Ionesco, Rhinocéros

Rédaction :

Les événements tragiques du début du XXe siècle ont changé la perception de la réalité. Les écrivains commencent à explorer les thématiques de non-sens de cette époque, du malaise existentiel et de l’individualité humaine. Le maître du théâtre de l’absurde Eugène Ionesco a écrit plusieurs romans à la fin des années 50 où il a dénoncé les problèmes courants. Dans la pièce Rhinocéros, qui a été publiée en 1959, Ionesco crée une représentation grotesque du phénomène inquiétant et dangereux de la massification, le phénomène où les individus perdent leur capacité de vivre en dehors du troupeau. Cette dissertation étudie comment l’auteur utilise le théâtre de l’absurde pour faire paraitre les conséquences de la massification. Elle enquête ensuite sur la façon dont Ionesco crée des personnages sans véritable identité.

L’auteur utilise la structure du théâtre de l’absurde pour souligner le dangereux phénomène de massification. En divisant la pièce en trois actes, Ionesco présente une image symbolique de la multiplication du rhinocéros due à sa métamorphose accélérée. Au deuxième acte, les fonctionnaires commencent à se transformer en rhinocéros, symbolisant les personnes qui ont perdu l’habitude de penser par elles-mêmes.

Au troisième acte, Bérenger se retrouve entouré d’une « armée de rhinocéros » (p.109). Cette hyperbole souligne le fait que non seulement les fonctionnaires rejoignent le troupeau, mais aussi ceux qui veulent simplement suivre la norme : tous les citadins. La pièce se termine par le monologue désespéré de Béranger alors que le troupeau grandit. Étant le seul humain qui est resté lui-même, il s’inquiète de l’avenir de l’humanité et souhaite sauver le monde. Paradoxalement, il ressent même un peu de regret de ne pas pouvoir se transformer en rhinocéros. Selon Ionesco, le maintien de l’individualité est un défi majeur pour chaque individu, mais seuls ceux qui peuvent « conserver leur originalité » peuvent résister aux régimes totalitaires.

Ionesco révèle le phénomène de vulgarisation à travers des personnages dépersonnalisés. La pièce se déroule dans une petite ville de province où les habitants n’ont pas d’identité et ne sont représentés que par leurs rôles et leurs noms. Cela donne l’impression que l’individualité n’a pas d’importance, car les caractéristiques de chacun ne sont pas détaillées. Ce sentiment de dépersonnalisation s’explique par l’homophone : « Mon ami, Jean ! … il y avait d’autres gens » (p.69). L’auteur compare donc le meilleur ami de Bérenger avec le reste des habitants de la ville et montre que la plupart des habitants de cette petite ville ont des idées similaires qui contribuent à la propagation des rhinocéros.