Sujet: Pour apprécier un roman, un lecteur a-t-il besoin de s'identifier au personnage principal et de partager ses sentiments ?
Par Matt • 10 Avril 2018 • 3 460 Mots (14 Pages) • 788 Vues
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Les lecteurs peuvent également prendre pour modèle des personnages dont la réussite, sociale par exemple est enviable. Réussite qui se traduit par la reconnaissance du personnage par la société ou par la fortune comme celle d'Octave Mouret dans Au Bonheur des Dames qui a donné une nouvelle dimension au commerce et qui contemple son magasin après une journée riche en vente. Ils prendront aussi comme modèle des personnages simples dont la réussite prendra la forme d'un destin exceptionnelle. Comme le personnage de Julien Sorel dans Le Rouge et le Noir de Stendhal, même si sa réussite est limité car il meurt décapité, il a connu tout au long du roman un destin à la hauteur de ses capacités. Étant le fils d'un modeste charpentier d'un village de province, le fait d’avoir satisfait à son ambition personnelle et d’avoir choisi lui-même son destin est une réussite.
Un roman peut-être apprécié du lecteur grâce à son personnage qui est présenté comme un modèle. Mais un roman peut aussi être apprécier grâce au personnage qui vit des expériences, le lecteur les vit donc par procuration.
Enfin un roman peut-être apprécié parce que le lecteur à travers son envie de s'évader s'identifie au personnage qui vit les expériences dont il rêves.
Le roman d'apprentissage, d'éducation ou Bildungsroman est aussi souvent employé car le roman d'apprentissage français 1830 à un important prédécesseur, Les Années d'apprentissage de Wilhelm Meister (1795-1796) de Goethe. C'est un type spécifique de l'époque romantique. Dans ces romans un jeune héros mûrit au fil des expériences qu'il vit, expériences que lui réserve la société et l'amour. Tous les personnages de roman d'apprentissage ne donnent pas envie de s'identifier à eux comme Lucien de Rubempré qui se suicide à la fin de Splendeurs et Misères des Courtisanes d'Honoré de Balzac. Mais dans un autre de ses romans d’apprentissages, Le Père Goriot, Honoré de Balzac nous présente un personnage, Eugène de Rastignac dont la transformation est réussi. Il a appris qui il était réellement et en fin de roman il a su se révéler. A chaque fois qu'il allait à la rencontre de la société, il se séparait de ses défauts. A la fin du roman tous les aspects de son apprentissage sont achevés, il a réussit socialement puisque durant son éducation sentimentale Delphine de Nucingen le fit entrer dans la haute bourgeoisie. Il a vécu des expériences qui lui ont permis de découvrir divers aspects des hommes et de la vie, le père Goriot lui témoigne de la corruption des hommes dans un long monologue lorsqu'il agonise, dans sa dernière leçon il a donc appris le tragique de l'existence : « La société, le monde, roulent sur la paternité, tout croule si les enfants n'aiment pas leur père ». Les lecteurs apprécient ce roman puisqu'à travers l'apprentissage de Rastignac ils apprennent aussi.
Les lecteurs apprécient beaucoup les romans d'aventures. Expression qui qualifie plus généralement les romans associés à la littérature populaire, dans lesquels les personnages vivent deux nombreuses actions et partent souvent à la découverte d'espace inconnus, comme dans L’Île au trésor de Stevenson ou encore Le Tour du Monde en 80 jours de Jules Verne. Dans ce roman de Jules Verne, les lecteurs grâces au personnage de Phileas Fogg et de Passepartout font le tour du monde : Suez, Bombay, Calcutta, Hong-Kong, Yokohama, San Francisco. Dans chaque chapitre les lecteurs découvrent la culture des pays visités grâce au tandem Fogg-Passepartout. Et même quand ils ne visitent pas l'une des villes par laquelle ils passent les lecteurs apprennent quand même de nombreuses choses sur ce qui fait la renommée de la ville, comme pour celle de Bombay : « Ainsi donc, des merveilles de Bombay, il ne songeait à rien voir, ni l’hôtel de ville, ni la magnifique bibliothèque, ni les forts, ni les docks, ni le marché au coton, ni les bazars, ni les mosquées, ni les synagogues, ni les églises arméniennes, ni la splendide pagode de Malebar-Hill, ornée de deux tours polygones. Il ne contemplerait ni les chefs-d’œuvre d’Éléphanta, ni ses mystérieux hypogées, cachés au sud-est de la rade, ni les grottes Kanhérie de l’île Salcette, ces admirables restes de l’architecture bouddhiste ! »
Les romans d'apprentissages et d'aventures sont appréciés des lecteurs grâce aux personnages qui leur font vivre des expériences.
Pour apprécier un roman, le lecteur n'a pas besoin de s'identifier au personnage. Lorsque le personnage à un comportement que le lecteur désapprouve, il peut quand même apprécier le roman sans pour autant s'identifier à lui. Il peut par exemple apprécier l'histoire du roman de manière général, les thèmes abordés par l'auteur, le lieu où se déroule l'action. Si la fin du roman amène aussi la « fin » du personnage parce qu'il aura eu à répondre de ses actes, parfois devant la justice, le lecteur éprouvera une certaine satisfaction qui pourra lui faire apprécier le roman.
Mais même lorsque le personnage est moralement répréhensible et qu'il n'est pas pour autant inquiété d'une quelconque manière, le roman pourra tout de même être apprécié. C'est le cas pour Bel-Ami de Guy de Maupassant, dans ce roman il présente un personnage amené à être glorifié pour sa réussite sociale et professionnelle mais aussi à être critiqué, voire même détesté suite à son comportement avec les femmes. Femmes qui lui serviront à la fois d'objets de plaisirs mais aussi d’ascenseurs sociales. Elles y ont toute participé, de Madeleine Forestier à Clotilde de Marelle, en passant par Virginie Walter ou encore Suzanne Walter. Ses différents mariages et ses multiples liaisons prouvent que George Duroy : « habillé d'un complet de soixante francs » (première partie, chapitre 1), dont le nom se transformera en George Du Roy de Cantel, a sut tirer avantage de son physique : « Grand, bien fait, blond, d'un blond châtain, […], des yeux bleus ». Et même lorsque le lecteur croit que Bel-Ami à changer, ce n'est qu'une illusion employé par Guy de Maupassant pour jouer une dernière fois avec son lecteur : « Lorsque l'office fut terminé, il se redressa, et donnant le bras à sa femme, […]. Et lui-même il la serrait, cette petite main, comme pour dire : « Je t'aime toujours, je suis à toi ! », […]. Elle murmura de sa voix gracieuse : « A bientôt, monsieur. » Il répondit gaiement : « A bientôt, madame. » ».
Un autre
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