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Charles Quint et la Religion

Par   •  1 Décembre 2018  •  5 459 Mots (22 Pages)  •  469 Vues

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La question impériale, effectivement, s’inscrivait tout autant dans l’héritage de la romanité. Un ensemble de concepts juridiques, théologiques, historiques et philosophiques, ont permis d’appuyer la théorie selon laquelle les pouvoirs des empereurs romains étaient transférés aux empereurs allemands. Cette idée à grandement participé au fondement de la légitimité du Saint Empire Romain Germanique. Pour cela, les personnes qui soutenaient Charles Quint, n’ont pas manqué de rappeler la thèse selon laquelle pouvoir spirituel et pouvoir temporel demeurent distincts et équivalent, et que la naissance de l’Empire avait précédé celle de l’Église. Plusieurs illustrations de ce phénomènes peuvent être données : Commençons par Dante. Ce dernier affirme dans son traité De Monarchia, que c’est bien le peuple de Rome qui s’est approprié le droit à la monarchie, et que c’est Dieu qui a directement conféré son autorité à l’Empereur. Le Pape ne tient donc aucun rôle, même intermédiaire, dans cet avènement. Marsile de Padoue, quant à lui, va encore plus loin. Il va, en effet, jusqu’à nier l’origine divine de l’Église, il n’hésite pas non plus à comparer le Sénat romain à la Diète allemande afin de légitimer le pouvoir d’élection des sept électeurs. Ainsi, la façon dont Auguste s’est vu attribué le pouvoir par le biais de la lex regia est similaire à la façon dont Charles Quint s’est vu transféré le pouvoir par les électeurs. Une fois de plus, l’approbation du pape n’est pas considérée comme nécessaire. L’élection allemande donne à l’Empereur la pleine autorité sur l’Allemagne, le couronnement romain, lui, lui donne la pleine autorité sur l’ensemble du monde chrétien. C’est ce que Lupoldus von Bebenburg soutient et ce qui a inspiré plusieurs ouvrages allemands au Xvème siècle. Cette idée participe, elle aussi, à faire valoir l’idée selon laquelle l’empereur est le seul en mesure de garantir la paix dans le monde. On observe également l’expression de l’idée selon laquelle Charles Quint serait le successeur d’Auguste dans le discours qu’a prononcé Gattinara, chancelier et conseiller de l’Empereur, le 3 novembre 1519 devant la légation des princes électeurs. Il rappel ainsi l’origine divine de l’institution. Gattinara, lui non plus, ne parle pas du pape, ni même de la nécessité d’obtenir la couronne impériale pour obtenir de jure son pouvoir impérial. On a pu voir précédemment l’intérêt qu’avaient les prophéties en permettant de justifier les méthodes militaires employées par l’Empereur, les références faites à Justinien servent, elles aussi, la même cause. Elles justifient l’utilisation de la force lorsque la loi impériale est enfreinte, l’armée apparaît nécessaire à la mise en place, à la fois, du principe de bellum justum hors des frontières, mais aussi, en interne pour « pacifier » les révoltes. Le jeu de la confusion entre valeurs éthiques universelle et morale chrétienne permet de légitimer l’utilisation de la force, mais il reste à convaincre les plus réticents que cette force n’était mise qu’au service du droit et de la justice Cet intérêt pour les traditions prophétiques et antiques expliquerait pourquoi les temps de guerre ont étaient si nombreux durant le règne de l’homme qui, paradoxalement, prônait tant la paix. L’avis du chancelier de l’empereur à ce sujet prétend à éclairer ce paradoxe, selon lui, seule la reconnaissance par tous de Charles Quint comme primus inter pares permettrait la paix pour la chrétienté. L’ambition d’un Empire universel, sorte de monarchie supra-nationale est très inspirée du modèle mythique antique de l’Empire romain capable de garantir la paix sous l’égide du christianisme. La pensée juridique influencée de la tradition romaine est directement liées au concept de pouvoir universel et elle semble être en plusieurs aspect la base de la politique de Charles Quint que lui inspire pour beaucoup Gattinara, bien qu’il ne l’écoute pas toujours. C’est en lisant des Pandectes, des ouvrages de Bartolo ou de Baldo degli Ubaldi, des traités sur la translatio imperii, que ce dernier nourrit son image d’un empereur garantissant la paix dans le Monde. Afin d’illustrer une dernière fois l’importance de la tradition de la translatio imperii sur la perception que l’on pouvait avoir de l’Empereur à l’époque, nous relèverons la comparaison explicite, bien que péjorative, qui est faite par Guichardin lorsqu’il s’adresse au pape Clément VII, en désignant Charles Quint par les termes d’ « actuel César ». Il est aussi intéressant de voir, par l’importance accordée à ces références faites à l’Antiquité, l’expression de la pensée humaniste propre à la période. Ce courant de penser s’illustre également par la réponse qu’a donné Gattinara aux membres du Conseils. Ces derniers lui reprochaient de prêter trop d’importances aux prophéties, il leur a répondu en expliquant que sa façon de percevoir la prophétie était la suivante : « se rappeler les choses passées, considérer les choses présentes, et juger les futures ».

Le projet consistant à réaliser l’unité du monde sous le pouvoir d’un prince chrétien est ancien, et sa réalisation nécessairement lente, ainsi les idées universalistes et messianiques qui résidaient en l’utopie prophétique, le principe de la translatio imperii, et les droits du Saint Empire sont la toile de fond qui ont permis à Charles Quint de légitimer sa politique visant à structurer l’ampleur de ses territoires et ainsi garantir aux Habsbourg une influence certaine sur l’Europe. Cependant, parler de l’Empire de Charles Quint demeure abusif car, objectivement, le seul lien unissant les différents morceaux du territoire où il règne réside en sa propre personne. Le seul véritable empire existant n’est autre que le Saint Empire mais, même en celui là, et peut-être plus qu’ailleurs, les pouvoirs de l’Empereur se trouvent limités. Charles Quint, qui s’emploie à partir de 1530 à défendre de toutes ses forces ce projet, n’aura en effet de cesse de rencontrer de nombreux obstacles.

De tout les obstacles, les défis, les devoirs auxquels est confronté Charles V c’est la cause religieuse qui semble guider tout les combats que mène l’empereur durant son règne.

Si l’on s’accorde avec la formule employée par Ferdinand Braudel, nous pouvons dire de Charles Quint que « sa lutte contre la Fance fut le pain quotidien de sa vie à partir de 1521 ». L’orientation vers l’Italie de sa politique était effectivement non négligeable. Elle se plaçait dans la continuité de la tradition de la maison d’Aragon et était l’expression de sa fidélité

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