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PREMIERE PARTIE Esthétique des genres

Par   •  25 Mars 2018  •  52 174 Mots (209 Pages)  •  623 Vues

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- La poésie vient du cœur

Selon de nombreux penseurs, le cœur est le siège de la créativité. Le génie du poète puise, dans sa création, de l’ensemble de ses sentiments rencontrés et vécus dans sa vie. Cela évidemment, dans la mise en texte des perceptions des désirs ou bien des sensations les plus naturelles. Une telle conviction se lit à travers les propos de Victor Hugo qui souligne, dès le début des Contemplations : « Ma poésie est la mémoire d’une âme » Autrement dit, le vers est l’illustration parfaite de la vie intérieure transcrite. Cette façon d’appréhender la poésie renouvelle le principe premier du romantisme : l’expression du lyrisme personnel. Une vérité érigée en idéologie qu’Alfred de Musset[7] exprime dans une formule inépuisable du point de vue du sens : « Frappe-toi le cœur, c’est là que se trouve le génie ». Cela veut dire que la magie de la création trouve son siège dans le cœur humain.

Si l’on s’en tient à Georges Lecomte, dans son ouvrage intitulé Ma traversée, l’écrivain français s’inscrit dans la perspective du mouvement romantique et définit la poésie comme telle : « La poésie est une inspiration à la fois naïve et subtile, toute en nuance des plus délicates vibrations, des nerfs, des plus fugitifs soupirs du cœur. » Une définition qui met en évidence la sensibilité ; mais aussi rappelle le point de vue d’Henri Bergson[8] dans son ouvrage titré le Rire : « Toute poésie exprime un état d’âme. »

C’est pourquoi, la poésie est souvent la mise en formule des sentiments comme l’amour, la solitude, le chagrin, le deuil, l’amertume, la joie, la passion confessée en forme versifiée. La tonalité des auteurs, le sens dans les textes sont à rechercher dans leurs vies personnelles. Alphonse de Lamartine[9], poète romantique du 19ème siècle pense : « Je suis le premier qui ai fait descendre la poésie au Parnasse et qui ai donné à ce qu’on nommait la muse, au lieu d’une lyre à sept cordes de convention, mais les fibres du cœur de l’homme. » Somme toute, il est vrai que la poésie est de source divine, même s’il faut aussi admettre son caract

ère lyrique. Toutefois, la question réelle qu’il faut se poser sur le genre, est peut-on comprendre un poème ?

II- Débat autour du langage poétique

Le langage poétique, dans sa forme, plonge les théoriciens dans le terrain difficilement compréhensible des grandes antinomies : ombres et lumière, hermétisme et clarté ou encore les conventions et la révolte. Ainsi, il s’agira, dans notre démarche, de traduire l’hermétisme poétique en se référant à l’analyse d’auteurs et de critiques littéraires avant de démontrer, dans une autre orientation, l’ambition affirmée de la clarté chez certains auteurs.

1-L’hermétisme poétique

La naissance de la poésie coïncide avec la déconstruction du langage conventionnel des sociétés humaines. En effet, la poésie se veut comme un langage propre qui va au-delà du sens proposé et figé par l’invention d’une sémantique métalinguistique. Cela révèle que le langage poétique est une forme d’expression particulière que l’homme ordinaire ne peut saisir. Pour s’en convaincre, il est possible de se référer à Saint Evremond[10] qui déclare : « La poésie est tantôt le langage des dieux, tantôt le langage des fous et rarement celui de l’honnête homme. » En effet, du fait de son caractère opaque, le verbe poétique se révèle un langage aux contours flous. Les mots, les sons sont renouvelés du point de vue du sens.

Dans le même sillage, se trouvent, les poètes symbolistes appelés aussi, les poètes maudits. Ils perçoivent le langage de la poésie comme une rupture par rapport aux hommes et par rapport à leurs conventions. Dans la quête du noumen, le poète érige un hiatus entre sa vision et celle de l’homme ordinaire emprisonné dans le langage du sens commun, du monde sensible. Charles Baudelaire, dans les fleurs du mal affirme à ce propos : « La poésie, c’est de la sorcellerie évocatoire » C’est pourquoi, le langage poétique n’est compris que par les initiés.

Dans la même dynamique se trouve Arthur Rimbaud qui représente ou assimile le séjour du poète incompris parmi les hommes à « Une saison en enfer ». Le poète s’identifie à un éternel proscrit qui trouve son refuge dans les vers en cultivant un langage mystique dans la poésie. Le vers traduit les délires du poète que l’homme sensé ne peut saisir. C’est une sorte d’état d’ivresse dans laquelle le génie s’exprime profondément. Il dira en ces termes : « Je m’habituais à l’hallucination, je voyais un salon au fond d’un lac… » C’et l’apologie de la poésie de la divagation. Le résultat est donc la difficulté de compréhension chez l’homme ordinaire que Rimbaud[11] traduit par ces mots : « J’ai seul la clé de mes parades. » En d’autres termes, seul le poète est en mesure de produire un sens fiable pour ses vers.

Egalement, avec la poésie romantique, cette dimension du langage poétique s’explique par le fait du caractère divin de l’inspiration. En effet, si le poète est inspiré par Dieu, si sa parole est un message divin, alors son langage devient mystique, donc incompréhensible pour l’homme ordinaire. Victor Hugo confesse cette réalité de l’expression en évoquant le terme « écho sonore ». Cela veut dire que le sens profond du vers ne se trouve pas dans les esquisses de signification, mais dans les sonorités agencées auxquelles on donne un sens. Le verbe poétique s’identifie donc à une langue spécifique tout comme le dira Henri Bergson dans Le rire : « Le poète a son propre langage… » En clair, si le lecteur est souvent dans l’impossibilité de déchiffrer la forme de l’expression du poète, cela tient au fait que la poésie elle-même se refuse à toute compréhension.

Au 20ème siècle, avec le mouvement surréaliste, on assiste au renouvellement de ce culte de l’hermétisme avec des auteurs comme André Breton ou encore Aragon. Ce dernier, dans son poème intitulé « Les yeux d’Elsa », évoque la douceur perdue et la nostalgie de la femme aimée pour, en réalité, parler de sa France envahie. Cette forme d’expression substitue les éléments entre eux-mêmes disloquant les sens habituels et se caractérise à une révolte linguistique qui est le trait distinctif de la poésie surréaliste en évoquant le mystère de l’incertain. C’est ce que semble dire Guillaume Apollinaire[12] dans son texte Calligrammes (1918)

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