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Responsabilité civile.

Par   •  5 Mars 2018  •  13 373 Mots (54 Pages)  •  507 Vues

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remède.

Dans cette affaire, Monsieur Blieck, handicapé mental, placé sous curatelle, est placé par son entourage familiale dans un centre éducatif spécialisé, où il séjourne en internat (Centre d’aide par le travail). A l’occasion d’une de ses sorties, profitant de sa totale liberté de circulation, il est allé dans la forêt voisine, à laquelle il a mis le feu. Les propriétaires de celle-ci ont demandé à l’association gérant le centre éducatif en question et à son assureur réparation du préjudice. La Cour d’appel accorde cette indemnisation. L’association est condamnée en application de l’article 1384 al. 1er  du Code civil.

Le pourvoi formé contre l’arrêt de la Cour est très clair, puisqu’il soutient qu’il ne peut y avoir de responsabilité de fait d’autrui que dans les cas prévu par la loi, qu’aucun alinéa de l’article 1384 ne prévoit l’hypothèse correspondant au cas particulier de l’espèce et qu’ainsi aucune condamnation ne peut être prononcée. Le Premier Président de la cour de cassation, Pierre Drai, décide de réunir l’assemblée plénière en raison du caractère nouveau et de principe de la question soulevée par le cas.

Les juges estiment que « l’association avait acceptée la charge d’organiser et de contrôler, à titre permanent, le mode de vie de cet handicapé », c’est pourquoi l’arrêt estime que les juges du fond ont décidé « à bon droit » que l’association « devait répondre de celui-ci au sens de l’article 1384 al 1 du Code civil.

 

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Cet arrêt est formellement construit comme un arrêt d’espèce mais formule un principe : désormais, comme le fit l’arrêt Jand’heur pour le fait des choses, c’est d’une façon générale que l’on est responsable du fait des personnes dont on a la charge. Les différents alinéas de l’article 1384 ne sont donc plus que des exemples ou des régimes spéciaux de l’alinéa premier de cet article devenu majeur.

De la même façon que l’arrêt Jand’heur répondit aux phénomènes économiques et techniques du machinisme, l’arrêt Blieck répond au phénomène démographique et sociale de la multiplication des « personnes dont on a la charge », non seulement parce qu’elles se multiplient (enfants prématurés) personnes du quatrième âge, et parce que la famille déporte cette charge sur des institutions, qu’elle rémunère pour qu’elles s’assurent et répondent financièrement des dommages causés par ces nombreuses personnes affaiblies par l’âge et les handicaps

37. Alors que la cause semblait entendue, l’assemblée plénière de la Cour de cassation rendit, le 29 mars 1991, une décision qui devait marquer l’avènement d’un principe général de responsabilité civile du fait d’autrui. Une fois la porte entrouverte (VINEY, Vers un élargissement de la catégorie des « personnes dont on doit répondre » : la porte entrouverte sur une nouvelle interprétation de l’article 1384, alinéa 1er, du code civil, D. 1991. Chron. 157  ), la jurisprudence devait s’y engouffrer, non sans laisser certaines questions essentielles sans réponse.

§ 1 - Arrêt Blieck

38. Un jeune handicapé mental, placé dans un centre d’aide par le travail géré par une association, disposait d’une certaine liberté de circulation durant la journée. À cette occasion, il mit le feu à une forêt voisine, appartenant aux consorts Blieck. En première instance, le centre fut condamné sur le fondement - classique au demeurant - d’une faute de surveillance, motif inopportun au regard des méthodes utilisées. La cour d’appel saisie, prenant en compte cet élément, n’en confirma cependant pas moins la solution en précisant que la méthode libérale de traitement utilisée était « génératrice d’un risque tant pour les biens que pour les personnes » et « ne saurait avoir pour conséquence des dommages non réparables alors que le principe de l’indemnisation des victimes s’inscrit désormais dans l’éthique politique et sociale » (Limoges, 23 mars 1989, RCA 1989, no 361). La cour d’appel se plaçait ainsi d’une manière très claire dans la lignée de la jurisprudence administrative. D’une manière assez attendue, un pourvoi en cassation fut introduit mais, contre toute attente, l’assemblée plénière de la Cour de cassation le rejeta, au motif suivant : « L’association avait accepté la charge d’organiser et de contrôler, à titre permanent, le mode de vie de ce handicapé, la Cour a décidé, à bon droit, qu’elle devait répondre de celui-ci, au sens de l’article 1384, alinéa 1er, du code civil » (Cass., ass. plén., 29 mars 1991,). Faut-il ou ne faut-il pas parler d’un principe général ? Certains auteurs voient plutôt dans cette évolution l’admission de nouveaux cas de responsabilité du fait d’autrui, sans qu’il y ait véritablement de principe général (JOURDAIN, Existe-t-il un principe général de responsabilité du fait d’autrui ?, in La responsabilité du fait d’autrui, RCA 2000. 5 [numéro spécial]). Pour d’autres, au contraire, la Cour de cassation a effectivement, sinon proclamé, du moins affirmé un tel principe . La discussion, ne le cachons pas, est essentiellement académique ; cependant, il ne semble pas que le fait que les hypothèses relevées par les différentes décisions s’articulent autour de deux ou trois hypothèses seulement soit de nature à interdire la reconnaissance d’un principe général. Il est même conforme à la nature des choses que les cas dans lesquels une personne se trouve sous la garde d’autrui soient limités (en ce sens, FLOUR, AUBERT et SAVAUX, op. cit., no 233).

39. Les raisons de ce spectaculaire revirement de jurisprudence sont très certainement liées à l’évolution de la société. Les impérieuses nécessités évoquées par les professeurs MAZEAUD sont désormais apparues et il est légitime que la règle de responsabilité s’y soit adaptée, comme elle l’a toujours fait par le passé. De plus, les situations dans lesquelles une personne se trouve placée sous la garde d’une autre se sont multipliées depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale ; désormais, les victimes de ces personnes ne sont plus rares et il aurait été pour le moins curieux que le droit de la responsabilité, si prolifique d’habitude, fût resté ici silencieux

40. La décision est sans aucun doute fondamentale, non pas tellement par la solution qu’elle pose, mais bien en ce qu’elle émane de la Cour

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