Commentaire "Le Rire" de Bergson
Par Ninoka • 3 Novembre 2018 • 2 141 Mots (9 Pages) • 585 Vues
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d’absolument nôtre?”, ici Bergson nous lance une question réthorique, il nous explique que ce n’est pas réellement notre sentiment vierge sans influence de la conscience ou du langage qui arrive lorsqu’on éprouve de l’amour, de la tristesse, de la haine ou n’importe quelle autre sensation mais c’est l’aspect impersonnel, tordu par l’utilisation du langage, simplifié et sans “les mille nuances fugitives et les milles résonances profondes” qui font de ce sentiment quelque chose “d’absolument nôtre”. C’est parce qu’on est en train d’éprouver ces sentiments qu’ils ne nous appartiennent plus. Ces sentiments sont filtrés dans la langue, ils sont déjà l’oeuvre dégénérer du langage, transformés en mots donc des noms communs: “Mais, le plus souvent, nous n’appercevons de notre état d’âme que son déploiement extérieur”. C’est donc à cause des limitations du langage qu’on peut pas éprouver ou même reconnaître nos sentiments puisque l’Homme n’a pas encore su traduire ses sentiments, ses vrais sentiments, par le langage: “Nous ne saisissons de nos sentiments[...] celui que le langage a pu noter”. C’est pour cela que l’auteur nous explique: “il est à peu près le même dans les mêmes conditions, pour tous les hommes”, Bergson nous dit que comme on a réussi seulement à saisir la partie impersonnelle de nos sentiments, celle qui ne contient pas nos sentiments les plus profonds et les tournures les plus individuelles qui ne me concernent qu’à “moi”, ces émotions sont donc communes à tous les humains. C’est le caractère des sentiments que tous arrivent à éprouver, ce sont les sentiments qu’on a tous déjà ressenti, ce sont les sentiments qui pourraient êtres appelés, “les sentiments universels” ou les “sentiments du langage”. Le vrai sentiment reste encore une énigme pour l’Homme qui ne pourra la résoudre tant qu’il n’aura pas dépassé les limites du langage, l’Homme sera donc condamné à l’insuffisance du langage et sera privé de l’originalité de ses sensations, ses émotions les plus profondes et réelles qu’il en soit. Les sentiments de l’Homme seront à jamais imprécis, séparés de leur singularités, de leur profondeur et de leur vrai richesse. Comme le disait Ludwig Wittgenstein, “Les limites de mon langage signifient les limites de mon propre monde”.
L’Homme en simplifiant la réalité qu’il perçoit simplifie par mimétisme sa propre vie c’est pour cela qu’on fuit les problèmes au lieu de les résoudre, nous sommes emprisonnés dans une illusion créée par nous mêmes qui nous éloigne de notre propre individualité: “fascinés par l’action[...] nous vivons dans une zone mitoyenne entre les choses et nous”.
L’usage des mots ou des noms communs pour faire référence à ce qu’on voit à l’extérieur de nous et ce qu’on sent à l’intérieur de nous, nous convertis en êtres impersonnels. Cette tendance à la simplification et à percevoir des choses que par leur aspect prosaïque nous fait rentrer dans un espace commun à l’Homme, dépourvu d’individus mais peuplé de moutons qui suivent les règles marquées par le langage et leur conscience. On perd donc ce qui nous identifie comme des êtres individuels, comme le dit Bergson: “ Ainsi, jusque dans notre propre individu, l’individualité nous échappe” puis “Nous nous mouvons parmi des généralités et des symboles”, ici Bergson affirme que l’Homme agit selon certaines directives créées par la société de laquelle nous provenons. Bergson s’aide d’une métaphore: “comme un champ clos où notre force se mesure utilement avec d’autres forces” pour expliquer le conformisme que caractérise l’Homme et le manque d’envie d’originalité et d’individualité qui anéanti les capacités de l’Homme. Bergson fait ici une critique aux sociétés mais surtout aux individus qui la peuple, il critique la paresse de l’Homme et surtout sa vanité, une vanité qui le corrompt. Cette corruption mène à une illusion. Une illusion qui “fascine” l’Homme et “ l’attire”, cette attraction est très forte puisque à cause de cette espèce de rêve on tient à croire que ce processus est pour “notre plus grand bien”. L’enchantement produit en nous une sensation de bien-être mais cette sensation n’est rien d’autre qu’un mensonge que nous nous faisons à nous mêmes pour fuir le conflit et éviter toutes sorte de problèmes qui nous assiègent constamment. On essaye de trouver un endroit où se réfugier des mauvaises fois et des malheurs. “ Nous vivons dans une zone mitoyenne entre les choses et nous, extérieurement aux choses, extérieurement à nous-mêmes”. Pour conclure sa thèse, Bergson revient au point de la “non individualité” mais sous un autre point de vue. Cette fois ci, il parle pas de société mais il concentre son attention vers l’individu et seulement l’individu sans se laisser de côté lui à même. Il nous explique que l’Homme en tant qu’être particulier a presque disparu, on pourrait même arriver à dire qu’il est soumis à un stade de léthargie duquel il ne parviendra à sortir tant qu’il commencera à abandonner les limites des règles de la conscience, du langage et de sa propre vanité, de la paresse et l’envie inépuisable de bien-être et de ne pas souffrir à cause problèmes. C’est donc la décision de l’Homme de sortir de l’illusion qui l’enivre ou d’y rester. C’est là ou on commencerait à se reconnaître en tant qu’individus, une personnalité. On sortirait des limites imposés par le langage, la société et notre propre conscience. On ne serait plus en train de vivre extérieurement aux choses, on les comprendrait et on se verrait à l’intérieur de nous mêmes.
Pour conclure, Bergson essaie donc de nous montrer qu’on vit sous une illusion dans laquelle on croit voir toute la réalité de ce qui nous entoure mais vraiment on ne perçoit la forme réelle des objets extérieurs ni même de nos propres sentiments, sensations et émotions. Tout ceci est donc bouleversé par les effets de la conscience et du langage, des limites imposés et des règles instaurées par la société. Une société qui vit sous son propre mensonge de joie et bien-être inspiré par la vanité et la paresse. Bergson affirme que l’Homme ne se libérera de cet enchantement tant qu’il ne transcende les règles et qu’il ne franchisse les limites de sa propre langue et de sa conscience. L’auteur termine avec: “Extérieurement aussi à nous mêmes”, phrase qu’on a déjà traité très brièvement dans la troisième partie qui débouche vers un débat à propos de la conscience et l’inconscient, terme qui nous échappe
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