Commentaire d'arrêt 25 juin 2014
Par Junecooper • 19 Novembre 2018 • 2 934 Mots (12 Pages) • 703 Vues
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Les principes de laïcité et de neutralité font donc obstacle à l’expression des convictions religieuses du personnel dans le cadre du service public.
L’avis rendu par le Conseil d’État le 3 mai 2000 « Mlle Marteaux » est un parfait exemple de cette interdiction absolue qui est reprise en l’espèce, il énonce que « si les agents du service de l’enseignement public bénéficient comme tous les autres agents publics de la liberté de conscience qui interdit toute discrimination dans l’accès aux fonctions comme dans le déroulement de la carrière qui serait fondée sur la religion, le principe de laïcité fait obstacle à ce qu’ils disposent, dans le cadre du service public, du droit de manifester leurs croyances religieuses ».
En l’espèce, l’éducatrice de jeunes enfants exerçant les fonctions de directrice adjointe de la crèche et halte-garderie revient sur son lieu de travail vêtue d’un foulard islamique ne respectant pas l’une des clauses du règlement intérieur.
De plus, la Cour d’appel a établi en reprenant la méthode du faisceau d’indices que l'activité de la crèche Baby Loup est subventionnée par plusieurs collectivités locales et la caisse d'allocations familiales et que de par sa nature elle correspondait à établissement associatif privé remplissant une mission d’intérêt général de service public.
La Cour de cassation valide donc le fait que si l’on remplit une mission d’intérêt général de service public, l’obligation de neutralité est étendue à la personne privée gérant le service public et à ses agents/employés.
Elle reprend ainsi la jurisprudence antérieure du Conseil d’Etat, arrêt du 22 février 2007 Association du personnel relevant des établissements pour inadaptés (APREI), qui énonce « que, même en l'absence de prérogatives de puissance publique, une personne privée doit également être regardée, dans le silence de la loi, comme assurant une mission de service public lorsque, eu égard à l'intérêt général de son activité, aux conditions de sa création, de son organisation ou de son fonctionnement, aux obligations qui lui sont imposées ainsi qu'aux mesures prises pour vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont atteints, il apparaît que l'administration a entendu lui confier une telle mission »
L’applicabilité des principes de laïcité et de neutralité aux dépens de la liberté individuelle de manifester ses convictions religieuses est liée à des conditions de proportionnalité et de précision de l’interdiction.
B. La restriction proportionnée et précise d’une liberté individuelle
La Cour de cassation rappelle qu’« il résulte de la combinaison des articles L. 1121-1 et L. 1321-3 du code du travail que les restrictions à la liberté du salarié de manifester ses convictions religieuses doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché ».
On peut voir ici une reprise de la jurisprudence du Conseil d’Etat notamment des arrêts Benjamin (CE, 19 mai 1933) et Dieudonné (CE, référé, 9 janvier 2014).
Dans l’arrêt Benjamin, le juge ne s’est pas arrêté au simple contrôle de la qualification juridique des faits, il a jugé de la proportionnalité de la restriction et de ses effets sur la liberté individuelle concernée.
La Cour de cassation et la Cour d’appel de renvoi ont jugé de la proportionnalité de la restriction de la liberté de manifester ses convictions religieuses et des effets de la restriction sur celle-ci dont la question de la validité du licenciement.
Cette restriction est également justifiée.
L’arrêt Dieudonné est représentatif de la nouvelle application du contrôle de proportionnalité et des exigences de nécessité, adaptabilité et proportionnalité.
La Cour de cassation et la Cour d’appel de renvoi ont repris ses critères exigeant que la restriction du principe de liberté de conscience et de religion de chacun des membres du personnel réponde à des critères de précision, de proportionnalité et de nécessité.
Elle confirme ensuite par un contrôle restreint l’appréciation in concreto faite par la Cour d’appel de renvoi du règlement intérieur posant comme critères la taille de l’entreprise, la similitude des tâches effectuées par l’ensemble des salariés, l’objet même de l’activité.
En l’espèce, la crèche Baby-Loup est un établissement associatif privé de petite taille employant 18 salariés pouvant tous etre en contact avec les enfants et/ou leurs parents.
La salariée étant éducatrice de jeunes enfants et directrice adjointe, elle est directement et régulièrement en contact des parents et des enfants.
Le règlement vise donc tous les salariés sans distinction et non pas seulement la salariée licenciée mais la situation unique dans laquelle elle se trouve et dans laquelle d’autres pourraient se trouver, le but étant de préserver la liberté de pensée, de conscience et de religion « à construire pour chaque enfant » conformément à l’article 14 Convention de New-York relatif aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989 et d’éviter toute ingérence dans les choix éducatifs des parents.
La Cour européenne des droits de l'homme dans un arrêt du 15 février 2001 Dahlab contre Suisse montre l’existence d’une réelle protection infantile, les enfants représentant une population facilement influençable.
En appréciant concrètement les conditions de fonctionnement de la crèche, la Cour d’appel a donc légitimement déduit que la restriction à la liberté de manifester sa religion présente dans le règlement intérieur était suffisamment précise, justifiée par la nature des tâches accomplies par la salariée de l’association et proportionnée au but recherché.
La Cour de cassation en soutenant la Cour d’appel de renvoi s’est opposée à la chambre sociale et à son interprétation in abstracto du règlement intérieur.
Cependant, elle n’étend pas cette solution de l’appréciation in concreto du règlement à toutes les entreprises.
Après avoir réaffirmée le principe de laïcité et de neutralité et déclarée la restriction de la liberté individuelle de manifester sa religion proportionnée et précise, la Cour de cassation doit encore se prononcer sur la qualification d’entreprise de conviction accordée par la Cour d’appel de Paris et l’existence d’une
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