Commentaire du sonnet 92 Les Regrets, Du Bellay
Par Ramy • 6 Novembre 2018 • 1 669 Mots (7 Pages) • 2 001 Vues
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à la Chassaigne. ».
Le style du portrait est affirmé par le poète : il s’agit ici d’une satire de la courtisane et plus généralement du comportement féminin et de l’artifice. Du Bellay ne dresse pas le portrait d’une courtisane en particulier, il s’attaque à un type.
C’est au travers d’un style piquant que le poète montre les défauts et les vices de la courtisane. On peut faire un parallèle entre ce sonnet et l’oeuvre Divers Jeux Rustiques composée en 1560 (soit deux ans après la publication des Regrets) par Du Bellay. Le champs lexical dominant est celui de l’artifice : « se friser » au vers 1. Du Bellay insiste sur cet artifice en utilisant l’image des « mille crespillons ». Dans les Divers Jeux rustiques « La courtisane repentie » affirme au vers 75 et 76 : « Plus de pincette et miroir je ne veux : / Adieu le soin de friser les cheveux. ». Au vers 2, le poète évoque l’artifice des « sourcils » pincés. Le parfum s’oppose à la « chair moisie » des courtisanes au vers 3. Le poète insiste alors sur le dégoût provoqué par une surcharge d’artifices. Le thème du déguisement, du travestissement est présent au vers 4 : « Et de blanc et vermeil sa face déguiser ». Le maquillage travestit la courtisane. Ce « blanc » et « vermeil » se distingue du
« fard magicien » au sonnet 89, du « teint d’une fausse beauté » au sonnet 90. On a d’un côté la Page "2 sur 4"
courtisane romaine à la « chair moisie » et de l’autre la « Nymphe latine ». Dans les Divers Jeux Rustiques, la courtisane parle des « fards » dont son visage est « peint », de la « craie, et césure et biaque [fard banc à base de plomb ou de zinc] de Venise. ». L’artifice n’est pas que physique, il est aussi lié au comportement de la courtisane qui se feint à « tous propos », qui est « d’amour saisie », qui siffle « toute la nuit par une jalousie ». « La vieille courtisane » au vers 71 et 74 des Divers Jeux Rustiques parle de « La liberté de pouvoir deviser, / D’aller en masque et de se déguiser, / Siffler de nuit par une jalousie, / Faire l’amour, vivre à sa fantaisie ». Enfin, le savoir de la courtisane se distingue de son artifice. Elle danse, chante, joue de la musique en même temps qu’elle « folâtre » dans la couche. « La vieille courtisane » des Divers Jeux Rustiques dit au vers 43 et 44 : « Dès lors j’appris à chanter et baller, / Toucher le luth, et proprement parler. » puis au vers 242 : « Sage au parler et folâtre à la couche ». Ainsi, à la fin du poème Du Bellay montre les qualités de la courtisane, la dualité de sa personne.
Il est aussi intéressant de se pencher sur le travail des rimes . Au verbe « friser » répond le verbe « déguiser », à « l’odeur choisie » répond la « charnure moisie », au verbe « deviser » répond celui de « favoriser », à l’ « amour saisie » répond la « jalousie », à la « couche » répond la « bouche », au verbe « enseigne » répond le nom « Chassaigne ».
Certains types comme la courtisane sont souvent assez définis pour que la reconnaissance soit possible : le poète suit alors plus Pasquin qu’Horace. La satire exprime une morale à rétablir. Les défauts et les vices, incarnés par le personnage du courtisan, peuvent être résumés par les sept péchés capitaux (l’orgueil, l’avarice, la luxure, l’envie, la gourmandise, la colère et la paresse) auxquels il convient d’ajouter l’hypocrisie et l’artifice.
Ainsi, Du Bellay mêle ce motif littéraire du portrait à un registre satirique sans détours et très cru. Plus qu’un portrait on peut parler d’une caricature de la courtisane romaine au XVIe siècle.
Le recueil renvoie à une poésie de circonstance qui entend s’adapter constamment au vicissitude du réel. La satire de l’auteur se mêle à une quête de la transparence. Du Bellay revendique une esthétique de la simplicité et un style qui s’apparente à une forme de conversation, à quelque chose qui soit plus prosaïque et qui s’assimile plus au langage courant. Ses vers vont lui servir de journal intime, de chronique de sa vie à Rome. Cette poésie est déconnectée d’une quête de vérité, il s’agit d’une poésie de circonstance sur la vie d’un homme exilé à Rome au XVIe siècle.
Les sonnets de Du Bellay et ici le sonnet 92 vise au dévoilement des illusions et donc des artifices. Sa poésie défend la nécessité de l’authenticité sur le plan ontologique. La forme poétique est mise au service d’une entreprise satirique qui tend à dénoncer le règne des apparences.
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Du Bellay dresse un portrait satirique de la figure de la courtisane au XVIe siècle. Il entend ainsi dénoncer le règne de l’artifice et donc du mensonge par la poésie afin de rétablir
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