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Jean Gueullette, "la toilette funéraire, dernier des soins, premier des rites"

Par   •  24 Septembre 2018  •  4 583 Mots (19 Pages)  •  547 Vues

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- Conclusion

Après lecture de cet article, je pense que la vision de la toilette funéraire est différente. On pouvait penser qu'elle était inutile, mais en vue des différents témoignages, nous nous rendons compte qu'elle a une place importante, pour le soigné, comme pour le soignant mais aussi pour l'entourage.

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- Sources

- http://www.ucly.fr/annuaire/jean-marie-gueullette--73216.kjsp

- http://www.cairn.info/revue-etudes-2008-11-page-463.htm

- http://www.laprocure.com/biographies/Gueulette-Jean-Marie/0-1241521.html

- http://www.onpe.gouv.fr/system/files/publication/dossierthematique_theoriedelattachement_5.pdf

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ANNEXES

La toilette funéraire

Dernier des soins, premier des rites

Jean-Marie Gueullette

Laver le corps d’un être humain qui vient de mourir : voici l’un des gestes les plus universels. Dans l’évolution rapide qui marque la ritualité funéraire des sociétés occidentales, la toilette a une place spécifique, car elle reste le plus souvent le dernier des gestes accomplis par les soignants, qui lui accordent une grande importance. Depuis quelques années, on a vu les réglementations relatives à la toilette funéraire évoluer de manière significative : le projet de la confier aux professionnels des chambres mortuaires a été généralement abandonné sous la pression des soignants qui refusaient de se voir dépossédés de cette possibilité de mettre un point final à leur démarche.

La ritualité funéraire joue sur deux dynamiques contradictoires : celle de la retenue du mort dans le monde des vivants, et celle de la mise à l’écart des morts pour que les vivants puissent vivre. Dans le premier registre, on peut placer les gestes qui se font immédiatement après la mort, et par lesquels on va, d’une certaine manière, faire comme si le mort était toujours parmi les vivants. Dans le second, on trouve tout ce qui est de l’ordre de la mise à distance, des déplacements, de l’assignation à résidence du mort dans un lieu spécialisé, mais aussi tous les gestes spécifiques aux morts, ce que l’on ne fait que pour eux, les gestes qui manifestent clairement que le mort est mort, comme la mise en bière, par exemple. La toilette mortuaire est un geste qui cherche à retenir le mort chez les vivants ; il n’est pas très différent des gestes de toilette que l’on offrait à la personne lorsqu’elle était malade, en particulier dans les situations où la toilette n’est pas effectuée dans une ritualité religieuse. C’est une toilette comme toutes les autres, mais elle est effectuée sur un mort. Il faut donc veiller, dans l’évolution des pratiques funéraires, à ce que la toilette reste ce qu’elle est, en particulier qu’elle ne soit pas mise au service d’un travestissement, d’une opération technique qui viendrait renforcer le déni de la mort. Un rite funéraire peut exprimer le besoin qu’ont les vivants de retenir le mort parmi eux, mais il ne sera anthropologiquement juste qu’à condition d’être articulé à d’autres rites qui manifestent l’autre versant, celui de la reconnaissance de la réalité de la mort, celui de la mise à distance des morts.

Une toilette inutile

Pourquoi laver les morts ? Ce geste semble par certains côtés dérisoire, puisqu’il cherche à rendre propre ce qui va inéluctablement devenir de plus en plus sale et repoussant. La toilette n’est pas le soin de conservation, elle ne change rien à la thanatomorphose. Laver un mort ne sert à rien, car il n’a pas besoin d’être propre ; l’habiller non plus, car il ne risque pas d’avoir froid ou chaud, et ne sera vu de personne. Les familles exigent pourtant souvent que les morts de l’hiver soient mis en bière munis d’un bon manteau… On ne peut donc s’arrêter aux motivations rationnelles de ces gestes, motivations opératoires chez le vivant qui se lave et s’habille. On lave les

morts avant tout pour faire quelque chose, et c’est une fonction importante du rite : faire quelque chose quand on ne sait quoi dire, peut-être même quoi penser, quand une rupture majeure vient bouleverser les repères habituels du sens. On fait aussi la toilette des morts pour les laver et les habiller, et c’est une manière de tenter, au moins provisoirement, de

remettre de l’ordre dans le chaos introduit par la mort et ce qui parfois l’a précédée. On entend souvent des soignants parler de la toilette dans ces termes, « remettre de l’ordre dans la chambre, dans le lit, avant que la famille n’arrive », effacer les traces du dernier combat mené, par exemple en réanimation, et qui a pu laisser un grand désordre. Mais cette

remise en ordre est assez étonnante, puisque l’on va chercher à effacer toutes les traces de la maladie et de ses traitements (appareils, perfusions) en redonnant au mort un aspect physique aussi proche que possible de la vie normale, par le vêtement : après la toilette, le mort n’est pas un ancien malade, mais un ancien vivant.

Faire quelque chose, accomplir un rite, surtout à propos de la mort, ce n’est pas agir sur la mort elle-même. Personne n’a l’illusion que peut-être la toilette pourra ramener le mort à la vie. Faire la toilette, c’est faire quelque chose pour l’autre, quand justement on ne peut plus rien faire

d’utile ou d’efficace. Tout ce que l’on peut tenter de faire, c’est d’essayer de trouver du sens, de se comporter comme des êtres humains qui cherchent et donnent du sens, inlassablement. On ne peut, ou pas encore, parler de la mort et du mort. Sous le choc, alors que les mots manquent, les gestes prennent toute leur valeur ; ils semblent plus accessibles que la

parole. Et ils permettent de tenter d’établir un rapport différent à l’événement, en particulier en sortant de la passivité absolue que la mort impose à ceux qui ne sont pas morts. Faire quelque chose quand la mort impose de ne plus rien pouvoir faire, c’est reconquérir quelque chose de l’ordre de l’humain, c’est résister à la mort. Il y a peut-être là une explication de l’urgence dans laquelle

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