Faux-Monnayeurs, André Gide
Par Ninoka • 19 Novembre 2018 • 1 870 Mots (8 Pages) • 611 Vues
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principal est Lafcadio, ce qui est très troublant pour le lecteur dans la mesure où il n’apparaît plus dans le roman. Gide a-t-il choisi de baptiser autrement ce personnage? Ou bien a-t-il scindé Lafcadio en plusieurs autres personnages ? En fait, Lafcadio est le personnage principal des Caves du Vatican, roman précédant Les Faux-Monnayeurs qui devaient en être, à l’origine, la suite. On pourrait penser que Gide aime à faire voyager son lecteur d’un roman à l’autre dans son univers intertextuel.
C’est surtout dans le deuxième cahier (page 69) que les personnages évoluent : la plupart d’entre eux sortent de l’adolescence au moment où ils obtiennent le « bachot ». comme Bernard, qui est "au début, parfaitement insubordonné", ou encore Olivier qui se caractérise par un changement de personnalité, "son caractère peu à peu se déforme », Vincent qui connaît également cet "émoussement progressif de sa personnalité", et qui se "se laisse pénétrer par l’esprit diabolique ».
Au milieu de ces jeunes personnages, des figures adultes ont aussi leurs histoires, notamment le personnage central d’Édouard, l’oncle d’Olivier, qui représente, la figure de l’écrivain novateur, qui questionne la littérature, un peu l’alter ego de Gide.
Dans le Journal des FM, André Gide envisage d’introduire un personnage inattendu qui serait la figure du diable (p37). Le diable sera effectivement présent dans le roman, au travers des figures tentatrices qui reviennent sous différents traits, de génération en génération. Les fils Molinier semblent tous confrontés à l’un de ces démons et se laisseront tous tenter : Vincent par Lady Griffith, le petit Georges par Ghéridanisol et Olivier par le Comte de Passavant. Ce dernier, présenté en mondain manipulateur et pervers, figure à lui seul une sorte de diable, manipulant les jeunes adolescents.
Le grand nombre des personnages du journal permet à Gide d’enchevêtrer leurs histoires dans le roman, en multipliant les angles de vue, donnant ainsi à son récit une authenticité certaine. Cette construction permet à Gide d’expérimenter avec virtuosité une écriture novatrice et extrêmement puissante : "Je voudrais que les événements ne fussent jamais racontés directement par l’auteur, mais plutôt exposés (et plusieurs fois, sous des angles divers) par ceux des acteurs sur qui ces événements auront eu quelque influence. (pages 32 – 33)
En attirant l’attention sur le processus créatif, le journal des Faux-monnayeurs interroge non seulement la place de l’écrivain face à son œuvre ou dans son œuvre mais aussi celle du lecteur, constamment ballotté dans un emboîtement de points de vue et de commentaires souvent divergents. Dès la conception de l’œuvre, Gide prend ainsi en compte les attentes du public, pour en jouer, les déjouer et finalement les bouleverser.
Le lecteur a une place très importante dans l’oeuvre. L’écrivain considère que ce dernier doit être actif et participer a la construction du roman. C’est pourquoi il l’associe à son travail d’écriture parle le biais du Journal. C’est aussi pourquoi le roman n’est pas une oeuvre reposante qui se lit facilement. Le lecteur doit faire un effort : remettre les événement dans l’ère chronologique, les chapitres se succèdent sans suivre forcément la chronologie des faits. Le lecteurs doit être attentif afin de reconstituer celle ci, a laquelle viennent se superposer les deux temporalité du journal d’Edouard. Le lecteur doit aussi imaginer les lieux, les personnages, Gide qui refuse tout réalisme, ces éléments sont seulement esquissés afin de laisser le champ ouvert au lecteur qui doit donc faire preuve d’imagination de créer son propre univers. Le roman est individualisé, donc propre a chacun. On doit aussi analyser les paroles et les pensées des personnages afin de trouver la vérité, celle ci n’est pas apportée par un narrateur omniscient, le lecteur doit donc lire entre les lignes et combler les blancs afin de découvrir ce qui peut être que sa vision de la réalité.
Finalement, Gide ne veut pas d’un lecteur qui subit mais qui agit et se pose des questions. Le roman doit en effet être la source de questionnements et non apporter des réponses fermes et définitives. Dans le Journal des faux-monnayeurs : « ce n’est point tant en apportant la solution de certains problèmes, que je puis rendre un réel service au lecteur; mais bien en le forçant à réfléchir lui-meme sur ces problèmes dont je n’admets guère qu’il puisse y avoir d’autres solution que particulière et personnelle » Andre Gide. Gide a donc confiance en son lecteur qu’il pense capable de lire, comprendre et même participer à la réception de l’ouvrage. C’est en quelque sorte à lui de terminer le roman que l’écrivain a commencé, en y apportant sa propre expérience.
L’entreprise de Gide, qui rédige son Journal des faux-monnayeurs en parallèle de son roman, est originale et intéressante à plusieurs titres. La publication des Faux-monnayeurs date de 1925 ; et le Journal des faux-monnayeurs est publié deux ans plus tard, en 1927. On peut donc en conclure que l’auteur a voulu mettre en lumière le processus créatif de son roman.
Peut-être peut-on également discerner, dans les pages du Journal des faux-monnayeurs, la volonté pour Gide de rompre avec ses propres traditions littéraires, avec ses habitudes d’écriture, ce qui est symbolisé par l’abandon du personnage de Lafcadio et ce qui se traduit dans la volonté de multiplier les points de vue à travers les différents narrateurs et personnages.
Enfin , le Journal des Faux-Monnayeurs de Gide ne se contente pas de rendre compte de l’évolution du texte : c’est le laboratoire de la création romanesque : il fait le roman.. Aussi est-il intéressant d’étudier le Journal des faux-monnayeurs, non pas comme une simple addition au roman, mais bien comme l’un de ses
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