Sans personnage, pas de roman

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D'emblée, Le roman qui a le personnage comme constituant essentiel, voit ce dernier perdre toute identité surtout dans les romans contemporains. Pour le nommer, on lui attribue une lettre. Dans D'après une histoire vraie, Delphine Vigan met en scène une femme qui s'appelle "L". Dans ce roman, le lecteur se demande si "L" n'est pas une emprise ou une obsession car avec un tel non "L" ne peut pas avoir lieu. Donc, le personnage figure mais il n'existe pas.

De plus, pour que le personnage ait de présence, il doit avoir des actions. Dans La Modification, Michel Butor raconte le voyage de Léon Delmont, directeur parisien d'une firme italienne, prend le train pour Rome. Ce voyage, qu'il accomplit régulièrement pour des motifs professionnels, est ici officieux. Il part surprendre sa jeune maitresse. Il veut lui annoncer sa décision de se séparer définitivement de son épouse et de s'installer avec elle à Paris. Arrivant à Rome, il change d'avis. Il revient à Paris et décide de garder les deux femmes. Sans actes, ce dernier n'a pas de profondeur psychologique car il n'y a pas d'intrigue.

De surplus, dans un roman, et loin du personnage, la description n'est jamais gratuite. Sa fonction est majeure. Elle est un très bon moyen pour faire progresser les événements. Dans La Petite Roque de Maupassant, la description crée un climat d'étrangeté et de peur qui anticipe sur la suite de l'histoire et tient en haleine le lecteur. Elle a souvent un rôle dramatique, parce qu'elle contient en germe les éléments du drame et l'action à venir. L'alambic qui "garde une mine sombre, qui souffle et ronfle" dans l'Assommoir de Zola, est la cause de la déchéance des ouvriers et de Gervaise qu'il asservit.

De même, le roman est un lieu de connaissance. Dans Eugénie Grandet, Balzac nous informe sur la transformation économique au capitalisme qui influence toutes les classes sociales. Zola, dans l'Assommoir nous fait connaitre les conditions de vie difficiles des ouvriers à Paris dans la première moitié du XIXe siècle. Dans La condition humaine, Malraux nous renseigne sur la révolution communiste de Shanghai. Ainsi, le roman devient une source sûre des connaissances de l'époque évoquée dans ce dernier.

Enfin, le roman est un lieu de prise de position. Les écrivains en profitent pour évoquer une période historique ou pour critiquer la société. Pour Victor Hugo, Les Misérables vise à dénoncer la dégradation de l'homme par le prolétariat. Quatre-vingt Treize est une critique de la terreur après la Révolution française. Dans Actes et Paroles, Hugo plaide la cause féminine et s'oppose à toute injustice à l'égard de la femme vue comme "esclave" et "être sans rôle". Le roman est donc, pour le romancier un moyen de transmettre les idées, et pour le lecteur, un éclairage sur des convictions et des valeurs différentes des siennes.