Comment Mme de LaFayette crée-t-elle dans ce personnage le mythe romanesque du coup de foudre ?
Par Orhan • 6 Mars 2018 • 1 513 Mots (7 Pages) • 865 Vues
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- La Cour joue ainsi le rôle de public, et la description qui est faite de la scène fait du lecteur l’un des spectateurs.
C – Le coup de foudre réciproque
Le champ lexical de la vision annonçait le coup de foudre, qui est un cliché romanesque.
On peut remarquer dans les termes employés pour décrire la rencontre que le coup de foudre est réciproque, par les parallélismes du lexique : ainsi, Mme de Clèves est autant « surprise de le voir » que Nemours est « surpris de sa beauté ».
Instantanément, il est clair pour l’assistance que les deux personnages forment un couple très assorti : « il s’éleva dans la salle un murmure de louanges ».
L’alchimie entre ces deux personnages est purement physique : sans s’être jamais parlé, ils sont chacun séduits par l’apparence de l’autre et se mettent à danser.
Ils n’échangeront d’ailleurs aucune parole directe, puisque « le roi et les reines […] les appelèrent quand ils eurent fini, sans leur donner le loisir de parler à personne.
III – La fatalité de la rencontre
A – L’effet d’attente
Dès le début de l’extrait, Mme de Clèves se fait une idée du Duc de Nemours à travers les descriptions de la dauphine : « Madame la dauphine le lui avait dépeint d’une telle sorte, et lui en avait parlé tant de fois, qu’elle lui avait donné de la curiosité, et même de l’impatience de le voir ».
Tout comme Mme de Clèves, le lecteur est dans l’attente de l’apparition de ce personnage, ce qui contribue à créer un effet de suspense et met l’accent sur l’arrivée du personnage.
Mme de Clèves le reconnaît d’ailleurs immédiatement, sans autres indice que son apparence : « qu’elle crut d’abord ne pouvoir être que M. de Nemours ».
B – Une rencontre organisée
Cet effet d’attente renforce l’idée que la rencontre était prévue, attendue.
M. de Nemours, par ses paroles (« je n’ai pas d’incertitude »), montre qu’il a reconnu Mme de Clèves : lui aussi avait donc entendu parler de la jeune femme de son côté.
C’est le roi, autorité suprême et représentant de dieu sur terre, qui incite le couple à se former le temps d’une danse : « le roi lui cria de prendre celui qui arrivait ».
Le fait que l’ordre émane de lui insiste sur le caractère inévitable de leur rencontre.
C – L’aveuglement de Mme de Clèves
Malgré le fait que Mme de Clèves reconnaît parfaitement le Duc et que leur alchimie est perçue par toute l’assistance, elle nie devant la dauphine, qui fait pourtant de claires insinuations, et paraît « embarrassée ».
Dans cette scène, en raison du point de vue externe, nous n’avons pas accès à toutes les pensées de Mme de Clèves, et pourtant ce qu’elle ressent est clair pour le lecteur.
L’absence de focalisation interne peut s’expliquer par le fait que Mme de Clèves ne connaît pas encore vraiment la nature de ses sentiments (elle n’a jamais été amoureuse avant, et elle n’est pas éprise de son mari).
Sa réponse à la dauphine est sans doute une marque de pudeur, mais elle peut également montrer qu’elle sait instinctivement qu’il y a quelque chose à cacher : son statut de femme mariée ne lui permet pas de tomber dans le jeu de la séduction.
La dauphine le perçoit tout à fait et emploie même le verbe « avouer », qui implique que Mme de Clèves a commis (ou va commettre) une sorte de faute.
Conclusion :
Par de nombreux aspects, cette scène de rencontre correspond parfaitement au cliché romanesque du coup de foudre : les circonstances, le décor et les personnages sont exceptionnels, ce qui va renforcer le caractère dramatique de la passion qui s’ensuivra, et qui n’est pour l’instant qu’à l’état d’esquisse : l’héroïne elle-même n’a pas encore compris ce qui lui arrive.
M. de Nemours et Mme de Clèves semblaient destinés à se rencontrer, et pourtant il ne semble pas y avoir d’issue heureuse pour leur passion, puisque Mme de Clèves vient de se marier. Mme de Lafayette construit ainsi une sorte de suspense : cette scène est le moteur du reste du roman.
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