En quoi cette pièce est-elle tragique ?
Par Orhan • 13 Mai 2018 • 1 609 Mots (7 Pages) • 773 Vues
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- Ainsi, le destin d’Oedipe et donc de ses quatre enfants, Etéocle, Polynice, Ismène et Antigone, « malheureuse enfant du malheureux Oedipe » (page 97) se poursuit et est puni par la faute de l’ancien roi thébain. Antigone porte en elle une faute héréditaire, tout comme ses deux frères, qui se sont par conséquence battus à mort. Cette faute héréditaire est ce que nous nommons « souillure », et cette « souillure » est rappelée tout au long de la pièce de Sophocle.
- La tragédie en effet est la « suite » d’Oedipe Roi, le destin de ses enfants. Le tragique se situe donc dans le fait que leur vie est conséquence d’un passé fautif, dont ils ne sont pas responsables, mais qu’ils paient ; ils paient une souillure héréditaire. C’est une vengeance divine qui s’accomplit ici. Les dieux se vengent de Laïos, sur sa destinée, sur ses enfants, et Oedipe était le premier à payer de ses fautes : ce pouvoir des dieux que nul mortel ne peut contester est chanté par le choeur : « Mais quel orgueil humain pourrait donc réduire ton pouvoir, ô Zeus? Ni le sommeil qui charme tous les êtres, ni les mois divins et infatigables n’en triomphent jamais. Insensible à l’âge et au temps, tu restes le maître absolu de l’Olympe à l’éblouissante clarté » (page 105)
- On peut dire que la tragédie répare cette souillure ; en effet si les crimes commis sont horribles, un inceste et un parricide, les enfants ne sont pas responsables, ils sont innocents. Le spectateur est pris de pitié à la vue d’Antigone, bravant l’interdiction de Créon, enterrant son frère Polynice, et pour éviter une seconde souillure, celle d’un corps ne recevant pas les hommages funéraires qu’il se doit : le garde dit à Créon : « Le corps ne se voyait plus ; non qu’il fut enterré, non ; mais une poussière légère était répandue sur lui : il semblait qu’on eût voulu éviter une souillure » (page 93).
- Cette pitié est accentuée lors du kommos, c’est à dire le moment le plus pathétique de la pièce, où le choeur et Antigone se lamentent, c’est le seul passage où l’héroïne tragique chante, et se plaint de sa destinée tragique, en répondant au Choeur : « Le Choeur (…) Ce sont les fautes paternelles que paye ici ton épreuve. Antigone : Tu touches là au plus cruel de ma soucis, au sort lamentable, cent fois ressassé, de mon père, et, du même coup, à tout notre destin, à nous, les nobles Labdacides. Ah! fatal hymen d’une mère ! incestueuses étreintes qui aux bras de mon père ont mis ma mère infortunée ! De quels coupables suis-je issue, misérable ! Et ce sont ceux qu’aujourd’hui, maudite, sans hymen, je m’en vais rejoindre à mon tour. Ah ! le malheureux hymen que tu as donc rencontré, frère, puisque, même mort, tu as pu venir perdre la soeur qui t’avait survécu! » (page 114). Le tragique est donc total à ce niveau de la pièce, puisqu’il fait disparaître la souillure et le crime horrible héréditaire d’Oedipe, pour laisser place à de la terreur, de la pitié et de la compassion pour Antigone, manipulée malgré elle par le destin : « Le Chœur : c’est un terrible pouvoir que le pouvoir du Destin » (page 117) et Créon : « On se bat sans espoir contre le Destin » (page 122) et le Coryphée : « Lorsque c’est le Destin qui frappe, nul mortel ne se peut libérer du malheur » (page 129).
Conclusion :
Pour conclure, on peut dire que la pièce de Sophocle est effectivement tragique étant donné qu’elle met en place une confrontation morale qui se terminera par la mort. Par ailleurs, la volonté d’Antigone de fuir la vie pour servir une noble cause relève du tragique. De plus, elle intériorise sa tragédie, ce qui a pour conséquences de l’amplifier.
Antigone possède en elle une « souillure » et on pourrait parler aussi de faute héréditaire. Le destin est donc ce qui punit le plus les héritiers d’Antigone et on peut donc évoquer la fatalité, suscitant la pitié. Néanmoins le tragique a pu avoir d’autres fonctions, comme par exemple accentuer un débat philosophie entre la légitimité et la légalité, mais le tragique a également une fonction épuratrice : il fait définitivement disparaître la souillure par la terreur et la pitié.
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