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L'angoisse de l'existence

Par   •  27 Septembre 2017  •  13 990 Mots (56 Pages)  •  692 Vues

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Or l’intelligence, en observant au préalable le monde dans lequel elle évolue, va avoir affaire aux objets inertes, végétaux ou animaux. Ainsi pour elle, la réalité se compose d’être inorganisés car elle va réduire l’être vivant animal ou végétal en être inerte avant de s’en servir pour transformer la nature. Somme toute, en projetant la réalité dans l’espace, l’intelligence oublie tout ce qui est de l’ordre de la vie : comme la vie c’est de la durée et que la durée n’est pas de l’espace, l’intelligence qui spatialise tout se trouve dans une incompréhension de la vie : « l’intelligence est caractérisée par une incompréhension naturelle de la vie. »

Ainsi, l’intelligence est un mode d’action, cependant Bergson affirme paradoxalement qu’elle est la cause de l’inaction de l’homme également.

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L’intelligence deprimante pour l’individu

Comme nous venons de le voir, avant d’agir l’homme a besoin de se projeter : c’est cette projection dans l’espace temps qui va motiver son action.

Or, pour se projeter, l’homme ou plutôt son intelligence qui est sa faculté de se représenter le réel dans l’espace, a besoin de références, références qu’il va trouver dans le présent et le passé. Autrement dit, il reproduit mentalement les schémas que lui a appris l’expérience du réel qu’il a vécu.

Cependant, comme le souligne Paul Ricoeur dans Vivant jusqu’à la mort, l’homme ne peut se projeter que temporairement, car voyant à ses côtés ses semblables naître et mourir sans cesse, il en vient à se représenter sa propre mort par anticipation : « Me voir déjà mort avant que d’être mort c’est m’appliquer à moi même une question de survivant, bref, la hantise du futur antérieur ». Ainsi comment l’homme peut-il faire des projets et être poussé à les mener à bien lorsqu’il peut venir à mourir d’un instant à l’autre ?

De plus, en observant le réel et en analysant l’expérience qu’il en fait, l’homme se rend compte qu’il est entouré d’échecs. Par le simple fait que les hommes soient en conflit entre eux pour les mêmes objectifs, il y aura des gagnants et des perdants, autrement dit des victoires et des échecs. Or cette vision omniprésente du risque d’échec est incorporée dans les représentations du réel que l’homme se fait avant d’agir, ce qui le pousse à faire le contraire : c’est à dire à l’inaction.

Ainsi l’intelligence pré-voit, elle extériorise l’avenir dans lequel elle y incorpore ce qu’il y a dans le passé et le présent par analogie : la mort et l’échec, composantes fortes de l’expérience du réel que fait l’homme, paralysant sont action et le poussent vers une angoisse profonde, un sentiment intimement dérangeant : comme si chaque projet qu’il faisait était voué à périr, et la vie elle même à se terminer avant d’avoir trouver son sens.

In fine, l’intelligence est donc une faculté ambiguë, qui à elle seule est responsable de l’action de l’homme et de son inaction. Mais, en plus de se représenter le réel et donc de découvrir que l’avenir est peuplé d’échecs et de mort, l’intelligence va amener l’homme à douter des fondements-mêmes du présent, autrement dit à douter des valeurs du monde dans lequel il vit pourtant.

C. Le caractère arbitraire des lois et coutumes

En observant les lois et coutumes de la société dans laquelle il vit, l’homme va vite se rendre compte de leur caractère arbitraire. En effet, qu’est ce qui prouve qu’une loi est plus juste qu’une autre sinon le fait qu’elle ait été rédigée officiellement par les hommes eux-mêmes ? D’un continent à l’autre, et même d’un pays à l’autre, les lois changent, les coutumes et usages également. Aussi l’homme se retrouve-t-il perdu quand à la notion de justice.

On constate en effet, comme le souligne Pascal dans les Pensées, que les lois et les coutumes qui caractérisent une société et régissent la vie des individus sont variables dans l’espace mais aussi dans le temps : « On ne voit rien de juste ou d’injuste qui ne change de qualité en changeant de climat. Trois degrés d’élévation du pôle renversent toute la jurisprudence. » Conséquence de cela ? La justice peut apparaître à l’homme comme une simple affaire de convention. Car à supposer que les règles du bien vivre ensemble soient naturelles et donc justes par nature, alors les hommes devraient y obéir instinctivement et ces normes devraient être universelles. Or les hommes n’obéissent pas instinctivement aux lois qui ne sont elles-mêmes pas universelles ni immuables dans le temps : « Plaisante justice qu’une rivière borne (…) la plaisanterie est telle que le caprice des homme s’est si bien diversifié qu’il n’y en a point d’universelles -lois-». Les hommes font en effet des efforts pour les respecter, souvent par peur de la sanction qui découlerait de leur non-obéissance.

Cela revient à dire que l’homme est la mesure de la Justice, et par conséquent de la Vérité. Or si l’homme est la mesure de la Justice et de la Vérité, alors rechercher la Justice et la Vérité est une quête absurde. Cela revient à nier en l’homme son appétit spirituel de Vérité que seule la recherche et la connaissance de la Vérité pourrait satisfaire. Par conséquent, il n’y aurait en l’homme que ce qui se manifeste dans l’expérience, c’est à dire le monde du sensible, les sensations physiques, et il fera de la recherche d’appropriation des biens physiques la condition de son bonheur.

L’homme qui se met à raisonner ainsi se trouve vite pris d’une angoisse forte concernant sa propre existence, en vient à se demander pourquoi il devrait obéir à certaines normes plutôt qu’à d’autres, sachant qu’elles sont dans tous les cas le fruit de l’esprit d’autres hommes et peuvent donc évoluer d’une année à l’autre. Ainsi les fondements de la société sont remis en question, l’homme perd ses repères et s’isole.

Au delà de la Justice remise en cause par l’intelligence observatrice, la relation qui lie l’individu au pouvoir est assez paradoxale. Dans un premier temps tout pouvoir est toujours contesté, il n’est en effet jamais apparu de souverain qui rassemble à l’unanimité les voix de sa population. On remarque que, plus globalement, les populations se plaignent d’être dirigées.

Cependant, le souverain est inconsciemment souhaité par ces mêmes populations car sans lui, la population est livrée à elle

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