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Commentaire sur Juvenal

Par   •  27 Novembre 2018  •  1 593 Mots (7 Pages)  •  484 Vues

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Le verbe « patimur » introduit directement l’idée d’une souffrance partagée par tous. Il est renforcé par le nom « mala », traduit en français par « maux », ce qui signifie être contraire au bien, à la loi morale. Cela marque directement un bouleversement de la société. Celui-ci est repris avec l’idée de la « luxuria », personnifiée par le verbe « incubuit » (s’est rué, a déferlé) qui implique une action violente. On remarque que Juvénal utilise la première personne du pluriel à deux reprises (« patimur », « incubuit ») pour mettre l’accent sur l’étendue du mal et la généralisation de la souffrance. Le comparatif « saevior armis » place la luxure au rang de crime suprême, pire que tout autre et surtout supérieur à la guerre, crime par excellence. Le verbe « ulciscitur », que l’on traduit généralement par « venger » exprime l’idée d’un acte coupable, devant être compensé par un autre, pire encore. Cela démontre la valeur des excès commis, ayant portés atteinte à l’univers (« victum orbem »). Les vers 9 et 10 signent l’apogée de la chute de Rome, annoncée par le verbe « perit », lui-même accompagné d’un champ lexical de la décadence et du bouleversement mondial: « crimen », « facinusque libidinis ». Ainsi, à travers le registre de la culpabilité, de la débauche et du mal, Juvénal nous peint la fresque d’une Rome souillée, qui apparaît à la lumière de la Rome ancienne, comme le reflet de sa propre décadence.

Après avoir exprimé la perte des valeurs de la société, Juvénal introduit subtilement une critique des mœurs étrangères dans son poème. Il l’enrichit par une opposition avec les valeurs romaines traditionnelles.

Les mœurs étrangères sont tout d’abord présentées au moyen d’une prosopopée. Les villes Sybaris, Rhodes, Milet et Tarente sont ainsi personnifiées (on peut noter l’emploi de la majuscule). Ces villes grecques sont donc étrangères à l’Empire Romain et Juvénal accentue cette différenciation en faisant le choix de garder le suffixe grec « os », ce qui donne d’emblée une sonorité et une orthographe étrangères. De même, on remarque que le poète insiste fortement sur leur venue imposante. Tout d’abord, leur apparition se fait au beau milieu d’un vers (v.10) comme une sorte d’infiltration. Ensuite, le verbe « fluxit » (ont déferlé), tissé en parallèle avec « incubuit » (s’est rué), implique une énergie, une violence incontrôlable. Par ce rappel de verbe, ces villes étrangères sont donc quasiment assimilées à la barbarie tant décriée par les Romains. Par ailleurs, on peut lire dans ce poème une critique du commerce ou du moins des cités florissantes puisque Sybaris, Rhodes, Milet et Tarente étaient de puissantes villes, enrichies par les échanges commerciaux. Juvénal insiste sur l’obscène argent qui importe les mœurs étrangères en utilisant le verbe « intulit » dont le préfixe « in » signifie « venir en avant », c’est à dire insinuer. Ce verbe implique une pénétration douce pour montrer l’habilité de l’argent à s’infiltrer dans les cultures, ici la culture romaine, pour ensuite lever le masque en triomphe : brisant tout sur son passage (« turpi fregerunt saecula luxu divitiae molles»). Les trois adjectifs qualifiant Tarente (« coronatum et petulans madidumque Tarentum ») font certainement référence aux banquets. Les termes « imbibée » et « insolente » soulignant l’aspect orgiaque d’ivresse et d’exaltation. A la lecture de ce poème, il semble que tout le mal vienne d’un seul et même endroit : peregrinos mores.

Juvénal ne se contente pas seulement de critiquer les mœurs étrangères, il présente aussi en miroir dans cet extrait les valeurs traditionnelles romaines comme l’éloge du devoir militaire et de ses exploits, symbolisé par l’exemple d’Hannibal, comme démontré auparavant. Cet éloge du devoir va de pair avec celui des maris et pères de famille : « stantes Collina turre mariti ». Le poète met en avant leur vaillance et leur résistance, debout sur la tour de la porte Colline, située au Nord de Rome, près du mont Quirinal. Ce lieu était de fait l’endroit le plus vulnérable des enceintes, devenant le théâtre de nombreuses attaques. En parallèle, Juvénal nous dresse un portrait de la femme idéale dans la société passée. Reconnues par leur travail manuel et leur chasteté, les femmes étaient alors favorisées sous l’œil bienveillant de la Fortune. Pour Juvénal, la société romaine reposait enfin sur la « paupertas », la valeur de l’austérité.

En conclusion, Juvénal, par delà d’une simple satire, stigmatise la décadence de son époque, regrettant la gloire de la Rome passée, adossée à des bonnes mœurs.

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