Peut-on considérer qu'il existe un déclin de la loi en France?
Par Ramy • 7 Juillet 2018 • 2 823 Mots (12 Pages) • 665 Vues
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En effet, l’article 34 du texte constitutionnel détermine l’ensemble des champs d’action dans lesquels la loi peut agir soit en fixant les règles dans le détail, soit en déterminant les principes fondamentaux en laissant le détail aux décrets d’applications. De plus, l’article 37 de la constitution vient compléter l’article 34 en définissant le pouvoir réglementaire, ie le pouvoir dont disposent les autorités exécutives pour édicter des règlements, par tout ce qui n’est pas dans le domaine de la loi. Ce pouvoir est principalement détenu par le Premier ministre et par le président de la République. Ainsi, le pouvoir réglementaire relevant de l’exécutif devient de l’ordre du droit commun.
De plus, la constitution de 58 prévoit des extensions du pouvoir réglementaire. En effet, l’article 38 organise la procédure par ordonnance : le gouvernement peut, par délégation du Parlement, agir dans le domaine législatif. Toutefois, les ordonnances prennent une valeur législative seulement une fois qu’elles sont ratifiées par le Parlement dans un délai fixé.
Le gouvernement peut également agir dans la mise en application des lois à travers les décrets d’application, i.e. un décret précisant les modalités d’application d’une loi française. Les décrets sont des décisions prises par le Premier ministre ou le président de la République. Or d’après un article publié le 12 mai 2016 par BFMTV, un tiers des décrets d’application ne seraient pas mis en place. De plus, toujours d’après l’article, le Sénat, dans un rapport, publie qu’il regrette le fait que certains décrets d’applications modifient les mesures législatives votées par le Parlement, d’autant plus que le taux d’application des propositions de loi, portées par le Parlement serait plus faible que celui des projets de loi, soutenus par le gouvernement.
Toutefois, l’action du pouvoir réglementaire est limitée par le fait que, par l’article 34, il est difficile de distinguer ce qui relève du pouvoir législatif du pouvoir réglementaire. De plus, le pouvoir d’action de ce dernier à une importance juridique moindre comme le montre la pyramide théorisée par le théoricien du droit Hans Kelsen.
- La primauté du droit communautaire et du droit internationale
Le droit communautaire, i.e. le droit de l’Union européenne, et le droit international sont supérieurs au droit interne. En effet, l’article 55 de la Constitution détermine que les traités et ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, ce qui signifie une primauté du droit international et du droit communautaire sur le droit interne.
La primauté du droit communautaire a été consacrée par la cour de justice des communautés européennes à travers l’arrêt Costa e/Enel concernant l’Italie du 15 juillet 1964. Cette primauté doit se faire valoir, à l'encontre de toutes les normes nationales et constitutionnelles.
En France, l’article 55 dispose une primauté et une hiérarchie claire concernant le droit internationale : les traités et conventions internationaux sont au-dessus des lois.
Le système international se judiciarise de plus en plus, ce qui démultiplie les risques pour l’Etat d’être amené devant un tribunal international et les risques d’engagement de la responsabilité de l’Etat.
C’est également ce qui fait débat avec le partenariat transatlantique de commerce et d’investissement, également connu sous le nom de traité de libre-échange transatlantique (TAFTA en anglais) aujourd’hui : en effet, ce traité, qui a vocation d’ouvrir le marché notamment en limitant les droits de douane, et de donner plus de pouvoir aux entreprises, et entre autre aux firmes transnationales, fait polémique dans la mesure où il pourrait conférer beaucoup de droits aux entreprises, qui leur permettrait par ailleurs d’exercer une forte pression sur le gouvernement, ce qui n’est pas possible par le seul droit interne.
La Constitution de 1958 soumet donc le pouvoir législatif au pouvoir executif et aux organisations supranationales. Nous pouvons donc parler de déclin dans la mesure où la loi perd de son influence. De plus, la loi perd de sa valeur, notamment à cause de l’inflation législative.
- L’inflation législative : vers une désacralisation de la loi
« Mais arrêtez donc d'emmerder les Français ! Il y a trop de lois, trop de textes, trop de règlements dans ce pays ! On en crève ! Laissez-les vivre un peu et vous verrez que tout ira mieux ! Foutez-leur la paix ! Il faut libérer ce pays ! » S’exclamait Georges Pompidou face à Jacques Chirac en 1966. A travers ces phrases, l’ancien président français dénonce une inflation législative qui gèle la société française, ce qui induirait la nécessité de « libérer ce pays » en libérant le système.
- L’ampleur du phénomène de l’inflation législative
Depuis ces dernières décennies, on observe en France une augmentation du nombre de lois et de la longueur des textes législatifs, ce qui désacralise la valeur juridique de la loi. On parle d’ « inflation législative ».
Tout d’abord prenons les chiffres : la longueur du Journal Officiel, quotidien officiel de la France dans lequel sont publiés tous les textes législatifs, règlementaires, les publications légales et les déclarations officiels, est passé, d’après le rapport public du conseil d’Etat de 2006 « Jurisprudence et avis de 2005 » de 15 000 pages par an en moyenne dans les années 80 à 23 000 annuels dans les années 2000, tandis que le Recueil des lois de l’Assemblée nationale est passé de 433 pages en 1973 à 3 721 pages en 2004. L’inflation législative est donc strictement incontestable.
Cette inflation ne traduit pas seulement l’augmentation du vote des lois, mais davantage à l’allongement des lois.
En arrivant à l’Elysée, dans son discours du 19 mai 1995 au Parlement, Jacques Chirac résumait la situation : « Trop de lois tuent la loi ». En effet, les lois sont de fait moins accessibles. La célèbre maxime « Nul n’est censé ignorer la loi » , qui est de base une fiction juridique, est davantage irréalisable dans une société où on compte plus de 11 500 lois et 280 000 décrets. De plus, par la longueur des textes de lois, ceux-ci sont moins intelligibles. La décision n°99-421 DC du Conseil Constitutionnel du 16 décembre 1999 marque un « objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité
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