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Le Misanthrope, acte III, scène 4, Molière

Par   •  27 Août 2018  •  1 727 Mots (7 Pages)  •  2 429 Vues

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+ Parallélisme des syntaxes répété 3 fois de suite: une attitude vertueuse + chute amusante avec la conjonction « Mais ». Ex : « Elle est à bien prier exacte au dernier point ; / Mais elle bat ses gens, et ne les paye point » (v 939 et 940) → permet d’accentuer la fausseté d’Arsinoé tout en faisant sourire.

Présent de vérité générale : « ces yeux de pitié que vous jetez sur tout » (v 932) → impression de vérité incontestable, et d’habitude aussi (c’est le temps du Portrait, cf La Bruyère, Les Caractères). Ce même temps utilisé à la fin pour donner des leçons morales : « on doit se regarder soi-même un fort long temps /Avant que de songer à condamner les gens » (v 951).

Concl et transition: grande habileté rhétorique de Célimène, qui lui permet de se livrer à une dénonciation de l’hypocrisie.

II Satire de l’hypocrisie d’Arsinoé, incarnation des dévots que combat Molière

Rappel : Molière contre les dévots, Tartuffe (1664) puis aussi dans Dom Juan (1665) → censure impitoyable, pièces interdites.

1) Registre épidictique : blâme explicite, d’ailleurs le mot « blâme » est au vers 936. Longue énumération des défauts d’Arsinoé : affectation d’un grave extérieur (elle se donne des airs graves), discours éternels sur la sagesse et l’honneur, ses mines et ses cris, sa hauteur d’estime, ses yeux de pitié (satire sur ses mimiques ridicules), ses fréquentes leçons, ses aigres censures, sa fausse mine modeste, ce faux « sage dehors », elle prie mais bat ses domestiques, se veut dévote mais se maquille pour « paraître » belle, censure les nudités mais aime la sensualité en secret. → réquisitoire impitoyable contre l’hypocrisie d’Arsinoé, accentué par des termes forts, souvent Nom + adj dévalorisant: « discours éternels » (928), « fréquentes leçons » (933) « aigres censures » (v 933).

→ Célimène peut être très cruelle quand il s’agit de blâmer Arsinoé.

2) Dénonciation de la dévotion d’Arsinoé

Arsinoé= dévote. Cf directes à la dévotion de l’époque (cf Compagnie du saint sacrement) : Le mot dévot est directement cité au vers 941. Arsinoé est contre la pureté et la vraie innocence (vers 934), comme Tartuffe elle montre une mine modeste plein de sagesse, prie à heure fixe (mais ne respecte pas ses employés → aussi critique sociale, contre les abus des maîtres), elle est heurtée par la nudité mais en secret apprécie les plaisirs charnels, comme Tartuffe avec la célèbre réplique « Couvrez ce sein, que je ne saurais voir. Par de pareils objets les âmes sont blessées, Et cela fait venir de coupables pensées. » Tartuffe, III, 2 (v. 860-862).

D’ailleurs, cf à la censure dont Molière a été plusieurs fois victime: « aigres censures » (v 933), censure au goût aigre... → donc, ici, critique sociale très appuyée contre les dévots : C’est Molière qui parle ?

3) Célimène : porte-parole de Molière ? Ambiguïté du personnage.

Célimène= Molière ? Comme Molière, Célimène possède l’art de l’éloquence et un esprit vif, elle manie parfaitement l’humour. Elle est comme lui comédienne, (joue des rôles, cf scène des portraits), distrait la cour. Comme lui elle dénonce les dévots. Comme Molière, Célimène, jeune veuve donc libre de sa vie, est plutôt du côté des épicuriens (cf Dom Juan, héros libertin qui prône l’inconstance amoureuse et blâme les hypocrites religieux). Comme Molière dans L’Avare Célimène dans cette tirade défend les petites gens, les domestiques contre la tyrannie des maîtres« Mais elle bat ses gens et ne les paye point » (vers 940).

Mais : Arsinoé ne sera pas inquiétée à la fin de la pièce, elle rejoint la cour tranquillement et c’est Célimène qui va chuter devant toute la société avec la scène des lettres qui révèle toute la fausseté de la jeune femme, elle-même tout aussi hypocrite que ceux qu’elle dénonce. De plus, ce n’est pas le personnage principal, le titre reste Le Misanthrope → grande ambiguïté du personnage, ce qui la rend encore plus intéressante.

Conclusion rédigée :

Ainsi, nous constatons que cette riposte à l’attaque d’Arsinoé révèle toute l’originalité et l’importance du personnage de Célimène, bien loin des archétypes de la jeune femme naïve et sans défense. Son éloquence habile et cruelle montre qu’elle a de l’esprit et qu’elle sait se défendre, surtout quand il s’agit de dénoncer l’hypocrisie des dévots. Attitude subversive qui laisse penser qu’au moins dans cette tirade Célimène parle au nom d’un Molière qui inlassablement poursuit son combat contre tous les Tartuffe de l’époque. Cependant, Célimène possède un double visage et c’est sans doute cette complexité-là qui fait d’elle un des premiers grands personnages féminins de la littérature. Son machiavélisme, sa liberté de mœurs très moderne pour l’époque, ainsi que son érudition rappellent par bien des aspects une autre grande figure de femme qui sévira un siècle plus tard dans le sulfureux roman de Choderlos de Laclos : l’inquiétante et libertine Madame de Merteuil des Liaisons Dangereuses.

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