« L’écriture comme créatrice de nouveauté dans le nouveau roman : cas de La Modification de Michel BUTOR, analyse de procédés d’écriture ».
Par Orhan • 20 Juin 2018 • 3 743 Mots (15 Pages) • 698 Vues
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de la seconde guerre mondiale, la nouvelle génération s’attachait à faire le bilan. A la fin de la guerre, le courant surréaliste a développé des valeurs qui vont d’abord conduire le genre romanesque. Signalons pour mémoire quelques noms remarquables : Louis ARAGON, Julien GRACQ, Michel LEIRIS, Raymon QUENEAU. Ensuite, de nouvelles explorations romanesques se font jour. Elles sont caractérisées le plus souvent par des idées d’absurdes et d’inquiétudes étrangetés au monde. La période entière était dominée par l’existentialisme. Il n’est plus inutile de rappeler quelques noms célèbres de ce courant : Maurice MERLEAU-PONTY, Albert CAMUS, Simone de BEAUVOIR et Jean-Paul SARTRE. Toutefois, d’autres auteurs non existentialistes ont développé d’autres voies de recherche, notamment la théorie qui consiste à dire que le romancier n’a rien à dire mais il doit dire ce « rien ». Maurice BLANCHOT recherche ainsi le néant tandis que Georges BAILLE mène sa quête d’une autre forme d’absolu.
Dès 1947, SARTRE exploite ces données dans sa critique des écrivains et en identifie trois générations : « celles des rentiers illustrant leur classe sur une apparence de révoltes (Marcel PROUST et André GIDE) ; ensuite, celle de l’après-guerre mondiale, constitué de ces « pseudo révolutionnaires » surréalistes ; enfin, celles des auteurs qui, touchés par l’irruption de l’histoire comme menace immanente, découvrent le Mal. SARTRE se réclame de cette dernière et ajoute : « Nous sommes des écrivains métaphysiciens ». Et que « les techniques romanesques passées ne sont pas capables d’assurer cette tâche »
Après la vague sartrienne, il faut attendre jusqu’aux années 1950 pour rentrer en contact avec une notion neuve, celle de nouveau roman. On groupe sous cette expression des œuvres qui ont en commun, un refus des catégories considérées jusqu’alors comme constitutives du genre romanesque. Dénonçant, comme SARTRE, l’intériorité, Allain ROBBE-GRILLET s’en prend à un psychologisme, mais il n’attend rien non plus d’une métaphysique de l’extériorité ni d’une objective de type naturaliste. Il se réclame de la réalité pure et simple : « Le monde n’est ni signifiant, ni absurde. Il est tout simplement »
C’est à partir de 1953-1954 que le nouveau roman s’affirme brusquement avec les premiers romans de Allain ROBBE-GRILLET et de Michel BUTOR, qui sont respectivement Les Gommes (1953) et Passage de Milan (1954), puis avec les livres de Claude SIMON etc.
Reconnu au niveau international comme l’une des pages marquantes de l’histoire littéraire, le nouveau roman a ouvert une crise majeure sur les débats d’idées qui se sont fait jour depuis la seconde guerre mondiale autour du statut de l’écrivain, de la conception de l’homme et de ses habitudes esthétiques.
Cependant, le nouveau roman ne dispose ni d’une revue, ni d’une manifeste, ni d’un chef de file intronisé. Il ne s’agit, en effet, ni d’un groupe, ni d’une Ecole littéraire, mais plutôt d’une mouvance hétérogène dont les éléments convergents partagent plus ou moins un certain nombre de partis pris conceptuels et techniques. Il se caractérise par certaines constantes qui sont « l’agonie du personnage, la primauté de l’objet, la disparition de la psychologie, une nouvelle conception de la durée romanesque, une esthétique formalisme dont le postulat est la production littéraires subversives » . La cohésion instable du nouveau roman se fonde dans la pratique poétique d’œuvres irréductiblement individuelles dont le trait dominant est l’effort de substituer au romanesque traditionnel un nouveau réalisme qui, tout en ayant rien à dire, cherche à dire ce rien, au sein d’une modernité énoncée par l’adjectif « nouveau » attribué au « roman ».
Il est évident que le nouveau roman en soi est une vaste littérature qu’on ne peut pas traiter dans l’espace d’un livre et d’autre part en parler provoquera certainement un colloque à cause de la diversité et de la richesse de son contenu. Ainsi, nous sommes obligé, un peu arbitraire, peut-être d’opérer un choix. C’est pourquoi nous avons sélectionné Michel BUTOR et parmi ses romans nous voulons tester la validité de notre hypothèse sur La Modification.
S’il faut maintenant justifier notre choix à ce niveau, nous pouvons avancer tout d’abord le principe général suivant qui nous a fait opter pour la littérature. En tant qu’œuvre d’art, elle est une expérimentation sans danger du réel. C’est ainsi que les courants littéraires naissent et meurent. En voulant être un surréel contre la pauvreté du réel, le mouvement surréaliste a permis d’explorer certains domaines de l’inconscient mais a connu très vite ses limites. En revanche, le nouveau roman, d’après la thèse mise en œuvre dans La Modification se présente comme une sorte de désillusion qui concilie l’homme avec l’ordonnance du réel et de certains principes régulateurs de la vie sociale parmi lesquels nous pouvons citer le mariage.
Par ailleurs, il faut admettre que ce titre de La Modification donne au roman deux dimensions : la première est qu’il est un objet de consommation intellectuelle comme les autres romans de n’importe quelle époque ; la seconde est que ce roman est une illustration d’une thèse selon laquelle il est inutile de poursuivre les modifications ou les aspirations d’un personnage central à devenir autre. Autrement dit, parmi les possibles d’existence, nous ne pouvons que suivre un seul chemin. Dès lors, il faut et il suffit de se contenter des détails de la vie réelle pour en apprécier l’importance. A ce titre, nous pouvons dire que le nouveau roman s’inscrit dans un anti-héroïsme, il s’agit dans ses procédés d’écriture d’accepter tout simplement la vie que l’on a choisie sans chercher à la magnifier par des actes héroïques ou par des actes extraordinaires qui auraient été possibles si l’on aurait suivi un autre chemin. Cette attitude n’implique pourtant pas que le nouveau roman est une indifférence, il est une acceptation du monde tel qu’il est sans chercher de l’extraordinaire.
Autrement dit, La Modification nous apprend qu’il faut modifier notre manière de voir le monde sous l’impulsion de l’aventure d’un héros ou sous la trame d’une narration, le monde n’est pas une unité harmonieuse mais une discontinuité dans laquelle l’homme doit s’adapter perpétuellement dans le récit de ce « rien » qui fait la vie. C’est en cela qu’il est une rupture avec le roman traditionnel.
Ainsi s’intitule notre sujet de recherche de la manière suivante : « L’écriture comme créatrice de nouveauté dans le nouveau roman : cas
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