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Faut-il toujours obéir aux lois?

Par   •  24 Juin 2018  •  2 366 Mots (10 Pages)  •  825 Vues

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LE CORYPHÉE. — Ah ! qu’elle est bien sa fille ! la fille intraitable d’un père intraitable. Elle n’a jamais appris à céder aux coups du sort.

CRÉON — Oui, mais sache bien, toi, que ces volontés si dures sont celles justement qui sont aussi le plus vite brisées. Il en est pour elles comme pour le fer, qui, longuement passé au feu, cuit et recuit, se fend et éclate encore plus aisément. Ne voit-on pas un simple bout de frein se rendre maître d’un cheval emporté ? Non, on n’a pas le droit de faire le fier, lorsque l’on est aux mains des autres. Cette fille a déjà montré son insolence en passant outre à des lois établies ; et, le crime une fois commis, c’est une insolence nouvelle que de s’en vanter et de ricaner. […]

ANTIGONE. — Tu me tiens dans tes mains : veux-tu plus que ma mort ?

CRÉON. — Nullement : avec elle, j’ai tout ce que je veux.

ANTIGONE. — Alors pourquoi tarder ? […] Pouvais-je cependant gagner plus noble gloire que celle d’avoir mis mon frère au tombeau ? Et c’est bien ce à quoi tous ceux que tu vois là applaudiraient aussi, si la peur ne devait leur fermer la bouche. Mais c’est — entre beaucoup d’autres —l’avantage de la tyrannie qu’elle a le droit de dire et faire absolument ce qu’elle veut.

Conclu : le cas d’Antigone introduit un soupçon sur la valeur du droit. L’auteur du décret, Créon, est désigné par Antigone comme tyran. La loi n’est-elle jamais autre chose qu’une convention arbitraire ? Le fruit de la force ? Et cela que l’on la trouve juste ou pas ?

La conscience d’Antigone lui interdit d’obéir au décret de Créon. Elle brave l’interdit pour tenter d’ensevelir son frère ; rite funéraire qu’elle considère lui devoir au nom d’un respect et d’une dignité.

On découvre ici la distinction entre légalité et légitimité. La première est la conformité au code écrit, au droit en vigueur, à la loi qui fait force. La seconde se comprend comme accord avec une conception de ce qui est moralement juste. Dénoncer une loi injuste, c’est critiquer la légalité au nom de la légitimité.

Antigone se réfère ainsi à des lois qu’elle sent comme divines, intangibles, et qu’elle oppose aux lois écrites par les hommes.

Ceux qu’on appelle « les Justes » ont résisté à l’Allemagne nazie. Sous l’occupation certains ont abrité chez eux des Juifs qui ont donc échappé à des rafles. Or rien n’était plus conforme aux lois alors en vigueur que la délation.

Toutefois, en jouant avec les apparences (RAPPEL thème chez MACHIAVEL séance 2, le Prince doit au mieux paraitre paré de toutes les vertus !!), même le despote se réfère au légitime pour justifier son action : Napoléon III violant la constitution de la Seconde République qu’il devait protéger et rétablissant l’Empire se justifie ainsi : « je ne suis sorti de la légalité que pour rentrer dans le droit ».

Avons-nous là des raisons pour désobéir aux lois ? Platon répondrait non dans le Criton… Les cas d’Antigone et de Socrate condamné font apparaitre toutefois un désaccord entre le droit et la justice.

- Un « devoir » de « désobéissance civile » ?

TEXTE DE D. THOREAU : Faut-il d’après l’auteur toujours obéir aux lois ?

La désobéissance civile, H. D. Thoreau (1849)

Ne peut-il exister de gouvernement où ce ne seraient pas les majorités qui trancheraient du bien ou du mal, mais la conscience ? [...] Lorsqu'un sixième de la population d'une nation qui se prétend le havre de la liberté est composé d'esclaves, et que tout un pays est injustement envahi et conquis [...] il n'est pas trop tôt pour les honnêtes gens de se soulever et de passer à la révolte. [...] Il y a des milliers de gens qui par principe s'opposent à l'esclavage et à la guerre mais qui en pratique ne font rien pour y mettre un terme [...].

Il existe des lois injustes : consentirons-nous à leur obéir ? Tenterons-nous de les amender en leur obéissant jusqu'à ce que nous soyons arrivés à nos fins — ou les transgresserons-nous tout de suite? En général, les hommes, sous un gouvernement comme le nôtre, croient de leur devoir d'attendre que la majorité se soit rendue à leurs raisons. [...] Si, de par sa nature, veut faire de nous l'instrument de l'injustice envers notre prochain, alors je vous le dis, enfreignez la loi. Que votre vie soit un contre-frottement pour stopper la machine. [...]

Je n'hésite pas à le dire : ceux qui se disent abolitionnistes devraient, sur-le-champ, retirer tout de bon leur appui, tant dans leur personne que dans leurs biens, au gouvernement du Massachusetts, et cela sans attendre de constituer la majorité d'une voix, pour permettre à la justice de triompher grâce à eux. S'ils écoutent la voix de Dieu, ils n'ont nul besoin, me semble-t-il, de compter sur une autre voix. En outre, tout homme qui a raison contre les autres, constitue déjà une majorité d'une voix. [...]

Sous un gouvernement qui emprisonne quiconque injustement, la véritable place d'un homme juste est aussi en prison […]

Une minorité ne peut rien tant qu'elle se conforme à la majorité; ce n'est même pas alors une minorité. Mais elle est irrésistible lorsqu'elle fait obstruction de tout son poids. S'il n'est d'autre alternative que celle-ci : garder tous les justes en prison ou bien abandonner la guerre et l'esclavage, l'État n'hésitera pas à choisir. Si un millier d'hommes devaient s'abstenir de payer leurs impôts cette année, ce ne serait pas une initiative aussi brutale et sanglante que celle qui consisterait à les régler, et à permettre ainsi à l'État de commettre des violences et de verser le sang innocent. Cela définit, en fait, une révolution pacifique, dans la mesure où pareille chose est possible.

[...] Même à supposer que le sang coule. N'y a-t-il pas effusion de sang quand la conscience est blessée ? Par une telle blessure s'écoulent la dignité et l'immortalité véritable de la personne humaine qui meurt, vidée de son sang pour l'éternité. Je vois ce sang-là couler aujourd'hui.

CONCLU : Une loi n’est pas juste en tant que loi ! Il semble légitime à la conscience qu’elle se demande si le droit en vigueur, le droit

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