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Le luxe et la racaille

Par   •  21 Mai 2018  •  2 383 Mots (10 Pages)  •  489 Vues

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Marc Jacobs a eu des soucis à cause de son manque de street credibility. En 2015 le graffeur Kidult (artiste de rue, c'est un graffeur qui tague les devantures des boutiques de luxe pour faire passer un message souvent à propos de l'hyper-consommation et des sommes en jeu) a taguait la boutique du couturier à New York les lettres ART en géant (pour dénoncer la société de consommation et son utilisation standardisé des graffitis qui se heurte aux codes et principes du street art, selon l'artiste). Marc Jacobs a cependant décidé d'utiliser les codes de la racaille pour lui renvoyer un pic : il a mis en vente un t-shirt avec une photo de la devanture dégradée sur le torse en imitant l'esprit du graffiti.

III) La rue et le luxe

Dans les années1950, l'arrivée du blue jean a amorcé les début d'une révolution. La toile denim fut d'abord un symbole ouvrier que se sont ensuite approprié les mauvais garçons de l'époque comme James Dean ou Marlon Brando qui embourgeoisaient le jean en même temps qu'ils s'embourgeoisaient. Le jean finira sur les podiums.

De cette relation symbiotique entre la sous culture et l’élitisme du luxe était né un nouveau moyen pour la racaille et ses codes de devenir luxueux.

Aujourd'hui on peut largement voir les kaïras se servir des codes du luxe pour passer à un autre niveau. Souvent sous prétexte de démarche artistique on voit nombre de ces marginaux révolutionner leur industrie ou la contourner en s'inspirant du luxe.

En effet les rappeurs par exemple touche bien moins qu'ils ne le laissent entendre avec la musique, ils doivent donc trouver le moyen de surmonter le problème des ventes de disques et des sites de streaming (Deezer, Spotify par exemple) qui sont encore moins intéressants que les maisons de disques financièrement parlant.

Le Wutang clan, groupe de rap old school a sorti un projet très intéressant pour illustrer cela en 2015. Ils ont mis en vente un album sur lequel le groupe a travaillait pendant six ans « Once upon a time in shaolin » de manière très spéciale : Premièrement le dit album est vendu en un seul exemplaire unique contenant 31 titres (dont l'acheteur ne pourra pas faire d'usage commercial avant 88 ans) et il est vendu dans un coffret en argent réalisé par l'artiste joaillier Amri Yahya.

Les chiffres de ventes officiels ne sont pas disponibles mais les enchères ont commencées à 2 millions de dollars et des offres ont étés enregistrées à plus de 5 millions de dollars.

Officiellement cette démarche est artistique, le groupe veut élevé cette album aux rang des beaux-art « Détenir cet album c'est comme détenir un sceptre égyptien » a déclaré l'un des membres. Mais au niveau marketing ils ont détourné le duo « hyper-production/hyper-consommation musicale », ajouté un savoir faire (aussi bien le leur, reconnu depuis plus de 20 ans que celui du joaillier) ainsi que le rêve et l'histoire autour de cette album on peut dire qu'il se servent clairement des codes du luxe.

Certains redéfinissent clairement les codes de la racaille et du luxe pour créer un genre de nouveau style de luxe. Prenons l'exemple de Kanye West Fort de ces collaborations précédemment citées, sa carrière prend un tournant lorsqu'il s'associe à la marque Adidas en 2014,pour créer une ligne couture : Yeezy Season. Beaucoup de teaser à ce sujet, un lourd déploiement marketing, mais surtout une manière bien particulière de vendre le défiler.

Le rappeur n'a annoncé la date que quelques jours avant pour le fameux défilé au Madison Square Guarden, diffusé en direct dans une centaine de cinéma dans les plus grandes capitales du monde (environ 80€ le ticket à Paris). Les mannequins des plus atypiques (Amina Blue, mannequin métisse tatouée, apparue dans beaucoup de clip de rap ou Ian Connor, jeune mannequin afro-americain issu des quartiers pauvres qui fréquente lui aussi les rappeurs et leurs clips) portées la ligne de mi-couture mi-sportwear de Kanye. En même temps que ce défilé Kanye West diffusait des morceaux de son précédent album.

Fort de cette expérience il créa le Yeezy Season 2 plus ou moins sur le même concept. Et en 2016 le Yeezy Season 3 un peu plus différent des autres. L'artiste toujours au Madison Square Guarden et rediffusé dans les plus grands cinémas du monde (cette fois ci il était aussi possible de le voir en direct sur le site TIDAL moyennent une centaine d'€ en fonction des pays) a proposé sa nouvelle collection couture en collaboration avec Adidas mais a également diffusé en direct tout nouvel album qui ne sortira que 2 jours plus tard.

Le but de ce processus est de créer plus qu'un life style mais une œuvre complète. L'artiste/la kaïra devient lui même ce produit de luxe rare, cher, avec son histoire et sa part de reve. Son album, comme les pièces de sa collection réunissent toutes les caractéristiques du luxe en y ajoutant celle de la racaille, de part sa musique, ses représentations ethniques et marginales (les mannequins allant de la peau la plus pâle à la plus foncée en passant par l'albinos), cette ambiance sombre et violente.

Kanye West a créé ici un genre de néo-luxe, indissociable de la racaille en associant un marketing Hip-hop et Luxe.

Pour le moment les problèmes d'argent de l'artiste ne montre pas encore que ce système soit réellement rentable mais il n'en est qu'à ses débuts. On peut imaginé que ce système évolue vers plus d'unicité et se rapproche du modèle de l'album du wutang.

On peut aussi parler de Shayne Olivier, créateur de la marque Hood By Air, qui a remportée l'année dernière le prix LVMH. Il est un marginal lui aussi venant d'une classe inférieur à celle du luxe.

Pourtant sa marque et son style repose justement sur le fait d'adapter les codes de la racaille au monde du luxe. Il travail sur des sweats à capuches très hip-hop y intègre du style gothique ou présente des pièces pointues avec une paire de Nike.

Il représente sa marque et en fait partie intégrante. Il la fait vivre à travers les réseaux sociaux ou à travers ses apparitions aux côtés de figures du hip-hop ou de cette génération kaïra (comme le mannequin Ian Connor). Il mélange à la fois le marketing du luxe et de la rue pour lui aussi devenir une entité indissociable de sa marque et de son œuvre.

Le couturier Sebastien Ashpool, lauréat du prix de l'ANDAM

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