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Entrée à l'âge adulte

Par   •  15 Mars 2018  •  2 068 Mots (9 Pages)  •  362 Vues

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En revanche, ce serait nier l’impossibilité pour l’homme de se connaître lui-même. Il faudra par ailleurs éviter l’écueil d’étudier la conscience en tant que connaissance de soi en suivant la définition d’Alain : « conscience ajoute à science ce que les connaissances sont ensembles ». Dans l’idée de connaissance, il ne faut pas oublier l’idée même attachée à son étymologie et qui met en évidence la naissance simultanée. Dès lors, il est possible de se demander si, à la naissance, l’individu a déjà accès à une certaine forme de connaissance. En ce sens, il est important de rappeler la mise en évidence du stade du miroir chez l’enfant vers deux ans et demi où ce dernier prend connaissance de lui-même. Jusque là, sa connaissance ne concernait en effet que les sphères auxquelles il avait accès, exclusivement par les sens et donc de manière empirique. Il faut à cela ajouter que « toute conscience est conscience de quelque chose » comme l’a avancé Husserl et donc la conscience ne peut se prendre en sujet en tant qu’elle porte un regard sur le sujet. De là découle toute la difficulté de la connaissance de soi. C’est la dimension développée par exemple par Freud mais aussi par Sartre. En sa qualité de pionnier en termes de psychanalyse, Freud place le désir chez autrui et considère que dans toute relation avec autrui et notamment dans le cadre d’une relation amoureuse, il ne s’agit que d’une relation de moi à moi-même à travers l’autre. Dans ma connaissance de moi-même, je suis donc soumis au jugement d’autrui et la connaissance que j’en tire ne peut être qu’incomplète et influencée. Sartre poursuit en ce sens et place autrui au centre même de la considération que l’homme peut avoir de lui-même : « autrui est ma chute originelle ». Par son jugement même, autrui ne peut d’ailleurs juger que de mon mode d’apparition sociale, c’est-à-dire de la façon dont j’apparais pour autrui. Leibniz avance également l’impossibilité de se connaître car « il y a à tout moment une infinité de perceptions en nous ». Il faudrait donc en faire l’analyse, la synthèse et en ressortir une connaissance de soi ? Mais ces perceptions peuvent également se contredire, se chevaucher, tromper la conscience…

Et sur quoi fonder la connaissance de soi d’ailleurs ? Une démarche d’analyse de soi à travers la conscience ne peut pas aboutir à une véritable connaissance de soi comme déjà montré. D’autre part, un accès à la connaissance de soi par autrui n’est pas viable car autrui applique sa conscience au jugement qu’il établit et je ne me connais donc qu’à travers le regard d’autrui. Il reste l’analyse des manifestations du moi à travers mes actes. Mais là encore une fois, la tradition philosophique a tendance à placer les actions sous le signe du libre-arbitre, que ce soit Descartes ou même Sartre. Toutefois, toute action peut aussi être considérée comme forcément prédéterminée à l’image de la vision que propose Leibniz ou Spinoza. Les actions, qui pourtant pourraient me permettre d’accéder à une forme de connaissance de moi-même, sont en réalité soumises au flux culturel et social qui les détermine. Il suffit par exemple de se référer au sentiment de honte chez Sartre. Ce qui fait homme et donc pourrait me permettre d’avoir une certaine connaissance de moi-même, ce sont aussi les caractères inhérents à l’espèce humaine mais aussi ceux propres à chaque individu. Par exemple, l’ADN est aujourd’hui assez fiable pour caractériser chaque individu. Mais il ne s’agit là que de caractères extérieurs de l’individu et cela reviendrait à le réduire à une forme, des membres, un visage. Et là encore, comme le développe Levinas, ce qui importe avant tout dans un visage ce ne sont pas les caractères que l’on peut en décrire mais bien cette transcendance qui s’établit. Derrière chaque visage il y a l’humanité tout entière et le visage n’est autre que la marque de l’infini qui déchire le sensible. Et d’ailleurs : qu’est-ce même que la connaissance de soi ? Se rapporte-t-elle à des caractères objectifs ? N’est-elle pas d’ailleurs par essence inatteignable ? Si l’homme parvenait à se connaître lui-même, cela ne serait-il pas justement sa fin. En effet, l’homme se distingue par sa capacité à évoluer notamment et toute connaissance de soi ne peut être que relative. A ce sujet Arthur Rimbaud dit « je est un autre ». Que faut-il alors en penser ? Tout sujet doit être pensé dans son altérité. Je ne peux me concevoir moi-même qu’à travers un « autre » qui peut être une représentation de moi-même ou encore justement par le regard d’autrui. Le « je », par essence, appelle à la transcendance, à dépasser l’individu même, à côtoyer l’inatteignable car le « je » est universel mais aussi infini.

Toute démarche de connaissance de soi est indispensable justement pour se poser des questions sur soi. Une recherche de soi permet de porter un regard introspectif mais bien souvent également rétrospectif à l’image du personnage principal de Mémoires d’Hadrien de Marguerite Yourcenar qui cherche à transmettre ce qu’il voit de sa vie alors qu’il est à l’article de la mort à son futur successeur Marc Aurèle. La connaissance de soi permet de déterminer ce qui ne relève pas du « soi » : les déterminismes, le flux culturel, le regard des autres, l’habitude. Quand bien même cette démarche serait à jamais vaine étant donné que le « moi » est inatteignable par le « je », cela renseigne le « je » sur ce que pourrait être le « moi », ou du moins ce qu’il voudrait être. L’on retrouve ici à la fois une recherche d’une connaissance de soi mais cela dans une recherche de vérité. Pour Spinoza, « qui se connaît lui-même et connaît ses affections clairement et distinctement, est joyeux ». N’est-ce pas là le projet de toute une vie ? L’homme, peut-être, serait donc voué à essayer de se connaître lui-même… Cela lui offrirait-il accès au divin ? Ne serait-ce pas là la capacité même du divin ? Entité, sans l’être, à la fois omniscient et omnipotent.

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