La tâche du romancier, quand il crée des personnages, ne consiste-t-elle qu'à imiter le réel ?
Par Matt • 18 Septembre 2018 • 1 335 Mots (6 Pages) • 1 503 Vues
...
S'éloigner du réel, sans non plus aller jusqu'au fantastique, est une chose que beaucoup de romanciers font également. Nous pouvons souligner que l’épopée, l’ancêtre du roman, faisait intervenir des héros. Ceux-ci étaient loin d’être réels, les auteurs les glorifiaient. C’est une démarche qui a beaucoup été reproduite aux siècles suivants. En effet, essayer de s'écarter de la réalité est une manière idéale pour mettre en valeur les personnages. Le lecteur a souvent des fantasmes de perfection. La préciosité est le mouvement idyllique pour satisfaire ces fantasmes. Prenons l'exemple de Madame de Lafayette, femme de lettres françaises du XVIIe siècle, qui met en valeur la Mlle de Chartes dans La Princesse de Clèves, l'un de ses plus célèbres romans. Elle fait en sorte de glorifier et de supprimer les défauts du personnage principal. Cette approche est dans l'objectif de combler le lecteur qui a souvent besoin d'un modèle de perfection. Le roman précieux exagère profondément le réel. Le romancier aime métamorphoser la réalité afin de la sublimer. Il s'agit de romans idéalisés. Le lecteur se retrouve alors séduit par toute cette beauté et ces merveilles, et non plus par l'éventuelle dimension psychologique que pourrait avoir le roman.
Réels ou irréels, les personnages de roman ont leurs avantages dans les deux cas. C'est pourquoi certains romanciers décident de marier fiction et réalisme. En effet, le personnage romanesque se situe généralement entre réel et imaginaire. Dans ce cas, les auteurs de romans continuent de s'inspirer de la réalité sans y être complètement plongé. François Mauriac, écrivain français du XXe siècle, donne son avis sur le sujet dans son essai Le Romancier et ses personnages. Pour lui, même les personnages les plus fictifs sont toujours inspirés de faits réels. En effet, comme il le dit lui-même "nos prétendues créatures sont formées d'éléments pris au réel" et "les héros de romans naissent du mariage que le romancier contracte avec la réalité". Un récit fantastique ne peut exister sans l'intervention de la réalité, tout comme un roman - par définition fictif - essentiellement basé sur des faits réels a besoin de fantastique. De même pour les frères Goncourt : "le public aime les romans faux : ce roman est un roman vrai". L’opposion des termes "vrai" et "faux" montrent qu'ils se situent, eux aussi, entre fiction et réalité.
Parfois, même des auteurs appartenant aux courants du réalisme ou même du naturalisme aiment faire appel à leur imagination dans certains de leurs romans. C'est d'abord le cas avec Honoré de Balzac. Ce dernier ne s'est jamais lui-même réclamé du réalisme. Même s'il aime jouer avec la réalité, pour lui, le romancier doit créer une illusion. Dans son avant-propos de La Comédie humaine, il explique qu'il veut rassembler des principaux faits de la Société et de l'Histoire pour leur redonner vie mais de la manière la plus attractive possible. Comme Guy de Maupassant dans sa préface de Pierre et Jean, il préfère parfois s'inspirer de la réalité tout en la transformant pour la rendre plus attrayante et cohérente. En effet, Maupassant refuse lui aussi de projeter une simple et banale vision du réel. C'est ainsi que ces auteurs coordonnent la réalité avec la fiction.
En conclusion, la tâche du romancier, ne consiste pas qu’à imiter le réel lorsqu’il crée le personnage. Les auteurs de roman ont le choix d’imiter le réel lors de la création de leurs personnages. Ils font souvent appel à leurs propres expériences. Personnellement, je trouve que s’inspirer de la réalité est fondamental dans l’écriture d’un roman. Cependant, une stricte imitation du réel n’est pas suffisante. Selon moi, il faut la transformer afin de la rendre plus attrayante et intéressante. Le romancier doit inventer dans le but de créer l’illusion du réel.
...