Les personnages de roman et le Destin

...

le destin est une étreinte où l’être ne peut s’y échapper. Le personnage y est piégé et ne semble pas pouvoir le changer.

Effectivement, on peut penser au personnage tragique. Ce dernier est en quelque sorte damné, il ne peut pas « échapper à son destin », comme le dit l’expression. Les événements s’enchainent et il ne peut rien faire pour y remédier, malgré ses nombreux choix et/ou efforts. Par exemple, le personnage d’Alphonse, dans La Vénus d’Ille de Prosper Mérimée, semble promis à se marier et à vivre une vie longue et heureuse en compagnie de sa nouvelle épouse. Mais ce dernier passe une bague au doigt de la statue, ce qui scelle son sort. Malgré ses efforts, il n’arrive pas à reprendre l’anneau et meurt tué par celle qu’il avait "épousée". L’événement extérieur (passer la bague au doigt de la statue) prend le dessus sur le destin supposé du personnage.

Aussi, on peut penser que le personnage ne puisse avoir aucune conscience de son destin ou qu’il décide de se laisser emporter par les événements : dans Candide, de Voltaire, le personnage principal, naïf, se laisse guider par les événements, sans qu’il essaie forcément d’y échapper. Ces événements extérieurs sont ceux qui dessinent sa voie, sa vie, son destin. D’un autre côté, Le Chevalier des Grieux, dans Manon Lescaut de l’Abbé Prévost, est influencé par Manon. Malgré le fait qu’il soit voué à une vie tranquille et exemplaire, il se voit presque "enlevé" par son amour, qui arrive à l’extirper du droit chemin qui avait été, semblerait-il, tracé pour lui.

Egalement, l’instance suprême qu’est le destin peut être incarnée par l’auteur lui-même, prenant alors la place du Destin et de ses Parques. L’écrivain décide d’être la seule entité pouvant influencer la vie de ses personnages : il décide intégralement qui pense quoi, qui fait quoi, qui réussit, qui échoue, qui vit, qui meurt, et ce, quand il le souhaite. L’auteur est tout-puissant dans son œuvre. Et dans ce cas, les personnages ne sont que des marionnettes aux mains de l’écrivain, ne pouvant qu’accepter les événements qu’il leur impose.

En conclusion, le destin est une force qui peut être inatteignable comme contrôlable. Certains auteurs disent qu’ils se laissent emporter par leurs personnages, qu’ils ne savent pas où ils vont les mener ; et d’autres affirment, au contraire, que leurs personnages sont intégralement prédéfinis, que chaque action est prévue. Certains personnages se laissent porter par les événements, alors que d’autres semblent choisir de confronter leur destin et de le changer. Le personnage peut sembler maîtriser son destin, mais est-ce vraiment le cas ? Le libre-arbitre de certains personnages est-il illusoire ? On peut penser que tout est prévu, que les événements extérieurs, qu’ils affectent ou non les choix et les actions des personnages, font partie intégrante du destin, et que les braver est déjà préétabli par cette instance suprême qu’est le destin.