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Courants culturels européens

Par   •  8 Novembre 2017  •  17 212 Mots (69 Pages)  •  613 Vues

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Chabot dit qu’une fois ce moment passé, l’historien doit rejeter toute préoccupation, motivation qui ne ressortisse pas à la seule recherche de la vérité. C’est ce qu’il appelle le moment philologique de la recherche, l’abandon de ce que l’on croit connaître, et surtout d‘éviter, dans la reconstitution de l’hier, de prêter à des générations lointaines nos propres idées et points de vue (meilleure façon de se tromper), même si le moment subjectif est inspiré du présent de l’historien (ex : corruption actuelle…).

Il faut essayer de recréer les manières de penser, d’agir, à la suite de ces 2 étapes. Le moment philologique est en réalité objectif, à la différence du moment subjectif.

Culture européenne envisagée selon les experts : la plupart avancent un mythe, forgé par les européens eux-mêmes, qui comporte une part de réalité, mais qui contribue encore à fausser la vérité historique, et à simplifier la complexité du réel. Cette belle histoire est facile à raconter…

Ce mythe est celui d’une Europe foyer d’une civilisation exceptionnelle :

- Elle est la mère de la démocratie, à travers la Grèce Antique (mais aujourd’hui, peut-on faire l’Europe sans la Grèce ? Culturellement on peut dire que non, car l’Europe est née symboliquement en Grèce, mais économiquement, on sait ce que la Grèce fait endurer à l’Europe..). Aujourd’hui, la démocratie est pour nous l’égal entre les citoyens, mais l’Europe antique a été pendant très longtemps une esclavagiste..

- L’Europe est aussi mère de la science moderne avec le rationalisme, la raison, comporte une pléiade d’artistes et d’auteurs : Mozart, Descartes, Spinoza, Shakespeare, Chopin, Liszt, Van Gogh, Voltaire…Cela doit servir d’exemple à l’Humanité entière. Cela est quelque peu caricatural, mais témoigne d’un prêt à penser savamment entretenu.

Jean-Baptiste Duroselle, historien de l’Europe, ou le philosophe Georges Steiner sont là pour nous rappeler que l’Europe est tout cela : le romantisme, le rationalisme, les Lumières…, mais aussi l’arbitraire, l’esclavage, le racisme, le mépris de l’autre, et, pour finir, les totalitarismes, avec le nazisme…

Steiner rappelle que nous n’avons pas encore entrebâillé toutes les portes du « château de barbe Bleue » (livre de Georges Steiner sur les rapports culture/barbarie). Steiner montre en fait que l’All de la République de Weimar est à l’époque la contrée la + cultivée du continent européen : pays de Goethe, de Kant, de Wagner.., mais va être aussi celui de la Shoah, de l’extermination scientifique programmée de tout un peuple, de l’eugénisme, ce qui n’empêche nullement que certains officiers nazis soient des gens très cultivés paradoxalement. De plus, certains intellectuels éminents sont très proches des régimes totalitaires nazi ou fasciste.

L’histoire entière de l’Europe, notamment l’histoire récente du XXème siècle est là pour nous apprendre que la satisfaction de soi, l’autocélébration lyrique n’ont jamais rien produit de grand ni de bien, et qu’il est temps, sans doute, au moment où la construction européenne économique est mise à mal, de, pour reprendre une expression de Nietzche, de la « nécessité de reviriliser l’Europe ». Il a pu, d’une certaine manière, pu inspirer certains idéologues nazis.

Reviriliser l’Europe, pour Nietzche, c’est en fait retrouver pour l’Europe, l’esprit de la Renaissance, pour qu’en quelque sorte, le vocable européen ne devienne pas synonyme de celui qui a la nostalgie de l’Europe, pour que l’Homme en Europe (le « vir virtutis » homme vertueux), redevienne vertueux, et retrouve le philistin et le commerçant, avec le risque que l’Europe ne soit que l’Europe du marché, du commerce.

Toute une réflexion part donc de la Renaissance jusqu’à nos jours.

Aujourd’hui, la culture, et ses dérivés, fait l’objet en Occident d’une véritable boulimie sémantique : tout est culturel (même les biens).

Le culturel a pris le pas sur la culture, et sur le cultivé. La culture n’est pas un simple acquis, et demande un travail à l’image d’un champ que l’on cultive (Candide : cultiver notre jardin).

On ne peut s’empêcher de se demander, avec le philosophe Jacques Derrida, si la construction d’une culture européenne n’a pas beaucoup à redouter de ceux-là même qui se sont autoproclamés ses « défenseurs » ?

Ce philosophe de la déconstruction s’interroge, dès le lendemain de la chute du mur de Berlin en 1989, sur la possibilité de faire correspondre à ce vieux nom d’Europe une identité culturelle.

A l’heure où l’Europe est violemment secouée à l’est par la Perestroïka, la réunification allemande, par le libéralisme et par l’entrée de l’est de l’Europe dans l’éco de marché, Derrida nous mettait en garde de manière prophétique :

« L’identité culturelle européenne ne peut se disperser en une multitude d’idiomes et de petits nationalismes jaloux et intraduisibles. Elle ne doit pas renoncer à de grandes avenues de tradition et de communication, donc de médiatisation. Mais cette identité culturelle ne doit pas d’avantage accepter l’hégémonie d’une capitale qui, à travers des appareils culturels transeuropéens, étatiques ou non, contrôle, uniformise, normalise, soumettant les discours et les pratiques artistiques à des normes philo, esthétiques, à des canaux de communication immédiats, à des recherches de taux d’audience ou de rentabilité commerciale qui, en reconstituant les lieux de consensus faciles, démagogiques et vendables, à travers des réseaux médiatiques mobiles, extrêmement présents et vendables, passent immédiatement toutes les frontières, et installent la centrale médiatique d’un nouvel imperium, n’importe où, et à tout moment ».

A l’heure d’Internet, véritable onde de choc, l’acuité des paroles de Derrida n’est que + grande, car elle met en avant ce qui menace le + la culture européenne, et qui vient du discours produit sur l’identité culturelle, et sur la volonté de fabriquer du consensus autour. Comme le disait Derrida, « le propre d’une culture est de ne pas être identique à elle-même. »

On va essayer de montrer ici que ce qui définit le mieux l’Europe et sans doute la volonté de se penser par ceux qui la précèdent, de se poser en héritière plutôt qu’en modèle de civilisation.

Pour se réapproprier cette culture européenne

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