Philosophie, le tyran
Par Ninoka • 19 Avril 2018 • 3 339 Mots (14 Pages) • 524 Vues
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Seulement la fin de cette danse du globe se finit par l’éclatement de l’objet du plaisir, et une autre face du tyran apparaît immédiatement : colère et disparition du plaisir d’avoir l’impression de diriger le monde entier. La limite au bonheur du tyran apparaît ici clairement.
Transition : Il a donc ici tous les signes extérieurs du bonheur, comme état de bien être et de plaisir. Mais on peut penser que le fait que l’on aille de plaisir en plaisir, sans s’imposer de limite, nous indique que la fin n’est pas encore atteinte. Or ce à quoi aspire tout homme, la fin des fins, c’est le bonheur. Donc cela nous invite à distinguer plaisir et bonheur. Le bonheur serait donc un état durable de pleine et intense satisfaction, un état de plénitude où on ne désire plus rien, car tous nos désirs sont comblés. Mais si le tyran était heureux, pourquoi tyrannise-t-il encore et toujours plus ? Ces excès ne trahissent-ils pas un bonheur incomplet, donc un état qui n’est pas le bonheur?
- Mais le tyran est soumis à des contraintes qui nuisent à son bonheur : il ne parvient pas a atteindre le bonheur. L’absence de limites dans la tyrannie trahit l’insatisfaction du tyran ; insatisfaction qu’on peut expliquer de différentes manières : la différence entre plaisirs et bonheur.
Platon : la cité est tyrannique si elle est tyrannisée : gouvernée par un homme qui n’a aucune idée du bien de la cité et ne cherche que son propre gain. Mais il n’est pas naturel de penser le tyran comme un homme qui serait lui même tyrannisé. Il apparaît généralement que le tyran est celui qui réussi, qui arrive a ses fins, la fin ultime qui consiste à régner sur les autres hommes et sur les cités. Platon souligne l’idée que le tyran reproduit de lui-même le trait le plus important de la société tyrannisée : son âme entière est gouvernée par une partie qui n’a aucune idée de son bien propre. Cette partie : l’Eros. Platon dit du tyran qu'il est celui qui pique la cité de son " aiguillon du désir insatisfait " (République ; 537a.) : le tyran a cédé son âme à Eros, qui vit en lui selon le plus grand désordre et le plus grand dérèglement, l'obligeant par suite à le satisfaire, lui et la cohue des désirs qui l'entourent. Ce qui ressort ici c’est idée qu’on n’a jamais assez de pouvoir, qu’on en souhaite toujours plus, ce qui mène nécessairement à une insatisfaction.
L’âme est dominée par d’autres parties que la raison, et qui préoccupent l’âme toute entière.
Platon fait valoir l’idée que l’âme du tyran doit être dominée par un genre de motivation qui non seulement n’a aucune idée du bien du tout mais non plus du bien de la personne dans son ensemble. Si Platon choisit l’Eros c’est parce que ce dernier est l’archétype d’une motivation entièrement obsédée par l’idée d’obtenir son objet, et en elle même l’indifférence à la présence d’autres facteurs dans l’âme, ainsi qu’à la dépendance mutuelle de leurs satisfactions. En effet, le fait que l’âme soit régie par l’Eros produit un paradoxe dont Platon tire parti : alors qu’il semble que la personne obtienne ce qu’elle veut, c’est en réalité le contraire qu’il se produit. La fixation aveugle sur un objet particulier, à laquelle est assujetti l’individus, est si forte que ses autres désirs en sont perturbés au point que sa personnalité est en réalité détruite/ altérée ; l’idée même qu’il puisse obtenir ce qu’il veut s’effondre. L’idéal, pour l’ensemble de la vie d’un homme, serait qu’elle soit structurée conformément à un modèle rationnel, qui détermine quels désirs particuliers doivent être satisfaits. Mais ici la satisfaction d’un désir particulier s’empare de l’âme toute entière de sorte que tout schéma d’ensemble est détruit. Platon décrit en détail la nature obsessionnelle et frustrée d’une vie dominée par une telle motivation, et incite à conclure que nous détesterions une telle vie. Mais un tel portrait du tyran n’est pas tout à fait convainquant : un tel tyran ne tiendrait pas une semaine et découvrirait que la réalité et la fiction fusionnent jusqu'à la folie. L’idée qu’un tyran est toujours une personnalité psychopathique en pleine dissolution manque son objet.
Le tableau tracé ici n’a rien a voir avec le fait d’avoir du pouvoir sur les autres, chose qui importe le plus dans l’existence d’un tyran. La plupart des tyrans étaient en réalité (Staline, Lénine) des bureaucrates infatigables, dont les opinions étaient conventionnelles, et la vie privée sans imagination. La réalité tyrannique se rapproche alors plus de la vérité en dépeignant le tyran comme un homme appauvri par son obsession du pouvoir et amoindri par son rejet des autres exigences de son âme.
Le tyran est alors une sorte de fou, qui ne connaît que le principe de plaisir et ignore le principe de réalité
Cependant il est tout a fait possible d’imaginer un tyran capable de hiérarchiser ses désirs et de répondre, au même niveau qu’un autre homme, aux exigences de son âme, tout en continuant d’exercer un pouvoir tyrannique. Il reviendrait alors au statut de simple individu, et son bonheur ne serait plus problématique. Cependant le propre du tyran est d’exercer un pouvoir oppressif, et ce faisant il est injuste. Et ce sont justement ces deux aspects de son rôle qui font non seulement de lui un homme malheureux, mais surtout le plus malheureux des hommes.
- Il est même possible que le tyran soit l’homme le moins enclin à atteindre le bonheur.
Le tyran agit pour son propre bien, est régi par des appétits insatiables, est menacé de tous les côtés et à chaque instant par la trahison et l’assassinat. Ainsi, son pouvoir est en réalité une forme extrême d’esclavage. Le tyran est le paradigme du désordre et de l’injustice.
Il est dans la peur permanente de se voir renversé car son pouvoir tient par la force qui n’est que relativement absolu ; le tyran n’est pas Dieu, lui en déplaise. Bien que ses désirs soient satisfaits, son âme est troublée et soucieuse, et le bonheur est sans doute l’absence de troubles dans l’âme et le corps. C’est donc parce qu’il ne parvient pas au bonheur qu’il se complait dans le malheur des autres, comme effet de sa puissance ou plutôt de son impuissance à se maîtriser et à être pleinement satisfait de soi-même.
Il ressort alors une idée qui contredit le bon-sens.
En
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