Essai d’une philosophie en Afrique: penser librement

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Penser librement c’est se mettre au même pied d’égalité pour avancer. Le même pied d’égalité est la condition historique existentielle, la seule réalité qui rend unanime toute les nations malgré leurs diverses expressions: la pauvreté, la richesse, la puissance économique, morale, spirituelle, militaire… Le pied d’égalité demande de se libérer de ses paradigmes qui nous enferment, et nous font toujours voir l’existence selon nos schèmes. Nous sommes pauvres par ce que les autres ; et pourquoi pas à cause de nous-mêmes ? Se mettre au même pied d’égalité demande à ne pas se regarder par rapport aux autres, mais à se regarder dans les autres. Ce qu’ils sont, exprime aussi ce que nous pouvons être, et vice versa ; et dès qu’on part sur cette base, on peut faire de sa faiblesse une force pour grandir. L’autre est une possibilité pour moi, une expression possible de mon être ; partir sur cette base libèrera l’africain de ses paradigmes et l’aidera à accepter sa propre réalité existentielle. Dès qu’elle est acceptée, on peut s’investir pour pouvoir être ce qu’est l’autre. Cette base nous fait aborder la seconde thématique de notre maître Towa. Pour lui il faut aller regarder en Europe et prendre ce qui est bon pour l’intégrer dans nos cultures et nous développer.

Nous sommes d’accord avec lui, mais nous pensons que cette vision est une certaine aliénation. L’occident n’est pas le seul modèle d’existence, toute existence porte en elle des germes d’accomplissement ; c’est cela même le pied d’égalité dont nous avons parlé plus haut. Les faibles et les forts globalisent le modèle existentiel, il n’est pas accroché à une accidentalité culturelle comme la puissance économique. Le modèle existentiel est présent dans toute culture humaine qui, par sa particularité est une réponse à des questions présentes dans d’autres cultures ; ou une question dont d’autres cultures portent la réponse. À cet effet, penser librement demande l’ouverture à toute culture existentielle. Au lieu de regarder l’Europe, il faut affronter toute la réalité existentielle de l’Homme, toute culture et prendre en chacune ce qui se présente comme réponse à notre culture ou qui interroge notre culture et l’invite à redoubler son expression, son affirmation. Penser librement demande d’épurer nos paradigmes existentiels, nous libérer des catégories dont nous soumettons les autres à travers des expressions comme la puissance économique, militaire et autres. Ce sont des réalités existentielles qui ne doivent pas apporter des admirations mais qui interrogent chaque réalité particulière dans son expression. Ces interrogations venant des autres réalités, nous ramènent en nous-mêmes et renouvellent notre vison de la réalité.

Penser librement ne veut pas dire que la réalité s’impose à nous ; et que, ce nous sommes nous mérite. Mais plutôt que nous devons assumer ce que nous sommes pour mieux soumettre l’existence à notre vouloir. On peut s’engager sans une identité ; l’identité n’est pas seulement enfermée dans la culture traditionnelle, mais dans les accidentalités existentielles : l’histoire, la pauvreté, les guerres, les manipulations…C’est cela notre Afrique, nous devons l’accepter pour mieux nous engager. En l’acceptant, on n’impose pas un réel issu de nos catégories rationnelles, mais on accepte le réel tel qu’il se présente ; et ainsi on peut mieux se le soumettre, en fonction de ce que nous sommes, de ce que notre identité exige de nous comme engagement ou réponse. On ne peut conquérir ce qu’on ne connaît pas. Il serait important pour l’africain de se poser les questions suivantes : comment faire pour conquérir la pauvreté qui a englouti mes frères renfermés dans les périphéries existentielles, comment faire pour conquérir la guerre qui ne cesse diviser mes frères, conquérir l’histoire qui a gardé ses plus mauvaises expressions de son passé afin qu’elle devienne une force, un instrument pour avancer ?

Voilà d’une manière très brève notre approche de la philosophie à partir de l’Afrique et non africaine. Elle est une vision panoramique d’un chef d’œuvre que nous entendons réaliser dans l’avenir. Nous vous avons offert ici, un résumé, une vision globale ; puisse le bon Dieu, l’ancêtre de nos ancêtres africains nous guider dans cette entreprise.