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Sciences sans conscience

Par   •  5 Décembre 2018  •  2 951 Mots (12 Pages)  •  624 Vues

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Pourtant, il n’existe pas de rapport direct entre unicité du génome et unicité de la personne humaine : Deux individus possédant le même bagage génétique ne sont en rien semblables quant à leur pensées, désirs, biographies. Les gènes ne sont pas porteurs d’une vie psychique pré-déterminée de l’individu.

Atlan : « l’organisme contrôle l’activité du génome au moins autant que le génome ne contrôle le développement et l’activité de l’organisme »

La réflexion autour du rapport des B à l’humanisme, visant à comprendre d’où provient cette fantasmagorie du clone machine indéfiniment réplicable, passe alors rapidement du biologique au statut de l’humain, des gènes à la personne. C’est dans le processus de sociabilisation que l’individu pensant et agissant se développe avant tout.

- …mais, plus imposées qu’intégrées, elles menacent un humanisme indissociable de l’idée de socialisation de l’homme

La menace que les biotechnologies font peser sur l’humanisme serait donc avant tout d’ordre social, les sociétés actuelles étant encore inaptes à intégrer positivements les bouleversements induits, qui aboutirait inévitablement à une désorganisation sociale « déshumanisante ».

- Mise en péril de la filiation et des liens de parenté …

En premier lieu, « le chaos des filiations ». La descendance par clonage susciterait sans doute de graves problèmes d’identité individuelle. Le clonage produirait des individus génétiquement identiques à des frères ou sœurs jumeaux de ceux ou celles à partir desquels ils seraient clonés, mais cela dans un temps décalé. La filiation comme élément constitutif de la nature humaine serait abolie au risque de désorganiser totalement tous les repères humains. En effet, tous les rituels liés à la naissance tentent d’identifier des parents et des ancêtres et l’individualité se construit par et à travers la relation aux autres. L’opposition des genres et la filiation sont constitutives de notre pensée du social et de l’individu et le déni de cette double référence produirait des individus isolés, sans ascendance.

Le clonage reproductif brouille en effet la distinction première, fondatrice de l’identité humaine, à savoir la distinction entre le Même et l’Autre. Ni unique, car génétiquement identique à l’individu dont il est issu et crée hors reproduction asexuée, ni semblable, le génome ne déterminant pas seul l’individu en tant que tel, le clone ne serait alors qu’un entre deux indéfinissable

Marc Augé, anthropologue : « la singularité absolue n’est pas pensable, ni l’individu seul. ».

- Parallèlement au risque de discrimination sociale voire d’un nouvel esclavage

En second lieu, le clonage en établissant une relation non plus verticale mais horizontale entre les individus créerait des problèmes de définition de l’identité civile et les conditions d’une possible discrimination sociale entre clonés et non-clonés, moralement inadmissible. Ce qui nous amène à la possible émergence d’un nouvel esclavage. Bien qu’êtres humains à part entière, les clones, produits en vue d’une finalité exterieure à eux-mêmes, seraient stigmatisés en tant que tels et soumis à un esclavage où ils serviraient de moyen à l’expression des qualités supposées de leur génome.

Au-delà de l’argument biologique ou social, apparait alors un argument d’ordre moral : les biotechnologies menaceraient la dignité humaine, ce qui fonde l’homme par essence, la compréhension qu’il a de lui-même.

- L’humain menacé dans son essence même

- La dignité humaine mise en jeu : instrumentalisation de l’homme

- La réalisation du mythe d’immortalité et l’homme comme nouveau principe créateur

Henri Atlan défend l’idée que, si les dangers sociaux disparaissaient, le clonage reproductif constituerait un élément de libération de l’humanité, une nouvelle modification de la nature humaine, faisant suite à l’agriculture ou au passage à la monogamie :

« Si l’on associe ces manipulations de la procréation avec la fin du travail pénible, c’est la fin de la malédiction biblique à laquelle nous assistons : travailler à la sueur de son front, enfanter dans la douleur, terminé ! ».

Cependant on peut s’interroger sur la réalité de cette libération. Les biotechnologies, terrain de jeux de savants « apprentis sorciers », suscitent la crainte d’une perte de contrôle de l’humanité sur sa propre identité. L’humanisme cartésien fondé sur la vision d’un homme raisonnable « maître et possesseur » de la nature est mis en doute par le caractère extrême, ultime des biotechnologies. L’homme de maitre et possesseur a désormais la possibilité de se faire Créateur, immortel et tout puissant.

Autrefois illustrée par les mythes fondateurs de la cuisse de Jupiter ou de la côte d’Adam, la possibilité de créer des hommes par clonage est aujourd’hui une hypothèse réalisable l’homme se prend pour Dieu suscitant à la fois angoisse et fascination. La possibilité future de pouvoir cloner un enfant décédé, de se cloner soi-même ou de concevoir des enfants-médicaments font apparaître une vision mythique de la génétique ; on attribue alors au génome les attributs de l’âme dans les anciennes traditions. L’idée d’immortalité de l’âme liée à celle de réincarnation, se trouve désormais incarnée dans la permanence de la structure moléculaire des gènes. Ainsi, les biotechnologies, si elles font peur à l’échelle collective, font aussi souvent « rêver » au niveau individuel : selon un sondage réalisé par CNN et Time, 7% des Américains aimeraient bien se faire cloner.

La perspective d’un homme devenu principe créateur aurait pour corollaire la perte de sens d’un humanisme fondé sur l’idée de dignité et d’intégrité de la personne humaine.

En agissant et en modelant non seulement son environnement mais également sa nature propre, l’homme entérine l’idée de son auto-instrumentalisation.

- De l’impératif catégorique à l’argument de la pente glissante

Il semble alors que le trouble suscité par la question du clonage trouve son origine, pour une large part, dans notre conception occidentale du sujet.

La perspective du clonage

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