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Les leçons de l'histoire constitutionnelle française

Par   •  24 Octobre 2017  •  11 661 Mots (47 Pages)  •  840 Vues

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Le 17 juin 1789, sur une motion de l'abbé Sieyès, les députés du tiers-Etat s'autoproclament Assemblée Nationale. Cette transformation inverse l'échelle politique des valeurs, en confiant la souveraineté à la représentation nationale, c’est-à-dire à la nation incarnée par l'Assemblée. Juridiquement, la Révolution est faite.

La DDHC (26/08/1789) pose, dans son art.3, que « le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation ; nul corps nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément » → juridiciser le 17 juin : mettre le droit en accord avec le fait révolutionnaire. En effet, en posant ainsi que le principe de toute souveraineté réside, par essence, dans la nation, ce texte confirme l'absence de despote, et la nécessité, en conséquence, d'une séparation des pouvoirs. Ainsi, tout en affirmant la souveraineté de la nation, l'art.3 laisse subsister une part de l'ancien régime → la première partie du texte parle du principe de toute souveraineté, afin de distinguer son principe de son exercice, dont on souhaite laisser le roi dépositaire. C'est la deuxième partie de l'article qui, en désignant les titulaires de cet exercice, réalise le changement le plus important : le roi, au même titre de l'Assemblée, ne peut avoir d'autre légitimité que celle qui émane de la nation.

Section 2 – La naissance du constitutionnalisme française

La définition de la nation, désormais considérée comme souveraine, va faire l'objet d'un considérable débat :

- L'abbé Sieyès défendait la thèse révolutionnaire d'une nation antérieure aux rois et qui pouvait décider, par un acte de souveraineté, de se donner une constitution entièrement élaborée par ses représentants élus.

- A l'opposé, d'autres révolutionnaires (Jean-Joseph Mounier), prétendent que la nation ne sortait pas ainsi du néant, qu'elle avait déjà connu des siècles de vie monarchique, et que le régime qu'elle allait se donner devait tenir compte de ces antécédents historiques → défense d'une conception historique contre la doctrine contractualiste (dominante) séparant un état de nature d'un état civil.

Dans le débat constitutionnel, Mounier essaye une thèse : la naissance de l’État nation repose sur un acte fondateur, à savoir l'écriture d'une Constitution, qui doit être compris comme la répétition d'un acte originel. La nation française existant par nature, ayant été libre avant que les rois ne l'usurpe, réitère son existence libre en se recréant → Rédaction de la première Constitution française.

Le 20 juin 1789, le tiers-Etat se réunit dans la salle du jeu de paume, et prête le serment de ne pas se séparer avant d'avoir donné une Constitution à la France → lie définitivement nation et Constitution.

Le 9 juillet, l'Assemblée nationale se proclame constituante, c’est-à-dire qu'elle s'autoproclame détentrice de la source de tout pouvoir. Elle a donc le pouvoir d'adopter une Constitution. A partir de là, le terme de Constitution laisse entendre que le constituant = nation souveraine, et que la forme du pouvoir, bien que monarchique, fait du roi un organe constitué. L'exercice du pouvoir constituant originaire est le fait d'un moment premier, très souvent idéalisé. En effet, le souverain se borne généralement au pouvoir de désigner les membres d'une Assemblée constituante, confiant le soin de rédiger la Constitution à des représentants.

La politique de l’État-nation ne plonge pas ses racines dans un terreau naturel. Elle possède uniquement des exigences rationnelles du contractualisme (calcul rationnel) dans lequel l'idée d'un contrat social fait naître, à partir des volontés individuelles, la volonté générale de la nation. La politique nationale n'est pas définie par son enracinement territorial → l’État-nation = lieu d'une construction rationnelle normative. En effet, le critère fondamental d'appartenance à cette État-nation n'est rien d'autre que l'adhésion libre et volontaire : on ne va pas naître membre de la nation, mais on le devient sur la base de la volonté manifeste de se conformer au principe de cette association.

L'Assemblée constituante, dans ce but de séparer l’État de la personne de droit, fait intervenir la nation comme le véritable élément constitutif de l’État → tout le droit public français va s'inscrire dans cet héritage, c’est-à-dire que l’État n'est rien d'autre que la personnification juridique de la nation. Comme l'écrit Carré de Malberg, sous la 3e République, « l’État n'est que la nation elle-même juridiquement organisée. Elle ne peut être conçue comme un sujet de droit distinct de lui ». La nation française n'est donc plus un corps chargé de traditions accumulées, mais un unique peuple homogène engendrée par la volonté de l’État.

La nation n'est pas le peuple. En effet, le peuple n'a droit à la parole qu'en ce qu'il est constitué en nation. La nation s'institue comme un écran entre la société civile et le pouvoir politique. Dans le discours institutionnel, nation = entité distincte de citoyens qui la compose, c’est-à-dire qu'elle n'existe que représentée par ses propres représentants. Seule la représentation permet de convertir une multitude d'individus en un corps politique caractérisé par son unité. C'est en ce sens que l'on a pu dire que la représentation est la vérité du constitutionnalisme.

A la fin du 18e, les représentants de la nation n'avaient pas besoin d'être élus. En effet, la conception de la nation par Sieyès = 2 représentants : les représentants élus dans la fonction législative et le roi héréditaire dans la fonction exécutive. Ainsi, le roi cesse d'être souverain, et cesse d'être le représentant unique d'une nation conçue concrètement, pour devenir le représentant secondaire d'une nation devenue à la fois souveraine et abstraite. Le serment civique de la constitution de 1791 est révélateur de la fonction du roi : « je jure d'être fidèle à la nation, à la loi et au roi ». En 1789, le concept de nation, dans la mesure où il s'interpose entre le roi et ses sujets, a essentiellement joué un rôle de canalisation des forces révolutionnaires. La nation est alors détachée du peuple révolutionnaire. Selon une formule

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