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L'oedipe de Pasolini, une oeuvre aristotélicienne ?

Par   •  2 Octobre 2018  •  2 891 Mots (12 Pages)  •  552 Vues

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Pour finir, comme dans le théâtre grec, Pasolini ne recherche pas la vraisemblance sur scène. Le spectateur ne doit pas être dupe de l'illusion théâtrale. Pasolini ne cherche pas à cacher le fait qu'il est en train de tourner un film. Cela ce manifeste par des faux raccords, une caméra parfois tremblotantes ou des prises de vues à contre jour. L'artifice du jeu des acteurs lui-même est montré avec notamment un décalage entre le son et l'image ou une exagération de l'articulation. Cela rapproche le cinéma de Pasolini de la distanciation de Bertolt Brecht, selon ce qu'il appelle le cinéma de poésie, qui fait sentir la présence de la caméra.

C : Un film cathartique

Selon Aristote encore une fois, la tragédie, en « suscitant pitié et crainte opère la purgation des passions ». Cette volonté est évidement présente chez Pasolini.

En premier lieu, on retrouve dans le film un caractère pathétique qui le rattache à la tragédie antique. Il est montré notamment par la vision de la mutilation d'Œdipe mais également par ses cris lorsqu'il découvre Jocaste pendue. Le panoramique sur la ville à ce moment-là semble à la fois montrer l'étendue de la douleur d'Œdipe mais également le fait qu'elle rejaillisse sur tout son peuple.

De plus, le caractère ambiguë d'Œdipe suscite un questionnement sur sa culpabilité. Le personnage n'est ni bon ni mauvais ce qui permet aux spectateurs de le plaindre pour sa douleur sans toutefois s'en indigner comme cela aurait été le cas s'il n'avait pas eu de défaut justifiant au moins en partie sa déchéance. L'opinion des spectateurs est ainsi manifestée par la réaction des autres personnages notamment par celle du messager lors de la querelle avec Tirésias qui semble désapprouver l'emportement d'Œdipe, chercher à l'apaiser en jouant de la flûte, mais ne pas lui en tenir rigueur puisqu'il devient son « Angelo », son ange gardien, dans l'épilogue.

Pour finir, le film joue sur les émotions primaires de l'homme. Cela se manifeste par le caractère bestial des réactions d'Œdipe notamment dans la partie mythique. Ainsi, sa rage de vivre est mise en avant lors du meurtre de son père notamment à travers ses cris violents ou sa joie exaltée après sa victoire, quand il prend le casque d'un des soldats comme trophée. Le désir est également présenté, en particulier avec la scène de la prostituée dans le labyrinthe qui semble être une tentation qui annonce sa relation avec Jocaste. On a presque l'impression de retrouver une humanité primitive, luttant pour sa survie.

Il semble donc que malgré les libertés qu'il prend avec la pièce de Sophocle, Pasolini ne s'éloigne pas trop de ce qui fait la caractéristique de la tragédie grecque. Toutefois, dans la mesure où il transpose le mythe et la pièce dans un nouveau média, cela implique forcément des transformations. La tragédie grecque est un modèle dont Pasolini peut se détacher pour créer une œuvre originale.

II : Une transposition au cinéma qui implique des transformations.

A : Un jeu sur différents plans de lecture.

On sait que la tragédie en Grèce était essentiellement didactique. Ouverte à tous les citoyens, même les plus pauvres, elle permettait à la fois de faire leur éducation morale et de leur proposer des pistes de réflexion sur des problèmes fondamentaux (la guerre, la justice, le pouvoir ou le bonheur, le destin). Pasolini, comme Sophocle, pose ce genre de questions mais ne se limite pas à cette simple volonté didactique. Il entremêle ainsi différents plans de lecture de son œuvre : une lecture plutôt traditionnelle qui interroge et pousse à la réflexion, une quête identitaire presque autobiographique et un ancrage universel.

La première lecture qui peut être faite de ce film est empruntée en grande partie à Sophocle. On y retrouve les thèmes communs de sa tragédie : la place des dieux, la culpabilité d'Œdipe qui n'est, en empruntant sa formule à Racine, « ni tout à fait coupable, ni tout à fait innocent », le destin, l'hybris ou encore le bonheur et le pouvoir. Les réponses que Pasolini nous invite à trouver ne sont pas forcément les mêmes, contrairement à Sophocle, par exemple, il rejette l'idée que le destin d'Œdipe ait été complètement tracé d'avance, mais la démarche reste semblable.

Ce qui rend l’œuvre de Pasolini véritablement originale, c'est qu'il s'identifie tellement à Œdipe qu'il en fait un double de lui-même. La quête d'Œdipe pour découvrir son identité se transforme donc en retour du cinéaste sur lui-même. Cette volonté autobiographique est particulièrement visible dans le prologue et l'épilogue puisque Pasolini les a transposés dans un contexte qui lui est familier : l'Italie de son enfance pour le prologue et l'Italie contemporaine (années soixante) pour l'épilogue. Pasolini prête donc certaines de ses propres caractéristiques à l'enfant du prologue : la naissance dans une famille de la petite bourgeoisie, le père militaire, l'attachement pour la mère, la haine du père. De même la fuite d'Œdipe de Corinthe vers Thèbes peut être rapprochée de ses propres errances. On peut également se demander si le fait d'avoir remplacé Antigone, qui aurait dû guider son père à la fin de la partie autobiographique, par Angelo, interprété par Ninetto Davoli, l'amant de Pasolini à cette époque, ne témoigne pas d'une volonté de mettre en scène ses propres penchants homosexuels.

Pour finir, Pasolini cherche à donner une dimension universelle à son œuvre. Cette volonté est évidement présente chez ses prédécesseurs mais Pasolini l'approfondit et le revendique de façon très marquée, non seulement dans les thèmes abordés, inhérents au mythe d'Œdipe, mais aussi dans les choix de la représentation. Il a ainsi recours à des costumes multiculturels qui n'encrent son œuvre dans aucune époque ni culture donnée, ne donne aucun nom de lieu en dehors de quelques bornes fictives indiquant Thèbes ou Corinthe, et ne situe jamais précisément l'action dans le temps. Ainsi, lorsque Œdipe interroge Créon sur le temps qui a passé depuis la mort de Laïos, celui-ci ne peut que lui dire qu'elle a eu lieu beaucoup de temps auparavant.

B : Un langage cinématographique mis à l'honneur.

Aristote dit d'une tragédie

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