En quoi la guerre est-elle au cœur de la nouvelle de Mme de Lafayette et du film de B. Tavernier ?
Par Stella0400 • 19 Novembre 2018 • 1 587 Mots (7 Pages) • 623 Vues
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Dans les histoires d'amour, de jalousie et de rivalités que racontent la nouvelle et le film, la guerre est une réalité omniprésente qui influence l'intrigue, les rapports entre les personnages, et dont la violence est soulignée, dénoncée. Loin de constituer une simple toile de fond historique, elle présente également une forte dimension symbolique.
Dès la première phrase de la nouvelle, guerre et amour sont indissolublement liés : « Pendant que la guerre civile déchirait la France sous le règne de Charles IX, l'amour ne laissait pas de trouver sa place parmi tant de désordres et d'en causer beaucoup dans son empire. » Alors que ces deux notions pourraient sembler opposées, elles sont ici mises sur le même plan, leur dénominateur commun étant les « désordres » qu’elles causent. Ce parallèle entre la guerre et l'amour, pour paradoxal qu'il soit, n’est pas non plus d'une grande originalité, mais il est ici remotivé dans la mesure où la guerre dont il est question n'est pas une simple métaphore, mais une guerre réelle. Dans le film, on trouve égarement des traces, quoique plus ténues, de ce lien symbolique entre amour et guerre. Ainsi, Marie enfourche son cheval pour aller trouver le duc de Guise et tenter de rompre son mariage avec Mme de Clèves comme son mari enfourchait son cheval pour partir à la guerre.
Les personnages masculins des deux œuvres sont tous des hommes de guerre, et ils ont en commun une violence et une brutalité qui s'expriment aussi dans les rapports amoureux. Dans la nouvelle, même le « sage et [...] doux » Chabannes (p.38) rêve de passer « son épée au travers du corps de son rival » (p.63). Soldat vaillant, le prince de Montpensier est également, dans les deux œuvres, un homme brutal avec sa femme. Le film souligne cette dimension des personnages masculins en les montrant à la guerre, dans des scènes de bataille (Guise, Montpensier), d’assaut (Chabannes), ou même tout simplement dans un contexte de guerre. Comme lorsque Anjou reçoit Philippe et Chabannes sous sa tente dans le campement militaire. Si la nouvelle a peu recours à la métaphore guerrière lorsqu'il s’agit d'amour – grand topos de ta littérature classique –le duc d’Anjou parle tout de même, en s'adressant à la princesse, de « conquête » de son cœur. Mais surtout, dans les deux œuvres, les personnages masculins établissent des stratégies, s’affrontent, nouent des alliances, passent d'un camp à l'autre en amour exactement comme cela se produit à la guerre. Transfuge dans la nouvelle et déserteur dans le film, Chabannes passe également du camp du prince à celui de la princesse, dont il tombe amoureux ; Guise dissimule (ou, du moins, tente de dissimuler) au duc d’Anjou son amour pour la princesse après le séjour chez les époux Montpensier ; mis au courant de la liaison secrète entre la princesse et Guise par la méprise de la princesse, Anjou tente de faire usage de ce secret pour brouiller les amoureux...
À la violence de la guerre fait écho la violence de l'amour et des rapports amoureux. Aux guerres fratricides qui déchirent la France répondent les conflits intimes qui brisent les cœurs et les couples. Dans la nouvelle, la mort de Chabannes est une conséquence de son ultime sacrifice amoureux : en se substituant à Guise dans la chambre de la princesse, il perd la protection du prince et finit assassiné la nuit de la Saint-Barthélemy, « enveloppé dans la ruine des Huguenots » (p.68). L’amour tue tout autant que la guerre, emportant la princesse « dans la fleur de son âge » (p.70). Dans les deux œuvres, l'amour et la guerre ravagent tout sur leur passage, ne laissant derrière eux que la mort et le malheur. Les premières images du film, qui montrent un champ de bataille dévasté après les affrontements, peuvent ainsi se lire comme une métaphore annonciatrice du carnage sentimental que raconte le film (d'après la nouvelle).
Réalité historique dans laquelle s'inscrit l'intrigue amoureuse de la nouvelle de Mme de Lafayette et du film de B.Tavernier, jouant un rôle non négligeable dans l'intrigue, la guerre est aussi un équivalent symbolique de l'amour.
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