Luc SINDJOUN, « L’Afrique au prisme des relations internationales »
Par Raze • 17 Septembre 2018 • 1 663 Mots (7 Pages) • 642 Vues
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Parlant de la critique positive des relations internationales, SINDJOUN encre sa réflexion sur deux éléments. Quelle est la place de l’Afrique dans le constructivisme des relations internationales ? À cette question, l’auteur répond en s’adossant sur trois éléments.
Pour commencer, il relativise la thèse ethnoréaliste des clivages identitaires par la contextualisation et la mutation des identités ; d’où l’interchangeabilité selon le contexte des trois types anarchies décrites par Alexander WENDT. Ensuite, il présente les interactions entre la structure et l’agent, d’où l’exemple de l’ONU, emportant une reconnaissance, fusse-t-elle indirecte, de l’Afrique par des normes et un fonctionnement établi au niveau international. Ce qui conduit Bedjaoui à penser à une reconfiguration de l’organisation mondiale. Pour finir, SINDJOUN observe qu’il est possible de transcender le simple rapport de force, cher aux réalistes, pour mettre en avant la force de la signification. À ce titre, il relève la naissance d’une diplomatie africaine avec pour but de présenter les problèmes de l’Afrique et d’y apporter des solutions, à cet effet l’exemple de la lutte contre l’apartheid en Afrique du sud est cité ici.
Relativement à la place de l’Afrique dans la déconstruction et la reconstruction marxiste de la théorie des RI, l’auteur prend position en énonçant deux arguments.
Le premier, d’ordre général, porte sur de la situation de l’Afrique dans le cadre de l’impérialisme. En effet il serait discutable de comprendre la position de l’Afrique en dehors de la trame impérialiste. Pour ce faire Sindjoun mobilise l’impérialisme, en s’appuyant sur les théories de KWAME NKRUMA, comme variable explicative de la position de l’Afrique dans les RI. En second, et plus spécifiquement, l’auteur déploie l’analyse centre-périphérie dans le processus de compréhension de l’Afrique.
SINDJOUN continue de surfer sur la vague critique de la science des relations internationales mais privilégie cette fois-ci la piste postpositiviste. Pour conforter sa thèse, il s’appuie tant sur la théorie postcoloniale des relations internationales que sur les externalités de la critique féministe.
In fine, Sindjoun conclue en expliquant qu’aucune théorie n’est fondamentalement vraie ou fausse lorsqu’on l’applique à une région spécifique, tout dépend de la problématique à laquelle on l’applique pour démêler les parcelles de vérité permettant de cerner un questionnement relatif aux relations internationales. Pour lui, l’intérêt de la réflexion ne porte pas sur l’Afrique, comme objet d’étude en lui-même, mais c’est le fait que l’objet Afrique constitue un foisonnement d’interrogations bousculant les prérequis et a priori d’un certain nombre de théorie. Buttant ainsi devant l’impasse de l’afrocentrisme théorique et méthodologique, Sindjoun choisit d’élargir sa réflexion en s’ouvrant au cosmopolitisme promu par Beck. L’idée étant ici d’assurer en quelque sorte une fontaine de jouvence, ou une vitalité sans cesse renouvelée, à des théories qui s’adapteraient et serviraient à la compréhension de réalités contemporaines.
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- Présentation des limites de l’article
A titre de limite, bien que le sujet ait été mené avec minutie et clarté, il émerge quelques interrogations. On pourrait en effet se demander s’il ne faudrait pas lire dans le critère religieux de nombre de conflit en Afrique, en l’occurrence la nébuleuse « Boko Haram », le continuum des revendications identitaires sur la base desquelles les attentats du 11 septembre ont été perpétrés. Ce qui du reste ne semble pas être la chasse gardée de l’Afrique, ce que certain développement tendraient presqu’implicitement à spécifier à l’Afrique.
De plus, dans la faillite de la catégorie d’Etat, SINDJOUN aurait pu observer que les traits belligènes qui semblaient être spécifiques à l’Afrique semblent se répandre, telle une trainée de poudre, sur le globe. Si on s’arrête un instant sur le conflit syrien[3], on pourrait y voir une tendance à « l’africanisation des conflits[4] » tant on peut y lire les trois niveaux de crises énoncées (territoire, monopole de la violence, population) : intra étatiques, ethniques, religieux, transfrontaliers. Ainsi aurait-il conclu que l’Afrique, dès l’époque de sa disgrâce par les réalistes, préfigurait déjà la face réelle de relations internationales de l’heure, tant le mythe frileux de l’Etat semble en perdition de nos jours.
A titre d’apport, cet article du Pr. Luc Sindjoun donne une meilleure compréhension de la perception que l’Europe et les USA ont eu, et ont, des Etats africains sur l’échiquier des relations internationales. A l’aune des différentes théories ainsi développées, et dont les limites sont soulevées du même coup par l’auteur, il apparait qu’aucune d’entre elles n’est infaillible mais qu’il faut y reconnaitre des morceaux de vérité permettant de cerner l’objet Afrique dans sa globalité et sa complexité.
Sur le plan méthodologique, cet article expose comment utiliser une thèse dans une argumentation tout en en relevant au passage ses limites.
Pour tout manageur, cet article est un outil précieux de perception et lecture de l’environnement[5] dans lequel évoluent les organisations basées, ou ayant l’intention des se délocaliser, en Afrique[6] ; car il permet de mieux cerner les acteurs et les facteurs à prendre en compte lors de l’identification des menaces et des opportunités inhérentes à ce continent.
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