Anthologie poétique.
Par Orhan • 4 Octobre 2018 • 1 707 Mots (7 Pages) • 446 Vues
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La poésie française contemporaine est aussi vivante que diverse.
En dépit de propos réitérés sur la « crise » qui l'affecte, elle subsiste souterrainement et trace un chemin peu visible, au coeur de l'expérience de la littérature et sur les marges de sa diffusion.
Diverse, la poésie française contemporaine offre un paysage très contrasté au regard du lecteur d'anthologie. Comme s'il se trouvait mis en présence de tous les « styles » d'écritures possibles et voyait se côtoyer les formes apparemment les plus opposées : vers réguliers ou libres, proses lyriques ou littéralistes, minimalisme ou ampleur, oralité ou spatialisme, modernité affichée et militante ou jeu avec les formes fixes héritées de la tradition, mise en cause de la notion de genre ou resserrement sur cet ancien signe distinctif qu'est le vers...
La poésie contemporaine se donne à lire dans tous ses états. [...]
Diverse et fluctuante, la poésie est à l'image du présent.
Elle ne cesse de s'interroger sur ce qu'elle peut et ce qu'elle doit. Elle existe de se chercher. Rien ne lui est plus contraire que d'affirmer: la poésie c'est ça et pas autre chose. Elle est avant tout l'inquiétude même du langage. Claude Royet-Journoud la définit comme un "métier d'ignorance". Je citerai, à l'appui de cette formule, les premières lignes de A noir de Jean-Marie Gleize:
"Reste pour nous : la poésie. L'ignorance de ce qu'elle est. La faire, l'écrire, "pour savoir". Pour progresser dans cette ignorance. Pour savoir cette ignorance. Pour l'élucider ."
Puisqu'elle est l'espace d'une recherche, la poésie constitue avant tout une expérience. Sa fonction n'est pas d'apporter le salut ou la consolation, mais de retraverser la condition humaine dans son intégralité, sans en rémunérer les défauts C'est, par exemple, la conviction de Jacques Dupin, qui écrit dans "Moraines":
"Expérience sans mesure, excédante, inexpiable, la poésie ne comble pas mais au contraire approfondit toujours davantage le manque et le tourment qui la suscitent."
Extrait de :© Jean-Michel Maulpoix, 1999 La poésie française depuis 1950
Source : http://www.maulpoix.net/Diversite.html
Dans l'oeil du poème
Texte de la préface à une anthologie de poésie contemporaine réalisée par Francis Dannemark et publiée aux Editions du Castor Astral sous le titre Poète toi-même
Beaucoup de monde circule dans ces pages. Cette anthologie est une heure de pointe : la langue vient s'y mettre à l'ouvrage. On y trouvera de tout : des automobiles et des miettes de thon, une moto, un hélicoptère et un ordinateur, des papyrus et des pixels, quelques téléviseurs, un pyjama de bébé, du jambon sous blister, des écluses, des frites, des mouettes et des moules, Budapest et la Mésopotamie, une cabine téléphonique, le vendredi 12 mars 1999, un aérostier, des joueurs d'échec, un technicien de surface, un curé incrédule près de Sainte-Gudule, une femme suspendant son linge, Arthur Rimbaud et Francis Bacon, Lady Di, Monica Lewinski, Nini, Bill, Jill, Mickey, de l'enfance à la rue, de l'enfance au jardin, un dos, deux pieds, deux joues, davantage de mains, plusieurs corps insistants, diverses espèces de souffles et de respirations, un lit où il se passe des choses, quelques chiens-loups courant à travers la plaine, des poubelles et des chats tigrés, une bombe de l'IRA de cinq cents kilos, j'en passe et j'en oublie... C'est le monde, notre monde, en vrac et sous toutes ses coutures, plan large ou rapproché, le monde pris dans la langue et qui tangue avec elle.
Depuis qu'Apollinaire a fait entrer dans la « Zone » du poème, au début de ce siècle, les affiches et la Tour Eiffel, il est acquis que le réel ne cesse d'y gagner du terrain. En bribes, en éclats, en miettes. Des petits riens de plus en plus brisés et quelconques, aussi dépourvus de sens que lourds de conséquences. Comme si la poésie avait désormais moins pour objet d'entrouvrir la porte des lointains que de garder le contact avec la réalité la plus proche : en capter l'électricité autant qu'en réveiller l'inertie, et la dire telle quelle, à toute allure, là où elle vous prend par surprise et vous déstabilise, au plus près de l'existence familière mais en déjouant l'habitude qui en rogne les angles.
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