Code de Procédure Pénale du Bénin.
Par Ninoka • 2 Février 2018 • 16 901 Mots (68 Pages) • 628 Vues
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Certes, il est de plus en plus évident que l’incarcération ne permet pas d’atteindre l’objectif le plus important qui lui est prêté et qu’elle s’accompagne en outre d’effets délétères sur les criminels eux-mêmes, sur leur famille et à long terme, sur la société tout entière. L'incarcération permet soit de détenir provisoirement les personnes soupçonnées d'avoir commis une infraction en attendant le jugement, soit de les enfermer pendant un temps donné lorsqu'ils ont été jugés coupables. Cela étant, elle vise plusieurs objectifs : dissuader, immobiliser (retirer le délinquant de la société), punir et réadapter. Alors, elle empêche les délinquants de récidiver pendant qu'ils sont en prison et, en théorie, leur permet de s’y réadapter durant leur séjour. La réadaptation du condamné constitue l’objectif le plus important de la peine, puisque c’est elle qui empêche le délinquant de retourner au crime. Toute politique criminelle législative aussi bien antique que contemporaine repose sur elle. Or, c'est quand il s’agit de cet objectif de la peine que l'incarcération est prise en défaut. On pourrait même dire que tout montre, non seulement que les prisons servent rarement à la réadaptation, mais aussi qu'elles tendent à renforcer les comportements criminels; d'où la récidive qui entraine alors un cycle infernal libération-incarcération, situation qui ne permet pas d’assurer une plus grande sécurité au sein de la société.
Dans le monde entier, la majorité des prisonniers sont issus de milieux défavorisés tant économiquement que socialement. Pauvreté, chômage, foyers brisés, troubles psychologiques, violence conjugale : autant de réalités quotidiennes pour la plupart des délinquants. De même, beaucoup sont en prison soit pour des délits mineurs, ou non violents soit pour des délits commis en raison de l’ignorance de la loi. En recourant à la prison comme réponse à tous les délits commis par ces personnes vulnérables, non seulement on ne résout pas la question de la sécurité dans nos communautés de manière durable, mais encore perpétue-t-on le cycle d'appauvrissement, de chômage, d’amenuisement des chances de trouver un emploi, de couples brisés, d'aggravation des troubles psychologiques etc. De plus, la surpopulation carcérale s'accompagne des risques de contagion criminelle, aggravation des risques de récidive et de la transmission de certaines maladies comme la tuberculose, le VIH Sida etc. Dans toutes les prisons, la violence est le lot quotidien des prisonniers, plus encore dans les prisons surpeuplées.
Les Etats se sont lancés dans des programmes ambitieux de construction de prisons, pour constater que la construction de nouvelles prisons ne permettait pas de résoudre durablement les effets néfastes du surpeuplement et que la population carcérale progressait comparativement à la capacité des nouvelles prisons. Aussi, sont-ils coûteux la construction et l’entretien de nouvelles prisons et pèsent sur les ressources rares de l’Etat. En outre, qu’une prison manque ou non de locaux, qu’elle soit de type traditionnel ou moderne, on remet de plus en plus en question ses limites en matière de redressement des délinquants[4].
En conséquence, les inconvénients entrainés par l’emprisonnement à la fois au délinquant et à la société suscitent un intérêt croissant pour les alternatives à l’emprisonnement. Mais souvent, lorsqu'on les introduit dans la législation, le public ou les juges pensent qu’elles visent à réduire le nombre de condamnations ou qu’elles ne seront pas efficaces en raison de leur caractère apparemment non intimidant. Or, quant à l’intimidation, beaucoup de spécialistes éminents5 mettent en doute
aujourd’hui son utilité dans le domaine de la prévention de la récidive.
L’expérience démontre que cette cruauté n’a guère eu d’effet pratique sur l’évolution de la criminalité. Beccaria a démontré la faillite et le caractère odieux des rigueurs excessives et a attiré l’attention sur la possibilité de réaliser la politique d’intimidation au moyen de peines modérées mais promptes et sures6. D’autres pensent que ces peines visent à épargner aux délinquants les effets néfastes de la prison alors qu’elles ne sont destinées qu’à éviter la contagion criminelle.
Dans de nombreux pays, on n'a pas recours aux alternatives à l’emprisonnement, bien qu'elles soient prévues par la loi. L'application de ces peines se heurte à de sérieuses difficultés. Or, ces peines, exécutées dans la communauté contrairement au recours à l’isolement, et permettant ainsi d’éviter la contagion criminelle, paraissent constituer à long terme une protection plus efficace de la société. Il convient dès lors d’en préconiser l’application. C’est donc dans ce contexte que s’inscrit le présent travail s’intitulant : « Les alternatives à l’emprisonnement ».
L’objectif de cette étude est de préconiser les alternatives à l’emprisonnement aussi bien du point de vue d’application que de leur instauration dans la législation. Au demeurant, le thème ainsi libellé mérite quelques précisions terminologiques.
D’abord, le terme « alternatives » renvoie à l’idée de substitution d’une chose par une autre7. Ainsi, les peines alternatives sont « toute peine susceptible d’être prononcée librement par le juge à la place de l’emprisonnement, sans jamais se cumuler avec lui» 8.
Ensuite, l’emprisonnement, dans un sens général, est la détention d’un individu à l’intérieur d’un établissement pénitentiaire. Mais précisément, il désigne une peine correctionnelle privative de liberté de deux (02) mois à dix (10) ans au plus, qui s’exécute dans une maison d’arrêt, exceptionnellement dans une maison centrale ou dans un centre pénitentiaire9.
Enfin, il faut remarquer que les alternatives à l’emprisonnement, thème central
[pic 5]
6 C. BECCARIA cité par Bernard BOULOC dans Pénologie, exécution des sanctions adultes et mineurs, 2ème édition, Dalloz, 1998, p. 23.
7 AUPELF-UREF, Dictionnaire universel, 3ème éd., Hachette Edicef, 1995, p. 46.
8 R. GULLIEN, J. VINCENT, Lexique des termes juridiques, 21ème édition, Paris, Dalloz, 2012, p. 18.
9 G. CORNU, Vocabulaire juridique, édition PUF, 2012, pp. 58-59.
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