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Le Conseil Constitutionnel : un gouvernement des juges ?

Par   •  15 Janvier 2018  •  1 795 Mots (8 Pages)  •  1 010 Vues

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De même, la révision constitutionnelle de 1974 va permettre un meilleur équilibre des forces au sein du Parlement. Jusqu'à cette date, la saisie du Conseil Constitutionnel était l'apanage du président de la République, du Premier ministre et des deux présidents des assemblées parlementaires. À compter du 29 octobre 1974, la saisine est étendue à soixante députés ou soixante sénateurs. Il s'agit par là de permettre à la minorité de s'exprimer et de faire contrepoids à la majorité parlementaire.

Le constituant de 1958 ne cite pas expressément de pouvoir judiciaire mais une « autorité judiciaire » (Article 64). Au vu du rôle que prend le Conseil Constitutionnel, on peut se demander s'il n'y a pas là un processus mettant en place un réel pouvoir judiciaire.

- Vers une indépendance du Conseil Constitutionnel ?

- L'élaboration d'une jurisprudence constitutionnelle

Nous remarquons, en relisant la Constitution de 1958, que le Conseil Constitutionnel s'écarte considérablement de son rôle initial de juge pour empiéter dans le domaine du législatif : il peut se permettre de réécrire la loi et substituer ses propres dispositions à celles du législateur. L'absence de dispositions législatives sur des notions telles que la dignité humaine ou la sauvegarde de l'ordre public a amené le Conseil constitutionnel à les consacrer. C'est ainsi que des « principes à valeur constitutionnelle » comme la continuité du service public et que « des objectifs à valeur constitutionnelle » tels que la possibilité pour chaque personne de disposer d'un logement décent se sont vus reconnaître une valeur constitutionnelle. Cela est conséquent à l’extension du bloc de constitutionnalité.

Néanmoins, une question est soulevée quant à la conciliation de normes de référence d’inspiration différente qui peuvent apporter des limites à d’autres libertés : par exemple, la liberté individuelle et celle d’aller et venir doivent être conciliées avec "ce qui est nécessaire pour la sauvegarde des fins d’intérêt général ayant valeur constitutionnelle" comme le maintien de l’ordre public (décision des 19 et 20 janvier 1981 sur la loi sécurité et liberté). Comment concilier liberté et sécurité? Le Conseil n’a jamais reconnu de hiérarchie formelle entre les différentes normes composant le bloc de constitutionnalité : les dispositions du corps même de la constitution ne sont pas supérieures à celles du préambule de la constitution de 1946 ou à celles de la Déclaration de 1789. Il n’existe donc pas de hiérarchie entre les droits et libertés des citoyens. Le Conseil constitutionnel dispose, par conséquent, d’une marge d’appréciation très importante pour concilier les droits et libertés dont il entend garantir le respect.

- La révolution introduite par la QPC de 2008/2009

Si l'on prend la définition de Georges Vedel de ce qu'est la Constitution, à savoir « un système de valeurs définitif auquel il n'est plus possible de toucher », on ne prend pas en compte les évolutions de la société et le changement des mentalités, ce qui signifierait mettre de côté les nouvelles questions juridiques qui se posent du fait de ces transformations. En 2008, une révision constitutionnelle marque un tournant dans la juridiction française : il s'agit de la Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC). Avec cette modification du contrôle de constitutionnalité, le principe de ce que l'on appelait la « loi écran » disparaît. Auparavant, lorsqu'un justiciable se présentait pour contester un acte, le juge chargé de l'affaire ne faisait que vérifier la conformité de l'acte à la loi dont il découle et se déclarait incompétent pour juger de la constitutionnalité de la loi en question (ce qui est le cas contraire de l'arrêt Marbury aux États-Unis où le juge a été amené à interpréter la loi pour finalement la déclarer contraire à la Constitution). Depuis cette réforme, la saisine est désormais ouverte à tout justiciable, qui peut soulever un problème de constitutionnalité (Article 61-1) et ce à n'importe quel tribunal. Ainsi, on observe que les juges ordinaires sont devenus des leviers de contrôle de la loi et constituent un premier filtrage. Dans le cas où un juge se voit poser la question de constitutionnalité et qu'il ne peut y répondre, il renvoie la question à la juridiction suprême dont il dépend (la Cour de Cassation pour l'ordre juridictionnel judiciaire et le Conseil d’État pour l'ordre juridictionnel administratif). Si après être passée par ce second filtrage, la question subsiste, dans ce cas, elle est renvoyée au Conseil Constitutionnel qui, si elle se révèle être contraire à la Constitution, peut l'abroger, conformément à l'alinéa 2 de l'article 62. En cela , il n'est pas anodin de le rapprocher de la Cour Suprême des États-Unis en qu'il a l'obligation de statuer dès lors que le Conseil d’État ou la Cour de Cassation ont décidé de lui soumettre la question de constitutionnalité après avoir elles-mêmes effectué un pré-contrôle de constitutionnalité.

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