La concurrence fiscale menace-t’elle les modèles sociaux européens ?
Par Andrea • 18 Septembre 2017 • 1 830 Mots (8 Pages) • 769 Vues
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Enfin, certains agents adoptent un comportement de passager clandestin et bénéficient des dépenses publiques élevées d’un pays en acquittant les faibles niveaux d’imposition d’un autre. Un cadre élevé en France (grâce à l’éducation gratuite et aux allocations familiales) peut aller travailler en Grande-Bretagne où il n’aura pas à financer la retraite de ses parents. Une personne riche peut choisir de vivre sa retraite et de mourir dans un pays qui ne taxe ni les fortunes, ni les successions en quittant le pays où il a bâti sa fortune. Les entreprises peuvent choisir où localiser leurs profits sans modifier effectivement leur lieu d’implantation. Les grandes gagnantes de la mondialisation risquent de refuser de contribuer à l’aide aux couches sociales les plus défavorisées et perdre ainsi l’esprit du système social européen.
Cette concurrence fiscale est donc fortement dommageable pour l’Etat qui a investi à perte.
- La concurrence fiscale, si elle ne présente pas que des inconvénients, doit cependant être régulée.
- La concurrence fiscale peut également avoir des effets positifs.
Tout d’abord elle permet à chaque pays d’exercer sa souveraineté. C’est le principe de subsidiarité selon lequel chaque pays doit conserver la maîtrise de son niveau de dépenses publiques et son degré de redistribution, donc la maîtrise d’une partie importante de ses recettes fiscales. En appliquant ce principe elle joue le jeu de la concurrence qui favorise également la diversité et conduit à une meilleure satisfaction du consommateur.
Ensuite, elle constitue un rempart contre un Etat Léviathan qui effectuerait une ponction trop importante sur le revenu et la richesse créée. La concurrence fiscale impose aux Etats de faire plus attention à leurs dépenses puisqu’ils ne peuvent pas dépasser un plafond (fictif) de prélèvement sous peine de voir leur capital physique et financier migrer vers un pays plus attractif fiscalement : moins de recettes, moins de dépenses.
De plus cette concurrence va permettre à certains pays défavorisés géographiquement ou économiquement de compenser leur handicap par l’attrait de leur fiscalité. C’est le cas de l’Irlande ou de l’Estonie qui ont des impositions très faibles et qui compensent leur isolement ou leur situation économique en retard.
Enfin c’est également un bon moyen pour trouver « la bonne fiscalité ». En effet, les citoyens jugent l’efficacité de leur fiscalité et sont libres d’aller voir ailleurs si le système dans lequel ils évoluent ne leur convient pas. Ils peuvent également estimer qu’une fiscalité plus élevée que celle de leur voisin est juste du fait des avantages sociaux retirés.
- Pour lutter contre les effets dommageables de la concurrence fiscale, l’Europe doit choisir parmi plusieurs stratégies possibles.
Une première stratégie consisterait à se diriger vers l’unification de la fiscalité, d’une part par la création d’impôts européens, d’autre part par l’unification des impôts nationaux, en termes de taux comme d’assiette. Mais chaque pays souhaite rester libre de son niveau de dépenses publiques, donc de ses recettes fiscales, de son degré de redistribution, de l’organisation de sa protection sociale.
Selon la stratégie de la coordination fiscale, le principe de subsidiarité doit continuer à prévaloir. Les fiscalités doivent rester nationales au maximum, mais elles sont unifiées quand nécessaire; la coexistence de fiscalités nationales différentes est organisée par des règles de bonne conduite qui permettent à chaque pays de préserver sa capacité à taxer ses résidents. Elle suppose de délicates négociations internationales.
Une autre serait de laisser jouer librement la concurrence fiscale. Chaque pays resterait totalement maître de ses décisions en matière fiscale. Les citoyens et les entreprises européens pourraient choisir librement le pays où ils s’installent, travaillent, placent leur épargne, investissent. À terme, selon les libéraux, partisans de la concurrence, le meilleur système serait gagnant. Elle obligerait progressivement les sociétés européennes à aller vers le modèle libéral neutre, où chacun ne paie que pour les dépenses publiques qui lui bénéficient directement, donc sans aucune redistribution.
C’est une harmonisation qui ne viendrait pas du sommet mais de la base et correspondrait sans doute davantage au bien-être collectif car fondée sur l’expérience. Elle ne serait pas figée et serait donc plus facilement adaptable aux changements environnementaux.
Malheureusement, il n’existe pas de solutions simples dans le domaine de la concurrence fiscale. L’Europe fiscale devra vivre longtemps dans cette contradiction entre des marchés du capital, du travail et des biens qui ont tendance à s’unifier, et des fiscalités, et plus généralement des structures budgétaires, sociales et politiques, qui restent nationales. Le problème est à la fois institutionnel puisqu’il faut que les instances communautaires et les Etats se préoccupent de maintenir la capacité des pays à taxer leurs résidents, mais aussi politique puisque la coordination fiscale sera facilitée si tous les gouvernements s’accordent pour défendre le modèle social et fiscal européen.
Conclusion
Les modèles sociaux européens sont certes menacés par la mondialisation et la concurrence fiscale qui sévit puisque la mobilité du capital et des produits permet aux entreprises de choisir leur lieu d’activité.
Mais ces modèles restent une référence dans de nombreux pays qui reconnaissent son utilité dans la quête du bien-être de leurs citoyens.
La concurrence fiscale va certes très probablement modifier ses modèles sociaux mais elle permettra également d’atteindre le bon équilibre entre recettes fiscales et dépenses publiques et garantira ainsi la performance économique, le progrès du bien-être et la cohésion sociale.
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