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Servitude et soumission

Par   •  26 Septembre 2018  •  2 591 Mots (11 Pages)  •  439 Vues

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du moment de révolte. Cette révolte de départ permet donc ici une augmentation du libre arbitre en retour. De même lorsque Roxanne se suicide dans la dernière lettre, « je vais mourir ... le poison va couler dans mes veines... le poison me consume ... je me meurs » cela permet de laisser une marque indélébile d’elle-même une fois morte et laisse Usbek impuissant face à son ultime révolte. De plus, la mort volontaire, comme moyen de révolte, permet ici à Roxanne l’affirmation de sa propre conscience libre qui peut alors conduire à une prise de conscience collective de la part des autres femmes du sérail.

Ainsi, la révolte et la conscience semblent inséparables l’une de l’autre, soit que la conscience permet une prédisposition à la révolte, soit que la révolte permet un épanouissement de la conscience, individuelle ou collective. Néanmoins, si la révolte est une réponse violente à une situation jugée insupportable, elle peut être le résultat d’une pulsion sans aucune réflexion préalable, comme pour le cas l’instinct de survie.

La prise de conscience et la révolte peuvent alors se dissocier l’une de l’autre. Une révolte sans conscience est alors possible par le désir de liberté.La révolte peut êtres le résultat d’actes irrationnels et violents qui ne semblent pas compatibles avec une réflexion sur soi. En effet, La Boétie relate l’histoire du glorieux Léonidas qui retarda la marche des milliers de fantassins perses vers Athènes et mourut avec ses 300 hommes dans leur révolte. Il ne s’agit pas ici d’une prise de conscience mais plutôt d’un désir de conserver leur libertés à tous prix « la vaillance que la liberté met dans le coeur de ceux qui la défendent » comme l’explique La Boétie car ils étaient en infériorité numérique face aux perses. La Boétie fait aussi référence aux animaux pour montrer l’universalité du désir de liberté alors qu’ils n’ont pas vraiment conscience de leur existence. En effet, pour le cas de l’éléphant qui « enfonce ses mâchoires et casse ses défenses contre les arbres » pour ne pas les abandonner aux braconniers, ou du cheval que l’on tente de dresser et qui cherche à « mordre le frein, ruer contre l’éperon » pour montrer que « ce n’est pas de son

gré ». L’auteur montre alors que ce désir de liberté va de pair avec l’instinct de survie car les hommes et les animaux témoignent du même comportement, il s’agit donc bien d’une révolte dite « primaire » sans réflexion au préalable. Mais le risque de cette révolte dépourvue de l’utilisation de la raison est que ce désir de liberté se transforme en désir de domination par la violence. Montesquieu l’affirme lorsqu’il condamne les duels en France dont le seul but est de préserver l’honneur individuel « l’honneur, qui veut toujours régner, se révolte et il ne reconnaît point de lois. Ainsi les Français sont dans un état bien violent ». De plus, il remarque que le despotisme a tendance à engendrer une révolution « souvent aussi imprévue de ceux qui la font ». Ainsi toutes les formes de révoltes ne sont peut-être pas justifiées, surtout quand elles imitent celui contre qui on se révolte. Dans certain cas, la révolte peut se manifester au corps et aux autres avant même que l’individu ait eu le temps d’en prendre une pleine conscience. Une simple prise de conscience ne peut-elle pas être préférable à la révolte physique qui peut engendrer de la violence ?

Une prise de conscience sans révolte est possible et même parfois préférable car l’individu ne dispose pas toujours des moyens pour se révolter alors il peut être contraint de continuer à subir. A l’échelle de la société, La Boétie constate que les tyranneaux, qui servent d’intermédiaires entre le peuple et le tyran, peuvent tout à fait avoir conscience d’« endurer du mal » pour mieux « pouvoir en faire », sans pour autant se révolter, car ils croient y trouver des avantages comme le pouvoir ou la richesse. Il est également possible de feindre la soumission c’est à dire de dissimuler ses véritables pensées tout en continuant d’obéir en apparence en dissociant le conscience de la révolte. Tel est le cas de Roxane, qui passe pour être vertueuse jusqu’à la fin du roman, « la seule Roxane est restée dans le devoir et conserve de la modestie » alors qu’en réalité elle affirme dans la dernière lettre « Si tu m’avais bien connue, tu y aurais trouvé toute la violence de la haine ».

En outre l’écriture peut être vu comme une prise d’indépendance qui ne conduit pas nécessairement à la révolte physique, comme le font les femmes de Usbek lorsqu’elles lui écrivent des lettres. C’est le cas de Fatmé, une des femmes d’Usbek qui se plaint de son absence et lui déclare tout son amour. Elle a conscience de son état sans pour autant une révolte. De la même manière, La Boétie invite à une prise de conscience et non à une révolte violente contre le tyran dans Discours de la servitude volontaire , il souhaite donc plutôt une forme de résistance pacifique, consistant à ne pas obéir « sans combattre, sans frapper » pour défaire le pouvoir des tyrans, le but de La Boétie est de remplacer le désir de servir en désir d’être libre. Ce type de conduite à un avantage moral car il permet de na pas utiliser les armes de celui auquel on s’oppose mais lorsqu’il s’agit de se révolter, il faut alors faire un bon usage de la liberté.

Ainsi la conscience et la révolte peuvent être dissociables car dans certains cas la révolte peut se passer de réflexion ou dans d’autres cas pour ne pas s’abaisser au recourt à la violence, la conscience n’a pas besoin de révolte physique. Mais cette révolte semble intimement liée à la condition humaine. Or la soumission n’est-elle pas plus représentative de la condition humaine que la capacité de révolte dans la mesure où elle précède nécessairement toute révolte ?

L’absence de révolte semble bien plus présent dans l’histoire de l’humanité. En effet, la soumission volontaire ou contrainte reste un thème récurrent de la condition humaine. La Boétie a écrit son discours pour dénoncer une servitude volontaire innommable que chacun peut constater « en tous pays, par tous les hommes, tous les jours ». De manière identique pour Montesquieu qui présente des Persans « pleins d’ignorance et de préjugés » pour renvoyer aux Européens leur propres imperfections. Ibsen fait de même il constate qu’une femme ne pas être elle même dans cette société exclusivement masculine. La soumission qu’elle soit forcée ou volontaire représente une partie important de la condition humaine. L’aliénation précède toujours

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