CE sect., 28 juin 1963, Narcy
Par Junecooper • 7 Novembre 2018 • 1 845 Mots (8 Pages) • 1 297 Vues
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- L’élaboration tripartite des critères d’identification du service public
C’est dans cet arrêt Narcy que le juge ajoute des critères à celui unique et flou d’intérêt général pour déterminer les services publics sous gestion privée. Pour identifier l’activité de service public, le juge va donc utiliser un faisceau d’indices. Dès lors, selon la jurisprudence Narcy, un organisme privé exerce une mission de service public si trois critères de reconnaissance sont réunis : la mission poursuivie par la personne moral de droit privée doit l’être dans un but d’intérêt général : « qu’en vue de les mettre à même d’exécuter la mission d’intérêt général », un contrôle par les pouvoirs publics doit être perceptible sur la création de l’institution, son organisation ou son fonctionnement afin de démontrer que la mission de service public n’est pas abandonnée à l’initiative privée : « les a soumis à divers contrôles de l’autorité de tutelle » et enfin la possibilité d’utiliser des prérogatives de puissance publique qui lui sont confiées par la loi ou l’administration : « le législateur a conféré aux centres techniques industriels certaines prérogatives de puissance publique ». Ainsi à l’intérêt général s’ajoutent un contrôle par une personne publique et la présence des prérogatives de puissance publique. On observe déjà qu'ici la personne publique est présente. Il n’existe pas de lien organique entre le service et la personne publique mais le lien matériel : le contrôle. Les prérogatives de puissance publique constituent ainsi un nouveau critère. La requête de Sieur Narcy est ainsi rejetée par le Conseil d’Etat e ce qu’il considère que son établissement privé remplit les critères d’un établissement privé chargé de la gestion d’un service public.
- La compétence du juge administratif dans l’identification du service public
Il est possible de remarquer le fait que le juge administratif étend sa compétence grâce au contrôle de reconnaissance du service public qu’il exerce (A), compétence qui par la suite lui permettra d’affiner les critères d’identification de ce service (B)
- L’exercice du juge administratif à la reconnaissance de la gestion du service public dans un établissement privé
Dans l’arrêt Narcy, le Conseil d’Etat fait clairement ressortir la compétence du juge administratif dans cette notion de service public. En effet, il met en exergue le fait que ce dernier étende son champ de compétence jusqu’au domaine privé puisque c’est bien lui qui établit ou non si l’établissement privée détient la gestion du service public. Il ressort que cette compétence est effective à travers les trois critères d’identification qu’il a, à l’occasion de cet arrêt, établit et notamment grâce au contrôle qu’il met en place. En effet, c’est bien à partir du contrôle de l’Etat et de la détention de prérogatives de puissance publique que le Conseil d’Etat conclu que ces centres exercent une mission de service public et rejette ainsi la requête de Sieur Narcy. Cette compétence du juge administratif s’inscrit dans la lignée de l’arrêt Magnier rendu par le Conseil d’Etat le 13 janvier 1961. En effet c’est à partir de cet arrêt que l’organisme privé, chargé d’une mission de service public, dispose de pouvoirs exorbitants pour mener à bien sa mission ; une personne morale de droit privé peut, de ce fait, prendre des actes administratifs pour gérer le service public qui lui est confié. Le Conseil d’Etat rend ainsi une jurisprudence constante en réaffirmant ce principe par la mise en place des trois critères d’identification et le renforcement de la compétence du juge administratif par l’exercice du contrôle.
- Une reconnaissance de plus en plus affirmée et affinée
Par sa décision du 28 juin 1963, le Conseil d’Etat établit un principe important car c’est à partir de cette jurisprudence que la reconnaissance des établissements privés exerçant un service public va être précisément établie. En effet, l’arrêt Narcy sert de jurisprudence de base à laquelle le juge administratif va se référer pour constater l’effectivité de cette reconnaissance. Il n’en va pas moins que cet arrêt a également permis à la jurisprudence postérieure de s’enrichir et de se préciser notamment à partir de l’ajout du critère des prérogatives de puissance publique fera vite l’objet d’une remise en cause. En effet, dans une décision « Ville de Melun » du Conseil d’Etat rendue le 20 juillet 1990, le critère des prérogatives de puissance publique apparaît surabondant. L’intérêt général et le contrôle de l’administration suffisent à caractériser, pour le juge, dans cette espèce, cet organisme de droit privé (une association) comme gérant un service public. Ce n’est finalement qu’en 2007 par un arrêt A.P.R.E.I du 22 février que seront précisément posés les critères d’identification du service public sous gestion privée puisqu’il établit une sorte de méthodologie pour permettre au juge administratif d’identifier un service public
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