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Phénoménologie de la perception

Par   •  11 Novembre 2018  •  1 786 Mots (8 Pages)  •  520 Vues

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toujours menacé par son retour au désordre initial) ? D’emblée, la force du concept essentialise l’inconnaissable en un tout finalisé, où la recherche implique "la croyance en un objet de nature, c’est-à-dire un objet éternel et divin" (cf. Clément Rosset, L’anti-nature).

Car cette Nature, à la fois présente partout et visible nulle part (véritable ombre de Dieu…), correspond d’emblée à une interprétation religieuse (du latin "religere" qui recueille et qui relie) du monde. Elle est la promotion d’une réalité seconde, idéelle et par là presque indicible. Avec la Nature, une sorte de quintessence du sensible vient au jour, à la fois immédiate et insaisissable, parce que toujours déjà là. Figure de la Vie (bien plus que Force naturelle), toujours silencieuse, invisible et impensable (irreprésentable) dans son accomplissement (un peu comme l’herbe qui pousse… ou la barbe), la nature s’offre, évidente et claire au ciel de nos idées. Mais, vivant paradoxe du réel, cette nature est toujours déjà perdue et c’est pourquoi nous l’aimons : elle est pour nous la quête d’une "authenticité primitive", de cette sauvage vision qui seule peut nous fait atteindre la région originale-originaire de la réalité. En fait, grâce à cette nature-miroir qui, l’espace d’un instant, efface le clivage pathétique de l’existence humaine et de l’Etre, l’homme devient ce qu’il est. Le philosophe, comme l’artiste ou le savant, le poète ou le promeneur prouvent l’absolue disponibilité de l’homme, sa capacité à s’abstraire de toute détermination objective et à affirmer sa liberté. Mais en même temps, leur activité esthétique, critique, scientifique ou contemplative, dévoilent le corps-propre de la nature. Se sont des expériences métaphysiques fondamentales, où se révèle le Même (l’artifice est le propre de l‘homme) et l’Autre (il est inscrit en lui comme une disposition naturelle) du sujet. Cette nature-miroir est un au-delà du réel ! En quelque sorte, c’est un entre-deux magique : à égale distance des hasards de la matière et des artifices de l’activité humaine. Ensemble de forces (la physis) ou principe primordial (le Cosmos, le Logos) ; efflorescence anarchique de la vie dans tous ses états ou action et conduite réfléchies de l’homme ; dynamique productrice des "choses" ou faculté d’infléchissement du réel, la Nature est tout cela en même temps pour l’éternité. En elle, pour une fois, l’acte de la pensée et son objet se confondent.

Bien qu’elle soit un "paradigme perdu", l’horizon sans rivage de notre quête spirituelle ou intellectuelle, la Nature est pourtant indéniable parce que nous nous représentons comme indéniable la nature humaine, c’est-à-dire la faculté d’agir sur la nature, y compris notre propre nature. Loin d’être cette étrange personne, étrangère à tout, et inaccessible, la Nature est inscrite en nous de manière paradoxale : par tous les "artifices naturels" qu’elle déploie pour que l’on arrive à ses fins (cf. "l’insociable sociabilité" chez Kant ou la "perfectibilité" chez Rousseau). Car l’homme est citoyen de deux mondes : issu du monde matériel, il touche au monde spirituel. Il est donc un être "composé", qui cependant forme un tout. Cette situation est l’élément moteur et primordial de sa quête du sens : ce démon (cf. le "daïmôn" des anciens Grecs) de la connaissance qui fait qu’il trouve de l’intention partout, que ce soit au nom de Dieu ou du hasard. Ainsi, nous pouvons souligner d’emblée deux des caractères essentiels de la nature d’un être "condamné au sens" : d’une part, le lien intime qui l’unit à la conscience, unité sans contenu (forme vide) susceptible de recevoir n’importe quel contenu ; d’autre part, le souci majeur d’ordonnance des choses et d’organisation de soi, qui en est comme le corollaire. Ainsi, nous pensons lois parce que nous pensons, et "l’entendement est par lui-même une législation de la nature" (cf. Kant). Face à l’état de non-sens, au manque de cohérence et de cohésion du réel, contre le sentiment de violence absurde qui en émane, ma conscience, en effet, se révolte et exulte ma liberté : penser est un cri lancé contre l’absurde de notre condition. Etant, à la différence de Dieu, une "personne" inachevée, par cet univers de fictions verbales qui habite ma pensée, je règle logiquement (selon le Logos, parole et mesure) mon appartenance au monde. Bref, la conscience, c’est l’art de poser sa différence en regard de la nature ou d’émettre au monde ses objections. L’homme est donc le seul être libéré de la nature et la culture est son mode d’être au monde. Dans son effort culturel constant, fragile, souvent chaotique, l’homme creuse sa différence radicale. Et c’est pourquoi Merleau-Ponty pourra écrire : "Tout est fabriqué et tout est naturel chez l’homme, comme on voudra dire, en ce sens qu’il n’est pas un mot, pas une conduite qui ne doive quelque chose à l’être simplement biologique - et qui en même temps ne se dérobe à la simplicité de la vie animale, ne détourne de leur sens les conduites vitales, par une sorte d’échappement et par un génie de l’équivoque qui pourraient servir à définir l’homme." (cf. Phénoménologie de la Perception). En tout cas, le vrai, le juste, le bien, le beau sont des idées dont nous éprouvons la « valeur » avec force, quand bien même nous ne parviendrions jamais à les définir. La nature humaine ou "le congé définitif que l’instinct reçoit de l’intelligence" (cf. Bergson, L’Evolution créatrice).

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