Stratégie Apple Music vs Spotify.

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De plus, lorsqu’on sait que le manque à gagner pour les acteurs découle principalement des licences négociées avec les majors, on voit directement l’avantage concurrentiel que possède Apple : capitalisant sur ses partenariats créés pour iTunes, son poids sur le marché lui confère davantage de légitimité dans les négociations concernant les licences. De plus, de nombreux analystes estiment qu’Apple réalise des économies sur ses coûts opérationnels grâce à sa taille.

En plus de ces facteurs clés de succès usuels, Apple a un atout singulier et redoutable : une base de clients potentiels énorme. En 2014, le groupe revendiquait 500 millions d’utilisateurs iTunes et plus de 800 millions de cartes bancaires enregistrées sur l’ensemble des produits Apple. En avril dernier, Apple recensait plus de 1 milliard d’appareils activés. L’application étant préinstallée sur tous ses matériels compatibles, les coordonnées bancaires étant déjà connues pour la plupart, une seconde suffit pour souscrire à l’offre, disposant 3 mois gratuits. Aujourd’hui on compte plus de 9 millions de souscripteurs à l’offre d’essai, qui viendront peut-être gonfler les 17 millions d’abonnés payants déjà existants.

La taille conséquente d’Apple est un vrai avantage concurrentiel en soi. Celle-ci a adopter une stratégie agressive afin d’imposer sa solution et est l’objet de deux enquêtes pour concurrence déloyale mener par la FTC. La première porte sur des pressions supposées d’Apple sur les maisons de disques pour qu’elles ne reconduisent pas certains accords conclus avec Spotify en échange d’une plus grande rémunération. La seconde porte sur la commission de 30% prélevée par l’Apple Store sur les abonnements concurrents. Ainsi, les concurrents dont Spotify se voient avoir le choix de baisser encore plus leurs marges ou d’augmenter leurs prix, perdant en compétitivité. Spotify propose donc son application à 12,99$ par mois sur l’Apple Store alors qu’elle la facture à 9,99$ sur les autres canaux de distributions.

On voit qu’en entrant sur ce marché, l’objectif d’Apple est de rester attractif auprès des consommateurs. En effet, la stratégie de « lock-in » d’Apple, la pousse à retenir davantage ses clients actuels et de convertir toujours plus de personnes à son environnement matériel et logiciel, en proposant les meilleures applications avec les meilleures expériences utilisateurs. La stratégie est de dynamiser son propre écosystème média, afin d’affirmer sa position sur le marché du digital et répondre aux besoins des clients en adaptant des offres aux habitudes d’écoute musicale, mais également de ne pas être considéré comme dépassé.

Apple espère donc attirer les clients vers d’autres offres plus lucratives : stores en ligne, produits mobiles, hardware, etc. En fait, peu importe, que le streaming soit créateur de profit en tant que tel. En se rendant indispensables aux yeux du consommateur, ces entreprises devraient dominer le marché du streaming musical. Dans ce cas, la rentabilité du modèle ne portera pas sur la vente de la musique mais sur le renforcement de l’attractivité de la marque et la promotion des produits à forte marge, comme les iPhone. Cette stratégie devrait être payante sur le long terme.

En prenant en compte le fait qu’Apple a une connaissance historique du marché de la musique, que la rentabilité directe de l’offre de streaming n’est pas sa première motivation et que celle-ci repose sur une montagne de cash (216 milliards de dollars), tandis que Spotify creuse de plus en plus sa perte d’exploitation, on peut se demander si elle pourra continuer sa croissance sans changer de stratégie, que celle ci passe par une introduction en bourse afin d’obtenir des liquidités pour continuer son exploitation ou par le fait de trouver de nouveaux relais de croissance. Effectivement, on pourrait envisager que Spotify, forte de son expérience dans la musique, ouvre son propre label et contourne pour certains artistes, le problème des royalties, vraie épine du secteur.

Spotify a une longueur d’avance, s’étant lancé sur ce marché bien plus tôt et donc bien identifié par les clients de demain. Cependant, l’arrivé d’Apple et d’autres géants du digital viennent perturber l’écosystème et, ainsi, remettent en question le business model définitif. Contrairement au début de la décennie où on pouvait titrer facilement « Spotify VS Deezer », à ce jour, la stabilité concurrentielle du secteur reste donc à atteindre dans un marché jeune, instable où tous les scénarios peuvent être envisagés.