur Laïos y est fortement contribué.

Relevons que pour Pasolini, Jocaste est avant tout la « Mère intemporelle » et ce n’est donc pas anodin si celui si à choisis de prendre la même actrice afin de jouer Jocaste et sa mère dans le prologue. Mère qu’il s’est particulièrement attaché à représenter fidèlement avec notamment la reproduction d’une robe que portait sa propre mère lors de balades ainsi que les paysages campagnards, prairies, fleurs lui rappelant ses souvenirs d’enfance. Mais plus encore son visage blanc, impassible, presque figé, ses yeux tartares et l’absence de ses sourcils peuvent faire penser à un masque comme pour dénaturer le visage de Jocaste, pour qu’il ne soit plus propre à elle et pour que l’on puisse ainsi s’y rattacher afin que tout le monde est la possibilité de s’identifier à lui, il ne désigne pas une personne en particulier spécifique par ses attributs personnels mais peut être plus une généralité ou un aspect que l’on cherche alors à mettre en lumière. Ici donc Jocaste n’est plus seulement la mère d’Œdipe mais celle de Pasolini, et plus largement encore celle de chaque fils qui a désiré sa mère, la Mère fantasmée et éternelle. (cf complexe d’Oedipe)

Dans cette seconde partie, nous allons analyser la position différente que prend l’inceste dans chacune des deux œuvres. Chez Sophocle, même lorsqu’elle assume la situation sexuelle qui lui est imposée, Jocaste, par ses réactions mais également par ses absences de réactions, nous montre qu’elle n’occupe finalement qu’une place assez effacée dans la société grecque contemporaine. Par ses deux mariages, elle appartient successivement à deux générations, en effet celle de Laïos, puis celle d’Œdipe, comme si elle avait vécue à la suite deux vies et en plus de cela avec deux hommes de la même lignée. Dans la première, elle partage les problèmes de Laïos et accepte les mêmes solutions que lui : d’abord ne pas avoir d’enfant, puis, l’enfant venu, l’abandonner. Nous pourrions dire ici qu’elle n’a pas de volonté propre, soi parce qu’elle décide d’aller dans le sens de son mari ou peut être parce qu’elle ne lutte tout simplement pas contre son destin, victime ou actrice de la fatalité de son sort. Même passivité au début de sa relation avec Œdipe : elle accepte de l’épouser par raison d’État et lui donne quatre enfants. Pour ce qui est de la révélation de l’inceste nous pouvons voir que, le drame connu, Jocaste est punie bien plus durement qu’Œdipe, parricide et incestueux, qui lui n’est qu’aveuglé. De plus, dans certaines versions il n’est pas exilé et reste à Thèbes ; Jocaste, qui n’est en rien parricide, est, pour le même inceste est punie de mort. Par ces jugements qu’ils portent sur eux-mêmes, les personnages montrent bien que la justice n’est pas la même pour les hommes et pour les femmes et ne laissent aucun doute sur le sexe dominant comme nous avons pu le constater à travers les décisions de Jocaste tant avec Laïos qu’avec Œdipe.

Le complexe d’OEdipe est un nom couramment utilisé dans notre société contemporaine et que nous connaissons tous mais d’où provient son origine ? C’est après avoir écouté les troubles de ses patients hystériques, que Freud a eu recours à l’analyse du mythe d’œdipe. A partir de l’étude du récit de ses malades, il déduit qu’un choc s’est produit, lors de la petite enfance, un choc causé par une situation incestueuse. C’est alors que Freud confirme son analyse par la lecture d’œdipe roi. Il écrit : « La légende grecque a su saisir des sentiments que tous les hommes reconnaissent parce qu’ils les ont tous éprouvés. Chaque spectateur fut un jour un Œdipe en germe, en imagination, il s’épouvante de voir la réalisation de son rêve transportée dans la vie, il frémit à proportion du refoulement qui sépare son état infantile de son état actuel » in Naissance de la psychanalyse. Se servir d’un texte ancien pour éclairer le fond même de l’être humain peut être choquant, mais Jocaste elle-même rassure OEdipe, lorsqu’elle affirme : « Ne redoute pas l’hymen d’une mère, bien des mortels ont déjà, dans leurs rêves, partagé le lit de leur mère.» Ces mots installent implicitement l’existence d’un inconscient universel, qui, dans ce cas, consiste, pour le petit garçon, à ressentir vers l’âge de trois ans une attirance pour sa mère et une hostilité envers son père. Freud nomme donc « complexe d’OEdipe » cette confusion des sentiments. Il confirme par le mythe la découverte de l’inconscient.

Chez Pasolini, la première entrée de Jocaste se trouve à l’épisode 3. Nous pouvons constater que la scène est assez religieuse avec des accessoires, des figurants et des paroles qui marquent le culte fait à Apollon. La parole de la reine est adressée au Dieu car elle ne parvient plus, au niveau humain, à calmer Œdipe. Ici, le message politique de la tragédie est en partie lié au fait que le pays est en danger et se trouve perdu si son dirigeant perd le contrôle sur lui-même. Pour poursuivre, il est important de souligner que tout comme chez Freud, le rapport au personnage de la mère a une plus grande importance chez Pasolini qu’elle n’en a dans la tragédie de Sophocle. Celui ci reprend d’ailleurs très fidèlement dans son film une étrange remarque de la reine : « bien des hommes ont déjà dans leurs rêves, partagé la couche maternelle ». Sophocle fait prononcer à Jocaste un aparté qui souligne qu’elle a compris qu’il était son fils qu’elle croyait pourtant assassiné sur ses ordres. L’actrice Silvana Mangano qui interprète la mère-Jocaste fait à la fois figure d’un « sex symbol » mais également d’une madone. Dans la scène d’allaitement dans le pré, dans le prologue du film, la caméra s’attarde longuement sur son visage, elle y tient un certain regard ambigu et des sentiments de peine et de joie s’enchaînent. Nous pourrions supposer que cet instant marque un attachement à son enfant, la phase qui précéderait le complexe d’œdipe et une certaine vision sur les peines et joies à venir qu’encoure cet attachement, ce lien avec son fils, peut être afin de relier justement cette scène au mythe qui débutera plus tardivement. Dans la deuxième partie du film, c’est avec la clé de la chambre nuptiale qu’œdipe se crève les yeux. Chambre nuptiale qui n’est pas comme dans la pièce de Sophocle cachée au regard du spectateur. Et dans l’épilogue, Oedipe retourne au pré natal et ne se détache jamais du lien maternel. «La vie s’arrête où elle commence. » C’est ainsi que dans l’interprétation du mythe par Pasolini, la question du rapport à la mère dans sa dimension physique est largement

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