Goya, Portraits de la Duchesse d'Albe
Par Raze • 16 Octobre 2018 • 2 081 Mots (9 Pages) • 567 Vues
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Annie Ernaux, La Femme gelée. 1981 Éditions GALLIMARD
1. disert : qui s’exprime facilement et avec élégance. 2. meublé : appartement loué avec ses meubles. 3. regimber : protester, s’insurger. 4. braque (fam) : stupide, écervelé, « cinglé ». 5. capes : concours pour devenir professeur dans l’enseignement secondaire. 6. sciences politiques : école prestigieuse d’administration. 7. Dostoïevski : auteur russe (1821-1881).
8. dodiner (terme vieilli) : bercer, dorloter.
Comment ça a commencé? Comme ça je suppose: moi, seule dans la cuisine, le nez collé à la fenêtre où il n'y a rien. Rien. Pas besoin de préciser. Nous sommes si nombreux à vivre là. Des millions. De toute façon ça n'a pas d'importance, tous ces endroits se ressemblent, ils en finissent par se confondre. D'un bout à l'autre du pays, éparpillés ils se rejoignent, tissent une toile, un réseau, une strate, un monde parallèle et ignoré. Millions de maisons identiques aux murs crépis de pâle, de beige, de rose, millions de volets peints s'écaillant, de portes de garage mal ajustées, de jardinets cachés derrière, balançoires barbecues pensées géraniums, millions de téléviseurs allumés dans des salons Conforama. Millions d'hommes et de femmes, invisibles et noyés, d'existences imperceptibles et fondues. La vie banale des lotissements modernes. [ …] Donc, ça commence comme ça: moi, le ventre collé au plan de travail, les yeux dans le vague, une tasse de thé brûlant entre les mains, il est trop fait, presque noir, imbuvable. De toute façon je déteste le thé. Devant la maison d'en face, deux femmes discutent. Elles ont les cheveux courts ou rassemblés en queue-de-cheval, les jambes moulées dans ces caleçons qu'on trouve au marché le dimanche. Elles attendent que leur homme rentre du boulot, leurs enfants de l'école. Je les regarde et je ne peux m'empêcher de penser: c'est ça leur vie, attendre toute la journée le retour de leurs gamins ou de leur mari en accomplissant des tâches pratiques et concrètes pour tuer le temps. Et pour l'essentiel, c'est aussi la mienne. Depuis que j'ai perdu mon boulot c'est la mienne. Et ce n'est pas tellement pire. Le boulot au supermarché c'était pas beaucoup mieux j'avoue.
J'avale juste une gorgée et je vide tout dans l'évier, le liquide disparaît en éclaboussant les parois, aspiré par le siphon. Ça m'angoisse toujours cette vision. Ça n'a aucun sens, je sais bien. Mais on est tous bourrés de ces trucs qui nous bousillent l'existence sans raison valable.
Olivier Adam, A l’abri de rien, 2008
- Dis ? Mon âme ? Où est-elle ? Qui est-elle ? Que fait-elle ? Pourquoi ? En ai-je une ? Pourquoi ? Qu'est-elle devenue ? A-t-elle grandi, elle aussi ? Pourquoi ? A quoi ressemble-t-elle ? A une gousse d'ail que l'on écrase dans un mortier ou à un balai que l'on remise derrière une porte ? Et pourquoi ? Va-t-elle pouvoir un jour chanter, danser, faire résonner ma carcasse comme des claquettes et battre ma peau comme celle d'un tambourin ? Elle est à l'abri depuis toujours, alors qu'elle voudrait avoir froid, je le sais. Oui, froid. Et faim et soif et joie et misère et vie de tout ce qui existe au-delà de cette porte en chêne clouté et qui n'existe pas pour moi, jamais, d'aucune façon, et dont je ne sais presque rien, hormis le ravitaillement dont tu me gaves, les ordres et les modes d'emploi que tu n'as cessé de me donner, la morale dont tu me graisses, les rênes dont tu me brides et les œillères dont tu m'aveugles. Cent fois oui, j'aurais préféré être un de ces va-nu-pieds que tu méprises. J'aurais au moins appris la rugosité de la terre. Savoir la valeur de ma subsistance que j'aurais arrachée au sol, ressentir la chaleur du soleil, les averses croulant sur ma tête nue. Tant de peuples relèvent la tête, acquièrent leur liberté, alors pourquoi pas moi ? Et quelle différence y a-t-il entre mes propres enfants et moi ? Pourquoi ont-ils eu, eux, l'occasion de savoir d'où ils venaient, qui ils étaient, et vers quoi ils se dirigent - et pourquoi pas moi ? Parce que je suis une femme ? Parce que je suis ton épouse ? A ce compte-là, il fallait te marier avec ton propre portrait. Oui, monsieur, oui. Me voici à l'âge de trente-sept ans - et je vais te dire : je ne sais rien. Rien du peuple parmi lequel je suis née, de la terre qui m'a nourrie, rien de ma propre culture, de mes propres origines, de ma propre langue, de ma propre religion. Mais je mange. Oh! ça, oui, je mange, je broute, les greniers sont pleins, l'argent coule à flots, je n'ai pas à me faire le moindre souci. Elle a encore haussé le ton jusqu'à se briser la voix et briser son océan contre ce rocher qui s'appelait son époux.
Driss Chraïbi, La Civilisation, ma mère !... (1972)
Objet d’étude 3 Le personnage de roman
Groupement 2 Les figures féminines dans le roman
Evolution historique Questionnaire à partir du document « Histoire des femmes/ femmes dans l’histoire », rédigé par Annie Rouquier et Gérald Attali. http://histgeo.ac-aix-marseille.fr/
Vos réponses devront être le plus synthétiques possible.
1/ À partir de la lecture des pages 9-10 (dans « Instruction et culture : le début d’un long débat… » - rubrique : « l’instruction dans l’intérêt de la famille »), quelle a été l’éducation des filles du XVIe siècle au XVIIIe siècle ?
2/ pp.10-12, quels ont été le rôle et la place des femmes de la haute société et de la bourgeoisie sur le plan intellectuel aux XVIIe et XVIIIe siècles ?
3/ pp.44-46, et p.50 (extraits des Codes Civil et Pénal), répondez à la question suivante : dans quels domaines se manifestent les inégalités dont sont victimes les femmes au XIXe siècle ?
4/ pp.61-62 : quels sont les principaux noms et les champs d’action des féministes sous la IIIe République (après 1871) ? pp. 62-63 : quelles sont les avancées de la IIIe République sur le plan des droits des femmes ?
5/ p. 88-89 : quels sont les changements opérés par la Guerre de 14-18 dans la condition des femmes ? p. 90-93 : quelles sont
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